Le projet « Académie »

Contribution au tricentenaire de la naissance de l’Académie des Sciences

L’Académie des Sciences, des Arts et Belles Lettres de Bordeaux a eu 300 ans en 2012. L’équipe de « Formes du savoir » avait alors décidé de contribuer à la célébration de cet événement en suscitant et en accomplissant des travaux de recherches sur la première Académie (1712 – 1791), jusqu’aux confiscations révolutionnaires.

Cette partie du projet a été conduite et encadrée par Violaine Giacomotto-Charra et Catherine Volpilhac-Auger.

Violaine Giacomotto-Charra, directrice du projet, souhaitait développer l’ancrage local du travail entrepris avec « Le livre scientifique » : une Académie des Sciences, sa bibliothèque, ses sujets de concours, les mémoires qu’elle reçoit et qu’elle distingue… constituent une forme originale du savoir qui apparaît à la fin de la période examinée par le projet. L’Académie construit un rapport nouveau au savoir : les formes de sociabilité scientifique, un souci nouveau de la pédagogie, la constitution de réseaux de correspondants, les relations avec les autres Académies, la place faite à  l’expérience, l’attention portée à l’écrit à travers les critères de rédaction des mémoires, les liens avec l’actualité scientifique internationale, nationale et parfois très locale… sont autant de paramètres de la constitution des savoirs qui méritent qu’on les examine.

Dirigeant l’édition des Pensées et de la Correspondance de Montesquieu, en préparation (5 volumes), Catherine Volpilhac souhaitait pour sa part explorer ce qui apparaît comme un champ majeur d’activité du philosophe, l’académie de Bordeaux: en témoignent ses échanges avec plusieurs académiciens des plus actifs (Barbot, les frères Sarrau), mais aussi le fait que Montesquieu fait agréger à l’académie des correspondants illustres (Silva, Folkes) ou dont il renforce la reconnaissance sociale tout en bénéficiant d’un apport étranger non négligeable (Venuti, Guasco). Le réseau social et intellectuel qu’il crée ainsi bien au-delà de la Guyenne est un premier aspect qui mérite étude.

L’intérêt pour les sciences, notamment sous la forme d’expériences, le développement des prix (qui renforcent l’aspect international de l’Académie), le souci de l’intérêt public, illustrent également un nouvel idéal que Montesquieu contribue fortement à définir. Le développement de la bibliothèque de l’académie (noyau de la bibliothèque municipale classée de Bordeaux) en est un aspect important. L’académie apparaît ainsi comme un laboratoire d’idées nouvelles et relève à ce titre du mouvement d’émergence des Lumières qui se développe sourdement durant la première moitié du XVIIIe siècle, et plus manifestement ensuite. Le rôle pionnier de cette académie mérite donc de susciter des recherches approfondies, à partir des fonds locaux, considérables (registres manuscrits, mémoires, catalogues, bibliothèque de l’académie, etc.) et quasiment inexploités à ce jour.

Dans la perspective du Projet, qui est aussi un projet de formation, tout un travail d’enquête et de catalogage a été confié à un étudiant de Master II Études Littéraires, par ailleurs en formation continue de bibliothécaire. Depuis l’été 2011, Julien Cussaguet a ainsi accompli un minutieux travail de dépouillement des catalogues et des manuscrits, de vérification des données, d’établissement des listes, avec l’aide précieuse de Nicolas Barbey, conservateur et chef des Fonds anciens et précieux, et de Louis Torchet, conservateurs général, responsable du département Patrimoine à la Bibliothèque Municipale de Bordeaux, dépositaire des livres et des archives de l’Académie des Sciences.

Les résultats de cette enquête ont été progressivement mis en ligne et sont désormais archivés sur le site du Centre Montaigne, qui a recueilli l’héritage du projet Formes du Savoir.

Le Manuscrit 828

L’inventaire du Manuscrit 828 a été réalisé par Julien Cussaguet.

