L’ACADÉMIE DES SCIENCES

Contribution au tricentenaire de la naissance de l’Académie des Sciences

L’Académie des Sciences, des Arts et Belles Lettres de Bordeaux a eu 300 ans en 2012. L’équipe de « Formes du savoir » avait alors décidé de contribuer à la célébration de cet événement en suscitant et en accomplissant des travaux de recherches sur la première Académie (1712 – 1791), jusqu’aux confiscations révolutionnaires.

Cette partie du projet a été conduite et encadrée par Violaine Giacomotto-Charra et Catherine Volpilhac-Auger.

Violaine Giacomotto-Charra, directrice du projet, souhaitait développer l’ancrage local du travail entrepris avec « Le livre scientifique » : une Académie des Sciences, sa bibliothèque, ses sujets de concours, les mémoires qu’elle reçoit et qu’elle distingue… constituent une forme originale du savoir qui apparaît à la fin de la période examinée par le projet. L’Académie construit un rapport nouveau au savoir : les formes de sociabilité scientifique, un souci nouveau de la pédagogie, la constitution de réseaux de correspondants, les relations avec les autres Académies, la place faite à l’expérience, l’attention portée à l’écrit à travers les critères de rédaction des mémoires, les liens avec l’actualité scientifique internationale, nationale et parfois très locale… sont autant de paramètres de la constitution des savoirs qui méritent qu’on les examine.

Dirigeant l’édition des Pensées et de la Correspondance de Montesquieu, en préparation (5 volumes), Catherine Volpilhac souhaitait pour sa part explorer ce qui apparaît comme un champ majeur d’activité du philosophe, l’académie de Bordeaux: en témoignent ses échanges avec plusieurs académiciens des plus actifs (Barbot, les frères Sarrau), mais aussi le fait que Montesquieu fait agréger à l’académie des correspondants illustres (Silva, Folkes) ou dont il renforce la reconnaissance sociale tout en bénéficiant d’un apport étranger non négligeable (Venuti, Guasco). Le réseau social et intellectuel qu’il crée ainsi bien au-delà de la Guyenne est un premier aspect qui mérite étude.

L’intérêt pour les sciences, notamment sous la forme d’expériences, le développement des prix (qui renforcent l’aspect international de l’Académie), le souci de l’intérêt public, illustrent également un nouvel idéal que Montesquieu contribue fortement à définir. Le développement de la bibliothèque de l’académie (noyau de la bibliothèque municipale classée de Bordeaux) en est un aspect important. L’académie apparaît ainsi comme un laboratoire d’idées nouvelles et relève à ce titre du mouvement d’émergence des Lumières qui se développe sourdement durant la première moitié du XVIIIe siècle, et plus manifestement ensuite. Le rôle pionnier de cette académie mérite donc de susciter des recherches approfondies, à partir des fonds locaux, considérables (registres manuscrits, mémoires, catalogues, bibliothèque de l’académie, etc.) et quasiment inexploités à ce jour.

Dans la perspective du Projet, qui est aussi un projet de formation, tout un travail d’enquête et de catalogage a été confié à un étudiant de Master II Études Littéraires, par ailleurs en formation continue de bibliothécaire. Depuis l’été 2011, Julien Cussaguet a ainsi accompli un minutieux travail de dépouillement des catalogues et des manuscrits, de vérification des données, d’établissement des listes, avec l’aide précieuse de Nicolas Barbey, conservateur et chef des Fonds anciens et précieux, et de Louis Torchet, conservateurs général, responsable du département Patrimoine à la Bibliothèque Municipale de Bordeaux, dépositaire des livres et des archives de l’Académie des Sciences.

Les résultats de cette enquête ont été progressivement mis en ligne et sont désormais archivés sur le site du Centre Montaigne, qui a recueilli l’héritage du projet Formes du Savoir.

Le manuscrit 828
L’inventaire du Manuscrit 828 a été réalisé par Julien Cussaguet.

Le tableau téléchargeable ci-dessous constitue l’inventaire du manuscrit 828 de la Bibliothèque Municipale de Bordeaux, qui comporte l’ensemble des mémoires de concours pour lesquels nous disposons d’un manuscrit, et divers documents, comme les observations de l’abbé Bellet, des Lettres et notes au sujet de l’Académie, des dissertations.

Les mémoires primés n’y figurent pas, sauf exception, car le mémoire primé était imprimé, et son manuscrit alors rendu à son auteur ou plus probablement détruit.

Les notes portées dans la colonne « Observations » sont d’origines diverses et à usage des chercheurs :

– Ce peut être la retranscription d’ajouts au catalogue Couderc après sa publication. Les conservateurs de la bibliothèque de Bordeaux ont émis le souhait qu’elles soient conservées dans le tableau en vue de l’établissement des notices. Il ne s’agit donc pas d’indications bibliographiques récentes sur les éditions dans lesquelles il est possible de consulter aujourd’hui ces textes. Ces indications seront données dans un second temps (Nous trouvons ces ajouts bibliographiques uniquement avec l’inventaire de certains écrits de Montesquieu).