 

Le tableau téléchargeable ci-dessous constitue l’inventaire du manuscrit 828 de la Bibliothèque Municipale de Bordeaux, qui comporte l’ensemble des mémoires de concours pour lesquels nous disposons d’un manuscrit, et divers documents, comme les observations de l’abbé Bellet, des Lettres et notes au sujet de l’Académie, des dissertations.

Les mémoires primés n’y figurent pas, sauf exception, car le mémoire primé était imprimé, et son manuscrit alors rendu à son auteur ou plus probablement détruit.

Les notes portées dans la colonne « Observations » sont d’origines diverses et à usage des chercheurs :

– Ce peut être la retranscription d’ajouts au catalogue Couderc après sa publication. Les conservateurs de la bibliothèque de Bordeaux ont émis le souhait qu’elles soient conservées dans le  tableau en vue de l’établissement des notices. Il ne s’agit donc pas d’indications bibliographiques récentes sur les éditions dans lesquelles il est possible de consulter aujourd’hui ces textes. Ces indications seront données dans un second temps (Nous trouvons ces ajouts bibliographiques uniquement avec l’inventaire de certains écrits de Montesquieu).

– Ces ajouts peuvent provenir aussi des notes de Lamontaigne que nous trouvons dans le Ms 828 (par exemple : « Lu à l’assemblée publique du 25 août 1728 »). Il s’agit de préciser des informations qui ne sont pas recensées par le Couderc, surtout pour les dates : il s’agit alors de remédier aux lacunes du catalogue en essayant de rendre un tableau aussi complet que possible grâce aux informations trouvées. Par exemple, la question se pose de savoir si la date de lecture d’un discours en assemblée publique est aussi la date de publication, en sachant que les discours peuvent n’être qu’une lecture d’écrits antérieurs. Les pièces du Ms 828 qui reprennent une lecture publique peuvent aussi n’être que des retranscriptions partielles d’un discours déjà prononcé.

– Enfin, cette colonne « observations » peut être utile à la numérisation, notamment lorsque qu’elle indique une erreur de pagination (feuillet manquant ou non marqué) dans un dossier du Ms 828, une pièce manquante (recensée par le Couderc mais non trouvée), voire une pièce non recensée par le catalogue : Julien Cussaguet a découvert par exemple dans le Ms 828, XXIX, un imprimé [42,8 x 34 cm] qui était plié en quatre, intitulé [Venerandae Cruci ?] Theses philosophicae sans nom d’auteur, sans lieu ni date, non recensé par le catalogue Couderc et ne comportant aucune précision de la part de Lamontaigne.

Le travail en cours de réalisation porte donc pour l’instant sur le dépouillement et la vérification de la nature de cette énorme masse de documents. Dans un second temps, nous travaillerons à classer les sujets et à les analyser pour faire mieux apparaître les préoccupations de l’Académie, ses domaines de recherches selon les époques, ses liens avec l’actualité ou la vie locale.

 

 

Que contient le manuscrit 828?

Le manuscrit 828 de la Bibliothèque municipale de Bordeaux est une collection contenant 107 volumes (numérotés de 1 à 106 avec un 50bis) qui sont eux-mêmes divisés en pièces. Nous pouvons diviser cette collection en trois grandes parties : la première, qui représente le véritable noyau du Ms 828, est composée de l’ensemble des mémoires envoyés à l’Académie dans le cadre du concours proposé au savant. Il s’agit globalement des dossiers 44 à 102, avec quelques mémoires envoyés pour le prix qui sont répertoriés en dehors de cette tranche. Ces 59 dossiers reprennent l’ensemble des sujets proposés au concours de Physique dans l’ordre chronologique depuis la création du Prix jusqu’à la dissolution de l’Académie pendant la Révolution. Des notes de Lamontaigne, secrétaire général de l’Académie de 1755 à 1792, sont disséminées un peu partout dans ces dossiers. Elles nous livrent de précieuses informations sur le concours comme les sujets posés, les noms des lauréats, le nombre de pièces envoyées, ou encore des remarques qui expliquent pourquoi l’Académie n’a pas décerné le Prix pour telle ou telle année. Quelques dissertations primées se trouvent dans ces dossiers :

* La dissertation de Dortous de Mairan, primée en 1715 et portant sur les causes des variations du baromètre, se trouve dans le dossier 45, pièce 4.

* La dissertation de Dortous de Mairan, primée en 1717 et portant sur la cause de la lumière des phosphores et des noctiluques, se trouve dans le dossier 46, pièce 1.

* La dissertation de Bouillet, primée en 1720 et portant sur la cause de la pesanteur, se trouve dans le dossier 48, pièce 15.

* La dissertation de Crouzas, primée en 1721 et portant sur la cause du ressort, se trouve dans le dossier 48, pièce 18.

* La dissertation de Crouzas, primée en 1729 et portant sur la nature, l’action et la propagation du feu, se trouve dans le dossier 53, pièce 2.

* La dissertation de Sarrabat, primée en 1730 et portant sur la cause des vents et de leurs variations, se trouve dans le dossier 53, pièce 23.

* La dissertation de Sarrabat, primée en 1732 et portant sur le magnétisme des corps, se trouve dans le dossier 55, pièce 3.

* La dissertation de Hamberger, primée en 1746 et portant sur le mécanisme des sécrétions dans le corps humain, se trouve dans le dossier 69, pièce 5.

* La dissertation de Fournier Choisy, primée en 1770 et portant sur les maladies occasionnées par le desséchement des marais, se trouve dans le dossier 84, pièce 6.

* La dissertation de Marteau, primée en 1769 et portant sur l’analyse des eaux minérales, se trouve dans le dossier 84, pièce 10.

* La dissertation de Vigneron, primée en 1788 et portant sur l’éloge du maréchal Gontaut de Biron, se trouve dans le dossier 101, pièce 3.

* La dissertation de Parmentier, primée en 1784 et portant sur le maïs, se trouve dans le dossier 102, pièce 15.

 

La seconde partie se compose des dossiers 20, 21 et 105 qui sont remarquables par leur contenu : composés respectivement de 96, 98, et 116 pièces, ils offrent toute une série de documents utiles (essentiellement des lettres ou des rapports) à l’élaboration de l’histoire de l’Académie des Belles-Lettres, Sciences et Arts de Bordeaux. Ils contiennent des informations sur les Académiciens et leur nomination, sur les sujets de concours qui sont parfois débattus ou sur le recueil des dissertations primées, sur le fonctionnement de l’Académie, l’évolution de ses Statuts… Il s’agit des dossiers les plus détaillés. Enfin, la dernière partie se compose des autres dossiers (1 à 19, 22 à 43, et 103, 104, 106) qui sont, pour la plupart, des mémoires d’Académiciens. Dans ces dossiers nous retrouvons des notes de Lamontaigne qui nous donnent des informations essentielles sur les Académiciens (date de nomination, de décès, emploi occupé par ailleurs).

 

Analyse des têtes de vedettes

  Pour ce travail, nous avons utilisé le répertoire d’autorité-matière encyclopédique et alphabétique unifié de la Bibliothèque Nationale de France, répertoire plus connu sous le nom Rameau. Il nous a permis d’attribuer les thématiques à chaque pièce du Manuscrit 828. La thématique de notre inventaire permet de recenser un à trois thèmes différents pour une même pièce, nommés T1, T2 et T3. Nous avons recouru à deux moyens différents pour attribuer les thèmes à partir de Rameau : la thématique que nous nommons « en subdivision » (qui est celle que nous avons privilégiée dans la mesure du possible), et la thématique que nous nommons « linéaire ». Lorsque la thématique est en subdivision, T1 est le thème le plus général, T2 une division de T1, et T3 une division de T2. Ainsi, dans le dossier 1, la pièce 4 parle de fossiles. Dans une thématique en subdivision, nous avons :

T1 = Sciences naturelles.

T2 = Géologie.

T3 = Paléontologie.