– Ces ajouts peuvent provenir aussi des notes de Lamontaigne que nous trouvons dans le Ms 828 (par exemple : « Lu à l’assemblée publique du 25 août 1728 »). Il s’agit de préciser des informations qui ne sont pas recensées par le Couderc, surtout pour les dates : il s’agit alors de remédier aux lacunes du catalogue en essayant de rendre un tableau aussi complet que possible grâce aux informations trouvées. Par exemple, la question se pose de savoir si la date de lecture d’un discours en assemblée publique est aussi la date de publication, en sachant que les discours peuvent n’être qu’une lecture d’écrits antérieurs. Les pièces du Ms 828 qui reprennent une lecture publique peuvent aussi n’être que des retranscriptions partielles d’un discours déjà prononcé.

– Enfin, cette colonne « observations » peut être utile à la numérisation, notamment lorsque qu’elle indique une erreur de pagination (feuillet manquant ou non marqué) dans un dossier du Ms 828, une pièce manquante (recensée par le Couderc mais non trouvée), voire une pièce non recensée par le catalogue : Julien Cussaguet a découvert par exemple dans le Ms 828, XXIX, un imprimé [42,8 x 34 cm] qui était plié en quatre, intitulé [Venerandae Cruci ?] Theses philosophicae sans nom d’auteur, sans lieu ni date, non recensé par le catalogue Couderc et ne comportant aucune précision de la part de Lamontaigne.

Le travail en cours de réalisation porte donc pour l’instant sur le dépouillement et la vérification de la nature de cette énorme masse de documents. Dans un second temps, nous travaillerons à classer les sujets et à les analyser pour faire mieux apparaître les préoccupations de l’Académie, ses domaines de recherches selon les époques, ses liens avec l’actualité ou la vie locale.

La naissance de l’Académie Royale de Bordeaux
par Julien Cussaguet

1. Prémices et fondation de l’Académie

Dans son discours du 16 janvier 1739, Jean Barbot, président de l’Académie Royale des Belles-Lettres, Sciences et Arts de Bordeaux, évoque un rassemblement de physiciens et de médecins dans cette ville en 1664 autour d’Henri-François Salomon de Virelade, alors président à mortier au parlement. Cette assemblée qui « cultivait les sciences naturelles » (1) voit le jour dans un contexte où se développent de nombreux cercles savants. Daniel Roche, dans Les académies provinciales du XVIIIe siècle et la diffusion des sciences, nous rappelle les noms de quelques grandes personnalités autour desquelles se sont rassemblés ces cercles qui avaient déjà une activité et un public au cours du XVIIe siècle : Fermat à Toulouse, Etienne Pascal à Clermont-Ferrand, ou encore Daniel Huet à Caen (2). Certains regroupements connaissaient même un franc succès, comme à Caen où les intendants de la province voulaient être admis dans ces réunions. Paul Courteault, dans Une Académie des sciences à Bordeaux au XVIIe siècle (3), nous montre le caractère véritablement scientifique des réunions qui s’organisaient autour de Salomon en reprenant divers documents dont un écrit de l’académicien Pierre de Galatheau qui participait à ces assemblées :

Salomon avait voulu « establir les conférences et les exercices d’une physique expérimentale » (4); « on y faisait les expériences » qui regardent principalement l’anatomie curieuse des animaux et la recherche des plantes (5). On s’y proposait d’imiter « cette incomparable Académie royale, qui a bien voulu donner une partie de cette année aux dissections d’un lyon, d’un renard marin, d’un caméléon, d’un castor, d’un dromadaire, d’un ours et d’une gazelle, d’autres occupations semblables » (6)« Poussée d’un généreux dessein de relever l’éclat des sciences dans cette province », l’Académie naissante avait « convoqué l’élite des sçavans pour donner des éclaircissements aux questions de la belle physique », et on y avait fait « diverses conférences et amusemens anatomiques sur les cervelles des animaux et des poissons » (7). Mais les questions d’anatomie et de physiologie étant intimement liées aux problèmes métaphysiques, l’Académie n’hésitait pas à aborder les « belles matières […] qui regardent en gros les forces de l’imagination et le siège de l’âme raisonnable et périssable » (8).