Lorsque la thématique est linéaire, il y a au moins deux thèmes généraux (donc employables en tête de vedette) parmi T1, T2 et T3. Ainsi, dans le dossier 34, la pièce 10 est une dissertation sur la situation des Provinces-Unies, leur origine, leurs produits, leurs intérêts, leurs forces et leurs revenus. Nous avons :

T1 = Géographie.

T2 = Urbanisme.

T3 = Economie.

Les trois thèmes sont égaux. Dans l’étude qui suit, nous prenons donc en compte les têtes de vedette des thématiques en subdivision, et les thèmes employables en tête de vedette des thématiques linéaires. Voici le classement :

 

Rang

Thème

Occurrences

1

Sciences naturelles

338

2

Histoire

252

3

Sociétés savantes et instituts

240

4

Physique

238

5

Santé et médecine

224

6

Personnalités

170

7

Agriculture

164

8

Correspondance

85

9

Mœurs et coutumes

80

10

Religion

51

Urbanisme

51

12

Eloges

50

13

Aliments

42

14

Lettre d’information

41

15

Feu

40

16

Sciences politiques

37

17

Catalogues

34

Transports maritimes

34

19

Commerce

31

20

Livres et lectures

29

21

Sciences appliquées

26

22

Mécanique des fluides

25

23

Fibres

23

Philosophie

23

25

Astronomie

20

26

Discours

19

27

Biochimie

17

Droit

17

Linguistique

17

Mathématiques

17

31

Chimie

16

32

Arts

15

33

Espaces naturels

14

34

Argile

12

Bois

12

36

Littérature

10

37

Economie

9

Institution

9

Recherche d’information

9

40

Sciences humaines

8

Zoologie

8

42

Air

7

Arts et sciences navals

7

44

Arts et sciences militaires

6

Géographie

6

Métallurgie

6

47

Aciers

5

Alcools

5

Archéologie

5

Classes sociales

5

Presse

5

Sépulture

5

Voyages

5

54

Lettre de recommandation

4

Mesures physiques

4

Psychophysiologie

4

57

Couleur

3

Décès

3

Ressources naturelles

3

Sciences auxiliaires de l’histoire

3

61

Artisanat

2

Catastrophes

2

Ethnologie

2

Grammaire

2

Industries graphiques

2

Sport

2

67

Architecture

1

Audiophonologie

1

Coagulation

1

Neurophysiologie

1

Radiesthésie

1

Relations humaines

1

Sciences sociales

1

Taxidermie

1

 

Les Sciences naturelles reviennent souvent, il s’agit du premier thème. Avec 338 occurrences, les principales subdivisions de cette tête de vedette concernent la biologie (99 occurrences), l’hydrologie (58) ou encore la géologie (52). En ce qui concerne la biologie, et en plus des sujets posés pour le concours comme le mouvement des muscles, de nombreux savants s’interrogent sur l’anatomie, et plus particulièrement le cerveau, le cœur ou encore les cheveux. Concernant l’hydrologie, il y a eu de nombreux débats tout au long du 18e siècle : on s’interroge sur la cause de la salinité de la mer, on s’émerveille devant les fontaines, on étudie les diverses transformations de l’eau notamment en glace, les analyses sur les eaux minérales fleurissent… Quant à la géologie, les catastrophes naturelles imprévisibles que sont les séismes fascinent les savants.

L’Histoire arrive en seconde position. De nombreux académiciens avaient pour projet de faire une Histoire de la Guyenne. L’abbé Bellet a fortement contribué à ce projet, avec deux dossiers du Ms 828 qui lui sont entièrement dédiés : les dossiers 4 et 5. La principale subdivision concerne les chroniques (23), l’abbé Bellet y rapporte ses observations sur le pays de Cadillac année par année, de 1717 à 1738. La tête de vedette Histoire est plus largement associée à d’autres têtes de vedette comme celle des mœurs et coutumes (57), où l’abbé Bellet, s’appuyant vraisemblablement sur des documents anciens, nous raconte de nombreuses anecdotes qui se sont déroulées des siècles auparavant (la plus ancienne date de 1120 !), dont certaines sont assez burlesques. L’Histoire est aussi mêlée au thème de l’urbanisme (28). L’abbé Baurein nous livre par exemple un essai historique sur l’ancien état de la ville de Bordeaux.