Ces lignes nous permettent de constater que la pratique était toute aussi importante que la théorie, avec une large place faite à l’expérience et à l’observation. Se pose ensuite la question de la vulgarisation du savoir scientifique par la volonté de rendre plus accessibles les questions physiques dans une société où la majorité des assemblées discute des travaux humanistes et rhétoriques. De plus, nous voyons d’ores et déjà apparaître les liens entre arts et sciences qui sont une véritable novation académique. Ces trois principaux points montrent que cette société est pleinement révélatrice d’un XVIIe siècle scientifique et qu’elle annonce ce qui sera quelques dizaines d’années après l’Académie Royale des Belles-Lettres, Sciences et Arts de Bordeaux. Cependant, suite à la mort du président Salomon le 2 mars 1670, soit peu après la naissance de ce rassemblement, il n’y aura plus de trace de cette assemblée. Pour Paul Courteault, « la tentative du président Salomon n’était pas viable, parce qu’elle était prématurée » (9). Il faut attendre le tout début du XVIIIe siècle pour voir éclore une nouvelle Compagnie dont les membres ont une passion commune : la musique. Cette société, qui siège dans un premier temps rue Margaux, prend le nom d’Académie des Lyriques en 1707. Elle comprend quatre classes de personnes qui nous sont présentées par l’abbé Jules Bellet dans son Histoire de l’Académie Royale des Belles-Lettres, Sciences et Arts de Bordeaux :

La première étoit de ceux qui par leurs facultez contribuaient à la dépense; la deuxième, de ceux qui, aimant la musique et l’exécution, volontairement s’engagèrent à ces concerts; la troisième étoit de musiciens à qui on donnoit des pensions ou des gages. On ajouta une quatrième classe qui parut nécessaire : c’estoit un nombre de demoiselles pour chanter aux récits et aux choeurs, parce que, sans dessus chantans, on ne peut avoir de belle exécution de musique (10)

Au sein de cette Académie, les concerts faisaient la part belle à la musique latine, les plus beaux opéras ou cantates étaient à l’honneur, tout comme des morceaux italiens, des psaumes, des motets, des messes ou encore des Te Deum. Les étrangers, sans distinction de qualité, de rang, de parenté ou d’amitié ne pouvaient pas accéder aux concerts, si bien que la majorité des membres était des parlementaires. Le moment d’attente qui précédait le concert était essentiel puisqu’il était l’occasion pour les membres « qui avaient de l’éducation et de l’étude » (11) d’échanger autour de plusieurs matières comme l’Histoire, les Belles Lettres ou même la Physique, confirmant par là même les prédispositions scientifiques annoncées à la seconde moitié du XVIIe siècle par le regroupement autour de Salomon. Finalement, des conférences de deux heures furent aménagées avant le concert pour permettre ce type d’échanges, jusqu’à ce qu’un jour spécifique leur soit dédié. Progressivement, les sciences prirent de l’importance lors des conférences :

Parmi toute cette érudition et cette littérature, on ne laissoit pas de sentir un certain goût et un certain penchant pour les sujets où le raisonnement avait plus de part que l’imagination. La physique, la métaphysique, la géométrie avoient pris un ascendant sur les belles-lettres (12)

Lors d’une assemblée, certains membres allèrent jusqu’à proposer l’étude de la physique (sans exclure les belles-lettres). Mais une scission s’établit alors avec d’une part les « Physiciens » et d’autre part « les Antiphysiciens ». La rupture se fit lorsque les Physiciens reçurent un associé, M. de Navarre, sans s’être concertés avec les Antiphysiciens, allant ainsi contre les formes ordinaires et à l’encontre des statuts et règlements alors en vigueur. L’ardeur fut vive des deux côtés, et ne pouvant calmer les esprits, le directeur décida, en mars 1711, de dissoudre l’Académie. Malgré cela, les Physiciens continuèrent à se réunir. Ils louèrent une maison rue d’Ayres afin de pouvoir tenir des conférences et donner des concerts. Après avoir rappelé les musiciens, les volontaires et les gagistes, ils reçurent de nouveaux académiciens et devinrent connus dans la ville. Pour que l’Académie soit reconnue sans danger, afin de donner plus d’étendues à ses exercices et pour en faciliter l’accès à un grand nombre de savants, les membres eurent recours à l’autorité du Roi en demandant des lettres patentes portant établissement dans la ville de Bordeaux d’une Académie des Belles-Lettres, Sciences et Arts. Le Roi Louis le Grand déclara le duc de La Force protecteur de l’Académie. Les lettres patentes furent enregistrées au Parlement de Bordeaux le 3 mai 1713, et l’Académie s’assembla devant le public au Collège de Guienne le 20 mai 1713.

2. Les statuts de l’Académie

Ce document historique appartient toujours à l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Bordeaux qui l’a déposé à la Bibliothèque municipale. Ces statuts ont été repris dans les Actes (13) de l’Académie en 1879. Nous les retranscrivons ici dans une graphie modernisée (voir rubrique « Statuts »).

L’abbé Jules Bellet nous informe de ses observations sur les statuts de l’Académie en reprenant certains articles et en les commentant (14). Il nous indique, par exemple, concernant l’article IV, qu’un secrétaire des Sciences est en réalité beaucoup plus occupé qu’un secrétaire des Arts et Belles-Lettres, bien que les statuts leur confèrent la même fonction. Cela montre donc encore une fois que, dès sa fondation, la Compagnie était résolument tournée vers les sciences. En agissant ainsi, elle semble répondre à une curiosité et à une envie générales de la population bordelaise. L’abbé Jules Bellet semble pourtant se désoler du nombre d’académiciens ordinaires prévu par les statuts, trop faible selon lui :

Ce n’est pas la faute de l’Académie s’il n’y a que vingt Académiciens ordinaires résidens à Bordeaux. C’est plutôt celle d’une ville où les habitans, tous propre aux sciences par leur esprit, ne l’y attachent pas, parce que leur esprit tient lieu de science (15)

Il nous incite également à nous méfier de l’article XIII qui n’a jamais été respecté à cause des diverses occupations des Académiciens engagés en semaine, pour la plupart, dans divers tribunaux (les réunions finalement se tiennent les dimanches après-midi, les jours de fêtes, et les concerts deviennent de plus en plus rares) et de l’article XXI qui n’a pas non plus été suivi à cause des rentrées du Parlement et de la Cour des Aides (finalement, c’est le premier dimanche qui suit la fête de Saint-Martin qui a été retenu). Pour l’article XX, qui concerne les prix, Bellet précise qu’en plus du prix de physique, Montesquieu fonda en 1717 le prix d’anatomie. Une tentative de fondation du prix de l’éloquence par Berthon a vu le jour, mais cette proposition a été rejetée. Le 22 juillet 1770, l’Académie charge six de ses membres de réviser ses statuts. En 1781, un projet de lettres-patentes pour la confirmation des nouveaux statuts voit le jour. Leur enregistrement a lieu le 20 juillet 1781, confirmant ainsi les nouveaux statuts (16).

3. Les premiers académiciens (1712-1793

L’Académie comprend, dès sa création, plusieurs types de membres. Les statuts prévoient vingt membres ordinaires résidant à Bordeaux pour qu’ils puissent assister régulièrement aux assemblées. Ils participent aux fonctions honorifiques, aux élections, et ils payent une cotisation annuelle de 300 livres pour les besoins de l’Académie jusqu’en 1732. Parmi eux sont élus le directeur, les secrétaires et le trésorier (leurs fonctions sont précisées dans les statuts ci-dessus). Chaque membre ordinaire peut s’occuper d’un élève. Les statuts prévoient également vingt membres associés qui ne sont pas censés être résidants, c’est la raison pour laquelle les élèves ne leur sont pas confiés. Contrairement aux membres ordinaires, les membres associés ne cotisent pas et ils peuvent accueillir des religieux faisant honneur à tous les ordres. Les associés choisissent les sujets des futurs travaux qu’ils livrent à des académiciens « connaisseurs dans ce genre d’érudition » (17). En 1738, les statuts sont modifiés : les élèves sont supprimés, cette catégorie étant jugée inutile, et une nouvelle classe de membre apparaît, les correspondants (18). Selon Pierre Barrière, la création des membres correspondants est « la conséquence normale de cette incessante collaboration qui, depuis vingt cinq ans, rassemble dans la compétition des prix les savants de tous les pays » (19). En 1776, l’Académie supprime la distinction entre les membres ordinaires et associés. Elle distingue en revanche les membres résidants (qui habitent Bordeaux) et non résidants (qui habitent en dehors de Bordeaux). La catégorie des correspondants est conservée. Les Académiciens n’ont pas de statut de membre figé, à l’exemple du Lieutenant général François de Borda d’Oro, qui est élu membre correspondant le 4 avril 1745, puis membre ordinaire le 27 août 1767. Après la Révolution et la dissolution de l’Académie Royale en 1793, la Société d’Histoire Naturelle de Bordeaux fonctionne à titre de société privée de 1796 à 1797, et ne comporte plus que deux types de membres : les associés ordinaires, qui doivent concourir aux travaux de la Société et participer à l’augmentation de sa collection, et les associés libres, qui doivent aider la société par une contribution plus forte que les ordinaires. Le 3 novembre 1797, la Société des Sciences, Belles-Lettres et Arts succède à la Société d’Histoire Naturelle. En 1814, la Société porte le nom que nous lui connaissons aujourd’hui : l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Bordeaux, composée de membres résidants, associés non résidants et correspondants.