Sous la tête de vedette Sociétés savantes et instituts, nous retrouvons tous les documents où il est question de l’Académie, de son fonctionnement, ou encore des académiciens. Avec 240 occurrences, il s’agit du troisième thème le plus abordé. Lorsqu’il est associé à la tête de vedette « personnalités » (108), les pièces concernées traitent des académiciens : elles livrent de nombreuses anecdotes et informations à leur sujet. La subdivision « concours » (35) donne des informations sur le Prix de Physique : nous trouvons des débats sur les sujets ou tout simplement des informations sur les lauréats du concours. Tous ces documents sont utiles à l’élaboration de l’Histoire de l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Bordeaux.

Autre thème récurrent, celui de la Physique, avec 238 occurrences. La principale subdivision est celle de la météorologie (82). Les relevés de températures, de pression, ou de phénomènes marquants sont fréquents. Certains savants pensent que les variations de températures et de pression, ainsi que les phénomènes naturels peuvent être cycliques. Les corps (33) sont étudiés sous tous leurs aspects : magnétisme, poids, diaphanéité… Dès la moitié du XVIIIe siècle, le thème de l’électricité revient aussi souvent (28) : sous l’impulsion des travaux de Benjamin Franklin, un sujet de concours porte sur l’analogie entre la foudre et l’électricité. Jacques de Romas prouve à son tour publiquement la nature électrique de la foudre avec son cerf-volant. Certains mémoires portent également sur le paratonnerre.

Le thème Santé et médecine est aussi un des grands thèmes de l’Académie des Sciences de Bordeaux (224). Les maladies sont très largement traitées (127) : qu’elles soient fréquentes comme les épidémies, ou rares comme la formation d’un calcul dans la bouche d’un jeune homme, les dissertations font une large part à l’observation. Certains savants comme Bouillet tentent de faire une histoire générale des maladies. La seconde subdivision concerne la puériculture (47). Alors qu’à la fin du 18ème siècle de nombreuses expériences sont faites à l’hôpital des enfants trouvés, les lettres et les essais sur l’allaitement artificiel fleurissent. Enfin, le thème du thermalisme est aussi assez exploité (19), on étudie les effets curatifs des bains.

D’une manière générale, nous pouvons observer la richesse des thèmes abordés qui vont bien au-delà des étiquettes « Sciences, Belles-Lettres et Arts » que porte l’Académie. En effet, une multitude de thèmes, parfois largement traités, n’entre dans aucune de ces trois catégories (comme l’agriculture, le commerce ou l’économie).

Le Catalogue Couderc

Par Julien Cussaguet

Pour faire le catalogage et la description précise du Manuscrit 828, nous sommes parti du Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque de Bordeaux, catalogue qui nous a paru le plus complet. Il est le fruit d’un long travail de Camille Couderc, conservateur adjoint au département des manuscrits de la Bibliothèque nationale1. Il a collaboré à l’élaboration de plusieurs catalogues de manuscrits conservés dans des bibliothèques départementales comme Bordeaux, Clermont-Ferrand ou Chartres. Le Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque de Bordeaux de Camille Couderc, paru en 1894, complète le catalogue de Jules Delpit qui paraît quatorze ans plus tôt2. Camille Couderc estime avoir élaboré 400 notices de plus : dans l’introduction de son ouvrage, ce conservateur précise qu’il imprime les catalogues qu’il a rencontrés tant aux Archives départementales qu’à la Bibliothèque de la ville, des manuscrits conservés autrefois dans quelques collections particulières ou dans les couvents de Bordeaux, comme celui des Augustins qui possédait avant la Révolution la plus importante collection de manuscrits. Celle de l’Académie comprenait en effet, avec sa longue série de mémoires, un plus grand nombre de volumes3. Les catalogues qui recensent les manuscrits de la Bibliothèque de Bordeaux se succèdent, et pour cause, les estimations du nombre de manuscrits ne cessent d’augmenter tout au long du XIXème siècle : Gustav Friedrich Haenel dans son Catalogui librorum manuscriptorum4 estime à 150 environ le nombre de manuscrits possédés par la Bibliothèque de Bordeaux en 1823 ; en 1843, Jouannet affirme dans Statistiques du département de la Gironde que le nombre de manuscrits de la Bibliothèque de Bordeaux n’est pas inférieur à 2505. En 1861, dans Histoire de la Bibliothèque de Bordeaux, Gergerès porte à 1300 le nombre total de manuscrits6. Le catalogue de Camille Couderc montre que cette estimation est très en dessous de la réalité. Voici un exemple de ce que nous trouvons dans le catalogue Couderc, p. 492 :

828 (LXXXI). Dissertations sur les principes à suivre dans le mélange des terres pour les rendre plus fertiles (1-2), 1764, et sur la cause de la formation des montagnes (3-12), 1765-1767.

Celle qui porte le no 8 est du président Lavie.

XVIIIe siècle. Papier. 12 dossiers. 250 sur 185 millim. Demi-rel. Basane.

    À partir de ce type d’informations et du dépouillement minutieux de la collection, nous avons pu faire une description détaillée de chaque pièce. La description comporte : le numéro et le nom du dossier, le numéro et le nom de la pièce, l’auteur, la date précise d’écriture s’il s’agit d’un mémoire ou d’une lettre, sinon la date précise du discours lorsqu’elle est indiquée, l’année, le nombre de pages, la dimension de la pièce, la cote du microfilm si elle existe, les thèmes abordés, une mention s’il s’agit d’une pièce envoyée dans le cadre du Prix de Physique, et les observations éventuelles. Ce catalogage a deux principaux objectifs. Le premier concerne spécifiquement la recherche : il s’agit de rendre accessible cet inventaire d’une grande richesse à tous ceux qui souhaitent travailler sur l’Académie des Sciences de Bordeaux (chercheurs, bibliothécaires, Académiciens…). La version numérique du catalogage (incluse dans le CD-ROM et disponible à la Bibliothèque municipale de Bordeaux) permet d’utiliser pleinement toutes les ressources d’Excel. À partir des filtres installés dans chaque colonne du tableur, il devient possible de faire une recherche alphabétique (par nom d’auteur ou titre de pièce), une recherche chronologique (par les dates exactes ou plus largement par l’année), une recherche thématique, et de dégager ainsi les grands thèmes abordés, ou encore d’isoler les pièces envoyées en vue du concours de Physique. Il est même possible de combiner plusieurs types de recherches en mêlant par exemple recherche thématique et recherche chronologique pour observer l’évolution du traitement d’un thème au cours du temps. Nous pouvons également recourir à la fonction « Rechercher » du tableur pour trouver une information à partir d’un mot. Le second objectif concerne la Bibliothèque de Bordeaux, et, à terme, tous les lecteurs non spécialistes : les informations du catalogage contenues dans le tableau Excel seront retraitées par un logiciel spécial servant à l’élaboration des notices.

Certains documents n’ont pas été recensés par Camille Couderc. Nous en avons trouvé huit

  • Dossier 29

Avant la première pièce du dossier 29, nous avons un document intitulé Venerandae Cruci. Theses philosophicae. Il s’agit d’un imprimé latin composé d’un seul feuillet mesurant 42,8 cm de hauteur par 34 cm de largeur, ce qui est largement supérieur à la dimension moyenne des autres documents. Il contient dix articles. Le premier pose une définition de la physique, le second définit ses principes, et les huit autres établissent ses objets d’étude. La fin du document nous donne des renseignements sur l’auteur : il s’agit de Josephus Pedesclaux, professeur de physique. Le document date de 1716.

  • Dossier 47, pièce 8.