La liste des académiciens de 1713 à 1793 a été établie par Paul Courteault, et publiée dans les Actes de l’Académie nationale des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Bordeaux de 1913, à l’occasion du bicentenaire de l’Académie. Cette liste complète corrige et poursuit celle qui a été établie par Jules de Gères, avec la collaboration de Valat et de Messier, et publiée dans un volume spécial en 1879 (20). Nous avons donc repris cette liste, et nous lui avons à notre tour apporté des modifications. Ces dernières sont systématiquement signalées par des notes de bas de page. Pour cela, nous nous sommes aidé des notes du Ms 828 établies par Lamontaigne, du Ms 1536 qui propose une liste chronologique des membres de l’Académie depuis l’époque de sa fondation, et du Ms 1696 qui propose lui aussi différentes listes de membres avec quelques exclus. Nous avons également établi, dans un fichier à part, la liste des académiciens pour la période qui suit la Révolution jusqu’à nos jours en reprenant la liste de Pierre Harlé (de 1796 à 1912). Nous l’avons corrigée, complétée et poursuivie à partir des Actes (la collection complète étant disponible à la Bibliothèque municipale de Bordeaux) de la Table centennale historique et méthodique des travaux et publications de l’Académie de Bordeaux (1876-1975) (21), et de la Table quinquennale des travaux et publications de l’Académie nationale des sciences, Belles-Lettres et Arts de Bordeaux (2001-2005) (22). Pour la liste des associés et des correspondants, nous avons recouru uniquement à la collection des Actes. Cette liste n’est sûrement pas exhaustive, mais elle constitue un travail neuf qui, nous l’espérons, facilitera l’accès à l’information à tous ceux qui souhaitent travailler sur les académiciens. Pour les besoins de notre étude, nous ne reportons ici que la liste des membres ordinaires, associés et correspondants de l’Académie Royale des Belles-Lettres, Sciences et Arts de Bordeaux, de 1712 jusqu’à sa dissolution en 1793 (par ordre chronologique).

(1) BARBOT Jean, Réflexions sur l’histoire naturelle de la Guyenne, Ms 828, CIV, 18.

(2) ROCHE Daniel, Les Académies provinciales du XVIIIe siècle et la diffusion des sciences, Bibliothèque nationale, Paris, 1976, p. 29-40 et HARCOURT-BROWN A., Scientifics organisations in Seventeenth Century France, 1620-1680, Baltimore, 1934.

(3) COURTEAULT Paul, Une académie des sciences à Bordeaux au XVIIe siècle, Actes de l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Bordeaux, A. Picard et fils, Paris, 1913.

(4) Censure de la Censure d’un discours prononcé en l’assemblée de monsieur le président de Salomon sur le changement d’un fœtus humain en celuy d’un singe par la seule force de l’imagination, Bordeaux, Pierre Abegou, 1670, p.33.

(5) Ibid., p.35.

(6) Ibid., p.7.

(7) Censure du discours prononcé sur le changement d’un fœtus humain en singe, [S.l.n.d.], p.2-3.

(8) Ibid., p.6.

(9) COURTEAULT Paul, Une académie des sciences à Bordeaux au XVIIe siècle, Actes de l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Bordeaux, A. Picard et fils, Paris, 1913, p.219.

(10) Notes de Jules Bellet provenant du fonds Lamontaigne de la Bibliothèque de Bordeaux, et retranscrites dans les Actes de l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Bordeaux, A. Picard et fils, Paris, 1913, p.251.

(11) Ibid., p.255.

(12) Ibid., p.258.

(13) « Documents historiques (1711-1713) » dans les Actes de l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Bordeaux, Gounouilhou, Bordeaux, 1879, p.223-231.

(14) Notes de Jules Bellet provenant du fonds Lamontaigne de la Bibliothèque de Bordeaux, et retranscrites dans les Actes de l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Bordeaux, A. Picard et fils, Paris, 1913, p.279-282.

(15) Ibid., p.279 (sur l’article VI).

(16) Ms 1696, XIV, 4, 14 et 15.

(17) Cf. les statuts de l’Académie, XV.

(18) Ms 1993, XXV, 14.

(19) BARRIÈRE Pierre, L’académie de Bordeaux, centre de culture internationale au XVIIIe siècle (1712-1792), éditions Bière, Bordeaux-Paris, 1951, p.21.

(20) GÈRES Jules de, Table historique et méthodique des travaux et publication de l’Académie de Bordeaux, depuis 1712 jusqu’en 1875, Académie nationale des Sciences, Belles Lettres et Arts de Bordeaux, Gounouilhou, Bordeaux, 1879, p.190-204.

(21) PAUL Jacques, Table historique et méthodique des travaux et publications de l’Académie de Bordeaux (depuis 1876 jusqu’en 1975), Bordeaux, 1976.

(22) Table quinquennale des travaux et publications de l’Académie nationale des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Bordeaux (2001-2005), Bordeaux, 2007.