La huitième pièce du dossier 47 n’est pas recensée. La description du dossier par Camille Couderc limite à 7 le nombre total de pièces. Mais nous avons bel et bien 8 pièces : la dernière est une dissertation latine accompagnée de figures sur la nature et les causes de l’écho. Elle a été écrite par Bachstrosm qui l’a envoyée à l’Académie le 27 septembre 1717 en vue du Prix de Physique. D’après Lamontaigne, cette dissertation a été reçue hors-délais, et de fait, n’a pu concourir pour le Prix de l’année.

  • Dossier 88, pièce 10 bis, pièces 14, 15, 16 et 17.

Cinq pièces n’ont pas été recensées dans le dossier 88. Le dossier ne comprend donc pas 13 mais 18 pièces. La pièce 10 bis n’apparaît pas dans l’inventaire. Il s’agit d’un rapport de la dissertation de Chevallier sur les moyens d’améliorer les landes de Bordeaux. Le rapport, établi par l’abbé Baurein, et daté du 21 avril 1776, contient des réflexions critiques sur cette dissertation.

Les pièces 14, 15, 16 et 17 n’apparaissent pas non plus dans l’inventaire. Il s’agit de lettres envoyées à l’Académie par le même auteur du mémoire qui porte le numéro 13 dans le dossier 88 (auteur anonyme). La pièce 14, non datée, parle du plan général et de la première partie du mémoire qui sera envoyé par la suite. La pièce 15, reçue par l’Académie le 27 mars 1776, est une lettre dans laquelle l’auteur demande à l’Académie un délai supplémentaire pour l’envoi de la version définitive de son mémoire. Dans la pièce 16, reçue le 20 avril 1776, l’auteur explique que, finalement, il n’a pas voulu attendre l’issue de ses nouvelles expériences avant d’envoyer son mémoire. Elle accompagne vraisemblablement l’envoi de celui-ci. Dans la pièce 17, reçue le 27 avril 1776, l’auteur apporte une correction sur son mémoire sur les landes.

Piece 10 bisPiece 14

Piece 15 et 16

  • Dossier 89, pièce 8.

La pièce 8, non référencée par Camille Couderc, est un document imprimé daté du 13 janvier 1772. Il traite du programme de l’Académie Royale de Bordeaux concernant le sujet du concours de 1778 sur les meilleurs moyens pour préserver les nègres qu’on transporte de l’Afrique dans les colonies, des maladies fréquentes et si souvent funestes, qu’ils éprouvent pendant le trajet. L’Académie décrit dans cet imprimé ce qu’elle attend des savants pour pouvoir prétendre gagner le Prix.

 Une pièce référencée par Camille Couderc manque : le Catalogue des fleurs ou espèces de renoncules que cultivent les religieux de la maison de Vauclaire de l’abbé Bellet (pièce 12 du dossier 17) demeure introuvable.

Notes :

1 Henri Moranvillé nous propose une brève biographie de ce conservateur dans son article « Camille Couderc » paru dans Bibliothèque de l’école des chartes en 1933, tome 94, p.412-414.

2 DELPIT Jules, Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque de Bordeaux, Bordeaux, J. Delmas, 1880.

3 Voir son introduction : COUDERC Camille, Le Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque de Bordeaux, Paris, Laffont, 1894, p. 8.

4 HAENEL Gustav Friedrich, Catalogui librorum manuscriptorum, Leipzig, 1830.

5 JOUANNET François, Statistiques du département de la Gironde, tome 3, Paris-Bordeaux, 1843.

6 GERGERÈS Jean Baptiste, Histoire de la Bibliothèque de Bordeaux, Paris-Bordeaux, 1864.

Julien Cussaguet, alors étudiant à l’Université Bordeaux Montaigne et en formation de bibliothécaire, a accompli un long stage à la Bibliothèque Municipale pour retrouver et classer les documents de l’Académie dont certains, comme les Statuts, étaient réputés perdus. Le projet Formes du Savoir le remercie pour son important travail.