Statuts de l’Académie

Retranscrits par Julien Cussaguet

Les statuts de l’Académie Royale des Belles-Lettres Sciences et Arts de Bordeaux sont les règles établies pour la conduite de cette compagnie. Ils sont systématiquement annexés à des lettres patentes qui sont nécessaires pour la confirmation et l’autorisation de ces règlements. Les premiers statuts qui accompagnent les lettres patentes portant établissement de l’Académie ont été arrêtés au Conseil d’État du Roi à Fontainebleau le 5 septembre 1712. Ils contiennent vingt-cinq articles qui portent sur les différents types de membres de l’Académie, leur élection, leurs fonctions, leurs devoirs, le Prix de Physique, les assemblées, les ouvertures et fermetures de l’Académie ou encore sa devise. Le document de ces premiers statuts appartient toujours à l’Académie de Bordeaux qui l’a déposé à la Bibliothèque municipale de Bordeaux. Ces statuts ont été repris dans les Actes(1) de l’Académie en 1879. Nous les retranscrivons ici dans une graphie modernisée.

Statuts (2) pour l’Académie des Belles-Lettres, Sciences et Arts établie à Bordeaux

ARTICLE PREMIER

Il y aura un Protecteur perpétuel de l’Académie, qui sera élu par les académiciens à la pluralité des deux tiers des voix, et ne pourra être choisi qu’avec l’agrément du Roi, du nombre des personnes d’un rang et d’une naissance distinguée.

II

Le Protecteur présidera aux assemblées quand il se trouvera à Bordeaux, les convoquera extraordinairement, si bon lui semble, et maintiendra la discipline dans la Compagnie.

III

Il sera élu un directeur annuel pour présider aux assemblées, pour les convoquer extraordinairement, quand il en sera besoin, et pour maintenir la discipline dans la Compagnie en l’absence du Protecteur.

IV

Il sera élu deux secrétaires perpétuels, un pour les Sciences, l’autre pour les Belles-Lettres et les Arts ; le premier tiendra registre des délibérations et de tout ce qui se passera dans les conférences ; il recueillera les dissertations, répondra aux lettres adressées à l’Académie, et gardera tous les livres et instruments destinés aux sciences ; le secrétaire pour les Belles-Lettres et pour les Arts aura des fonctions semblables en ce qui le concerne.

V

Il sera élu un trésorier qui tiendra un état des meubles, et de l’argent qu’il ne donnera que sur les billets d’un des secrétaires, chacun dans ce qui le concerne ; il rendra compte tous les ans au directeur et à trois académiciens choisis pour cela en présence des deux secrétaires.

VI

Les académiciens ordinaires seront au nombre de vingt, tous habitants de Bordeaux afin qu’ils puissent assister régulièrement aux assemblées, ils ne pourront être choisis parmi les religieux d’aucun ordre ; on ne prendra les officiers que dans ce nombre, et ils seront seuls en droit d’avoir chacun un élève qui sera néanmoins agréé par la Compagnie.

VII

Les académiciens associés seront au nombre de vingt de Bordeaux ou d’ailleurs ; ils seront reçus en la même forme que les ordinaires, et les religieux de toutes sortes d’ordres pourront être élus, mais il ne pourra y en avoir qu’un de chaque ordre.

VIII

Les académiciens ou candidats seront élus à la pluralité des deux tiers des voix, ils seront âgés de vingt cinq ans au moins, et les élèves de vingt au moins ; les élèves distingués par leur mérite et par les progrès qu’ils auront faits dans les sciences seront préférés aux étrangers qui se présenteront pour remplir les places vacantes.

IX

Il ne sera fait aucune élection d’académicien ordinaire ou associé, d’élève ni d’agrégé, sans que tous les académiciens qui seront dans la ville en soient avertis. Ils seront au nombre de quinze au moins pour élire un académicien et de onze pour agréer un élève ou pour accorder des lettres d’agrégation ; les élus ne pourront entrer en fonction qu’après qu’ils auront eu des lettres signées par le Protecteur et scellées du sceau de ses armes.

X

Les académiciens ordinaires ou associés ne pourront être destitués que d’un consentement unanime, et de celui du Protecteur ; mais ils pourront être interdit à la pluralité des deux tiers des voix, qui seront au nombre de quinze au moins, et avec l’agrément du Protecteur ; cette interdiction pourra être prorogée autant que la Compagnie le jugera à propos ; les élèves qui se seront rendus indignes seront destitués à la pluralité des deux tiers des voix qui seront au nombre de onze, et avec l’agrément du Protecteur.

XI

L’Académie pourra faire des règlements dans les choses qui ne sont point réglées par les Statuts, et les règlements seront approuvés à la pluralité des deux tiers des voix ; tous ceux qui seront reçus les signeront aussi bien que l’acte de leur réception quand ils seront installés.

XII

Il ne pourra être fait aucun règlement sans que pareillement tous les académiciens qui seront dans la ville soient avertis du jour ; les règlements ne seront faits qu’au nombre de quinze au moins, et ne seront exécutés qu’après l’approbation du Protecteur, il suffira qu’il l’envoie au secrétaire.

XIII

La Compagnie s’assemblera deux fois la semaine au moins, une pour les Sciences et les Belles-Lettres, l’autre pour la Musique et les Arts ; s’il se trouve des fêtes dans les jours marqués les assemblées se tiendront les jours suivants ; les séances seront de deux heures au moins.

XIIII

Les académiciens ordinaires ou associés absents seront obligés d’écrire tous les ans une lettre à la Compagnie, ou pour elle à un de ceux qui la composent, avec un ouvrage de leur façon qui sera lu selon l’ordre des dates ; et la Compagnie leur en fera savoir son sentiment par le secrétaire.

XV

Les académiciens associés déclareront le sujet et la matière qu’ils étudient et en porteront de temps en temps quelques pièces qui seront lues selon l’ordre des dates, et livrées à l’examen particulier des académiciens connaisseurs dans ce genre d’érudition pour qu’ils fassent la critique avec tout le ménagement et toute la politesse possible.

XVI

Aucun académicien ne pourra faire paraître un ouvrage au nom de l’académie ou comme académicien, sans qu’il ait été examiné et approuvé par l’Académie ; il suffira que cette approbation soit couchée sur les registres.

XVII

Les élèves assis derrière leurs patrons ne pourront parler que quand ils seront interrogés par le directeur.

XVIII

L’académie donnera des lettres d’agrégation à dix personnes nécessaires tant pour la musique que pour les autres arts ; le libraire ou imprimeur sera dans le nombre ; les dix agrégés jouiront des droits et privilèges accordés à l’Académie.

XIX

Le libraire ou imprimeur sera perpétuel, il se trouvera aux assemblées quand il sera mandé.

XX

Il sera permis à l’Académie d’établir des prix pour les Sciences et pour les Arts. Ces prix ne pourront être remportés que par des personnes qui ne seront point du corps de l’Académie.

XXI

L’ouverture se fera publiquement le premier lundi après la fête de Saint Martin ; le directeur fera un discours, ensuite on lira un ouvrage à son choix.

XXII

Les vacances de l’Académie seront depuis le huitième de septembre jusqu’au jour de l’ouverture ; depuis la veille de Noël jusqu’à l’Épiphanie ; la première semaine du Carême, la quinzaine de Pâques, l’octave de la Pentecôte ; les dimanches et fêtes de l’année.

XXIII

Il y aura, outre l’ouverture, deux assemblées publiques, à savoir le jour de Saint-Louis et le jour de la fête du Protecteur ; à ces assemblées les étrangers ne pourront qu’écouter et être assis autour de la salle.

XXIV

L’Académie choisira une église dans la ville, ou dans les faubourgs, les académiciens ecclésiastiques célèbreront le service divin, et le prédicateur sera choisi par la Compagnie.

XXV

L’Académie prendra une devise.

On chargera un sceau de cette devise ; le secrétaire s’en servira quand il écrira au nom de l’académie ou qu’il scellera les lettres d’académiciens, les armes du Protecteur seront aussi mises en sceau pour être attachées aux mêmes lettres.

Arrêté au Conseil d’État du Roi, Sa Majesté, y étant tenue à Fontainebleau le cinquième jour de septembre mille sept cents douze.

PHELYPEAUX


(1) « Documents historiques (1711-1713) » dans les Actes de l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Bordeaux, Gounouilhou, Bordeaux, 1879, p.223-231.

(2) Retranscrits à partir de l’original avec l’aide de Monsieur Nicolas Barbey, et vérifiés à partir des « Documents historiques (1711-1713) » dans les Actes de l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Bordeaux, Gounouilhou, Bordeaux, 1879, p.227-231.

Histoire des status de 1712 à 1791
par Julien Cussaguet

L’abbé Jules Bellet a consigné ses observations sur les statuts de l’Académie en reprenant certains articles et en les commentant (1). Il indique, par exemple, au sujet de l’article IV, qu’un secrétaire des Sciences est en réalité beaucoup plus occupé qu’un secrétaire des Arts et Belles-Lettres, bien que les statuts leur confèrent la même fonction. Cela montre que, dès sa fondation, la Compagnie était résolument tournée vers les sciences. En agissant ainsi, elle semble répondre à une curiosité et à une envie générales de la population bordelaise. L’abbé Jules Bellet semble pourtant se désoler du nombre d’académiciens ordinaires prévu par les statuts, trop faible selon lui : Ce n’est pas la faute de l’Académie s’il n’y a que vingt Académiciens ordinaires résidens à Bordeaux. C’est plutôt celle d’une ville où les habitans, tous propre aux sciences par leur esprit, ne l’y attachent pas, parce que leur esprit tient lieu de science » (2). Il nous incite également à nous méfier de l’article XIII qui n’a jamais été respecté à cause des diverses occupations des Académiciens engagés en semaine, pour la plupart, dans divers tribunaux (les réunions se tiennent finalement les dimanches après-midi, les jours de fêtes, et les concerts deviennent de plus en plus rares) et de l’article XXI qui n’a pas non plus été suivi à cause des rentrées du Parlement et de la Cour des Aides (finalement, c’est le premier dimanche qui suit la fête de Saint-Martin qui a été retenu). Pour l’article XX, qui concerne les prix, Bellet précise qu’en plus du prix de physique, Montesquieu fonda en 1717 le prix d’anatomie. Une tentative de fondation du prix de l’éloquence par Leberthon a vu le jour, mais cette proposition a été rejetée.

Ces premiers statuts ont subi des modifications successives : la classe des élèves est abolie en 1738, classe étant jugée inutile : une classe d’Académiciens correspondants vient alors la remplacer. Finalement, seuls les Académiciens ordinaires ont le droit de faire les élections et de régler les dépenses et la discipline, les associés étant bornés à la voix délibérative dans ce qui concerne les Sciences et les Arts seulement. Ces modifications successives aboutissent à un renouvellement complet du règlement de l’Académie en 1781 : la Société n’a pas pu se conformer exactement aux tout premiers statuts, il a été nécessaire de les réformer en conséquence. La modification majeure porte sur la suppression de la distinction entre Académiciens ordinaires et associés, distinction qui n’est devenue au fil des années « qu’un sujet de découragement, capable d’éteindre le zèle et l’émulation d’une portion de la compagnie, et de nuire par là aux progrès des Sciences et des Arts » (3) Le procès verbal de la délibération de l’Académie du dimanche 22 juillet 1770 révèle qu’une commission a été chargée de réviser les statuts de l’Académie (4). Les commissaires chargés du projet de ces règlements sont messieurs De Baritault, Loret, Garat, Doazan, Baurein, et de Lamontaigne. Ils doivent produire un ouvrage qui aura une pleine et entière exécution et travailler à obtenir du Roi des lettres patentes nécessaires pour la confirmation et l’autorisation de ces règlements qui permettront de mettre en place des moyens efficaces utiles aux vues dont l’Académie est constamment animée : se destiner à des sujets d’une utilité réelle. Très rapidement, un projet de nouveaux statuts voit le jour. Long et complexe, ce projet ne contient pas moins de 91 articles. Mais de nombreuses rectifications sont apportées lors de la séance du 7 août 1770. Nous retranscrivons ici, dans une graphie modernisée, ce projet de nouveaux statuts (5) avec, en notes de bas de page, les modifications qui lui sont apporté à l’issue de cette séance du 7 août 1770 (6). En effet, il peut être intéressant d’observer le cheminement de la réflexion sur les modifications de ce projet. De plus, ce projet très détaillé semble pleinement révélateur du fonctionnement de l’Académie de Bordeaux à la fin du XVIIIème .

PROJET DE STATUTS

Article premier (7)

L’Académie Royale des Belles-Lettres, Sciences et Arts de Bordeaux sera désormais composée de quatre-vingt Académiciens, et ce nombre ne pourra être augmenté par quelque considération ni sous quelque prétexte que ce puisse être.

2 (8)

Quarante seront Académiciens résidants, et quarante, Académiciens non résidants ; sans autre distinction entre eux que celle établie par la résidence ou la non résidence ; celle qui nait du zèle pour le travail, du degré de mérite, et du succès des talents, étant la seule que puissent ambitionner les membres d’une Société littéraire.

3 (9)

Les Académiciens résidants seront nécessairement choisis parmi les personnes qui auront un domicile fixe et constant dans la ville ; sans qu’on puisse néanmoins y admettre plus d’un Religieux de chaque ordre. Les non résidants seront pris parmi les personnes non domiciliées à Bordeaux, ou regnicoles ou étrangers.

4 (10)

Dans chacune de ces deux classes, et sur le nombre de quarante dont elles seront chacune composées, il y aura dix Académiciens libres. Ces places seront données par l’Académie, et à son choix, à des personnes recommandables par leur goût et leur amour pour les lettres ; mais à qui cependant leur état et des occupations multipliées ne pourront pas permettre de remplir exactement tous les devoirs d’Académicien : ils seront néanmoins invités d’enrichir la compagnie du fruit de leurs travaux, le plus souvent qu’il leur sera possible, et de concourir, autant qu’il sera en eux, à sa gloire et à ses progrès.

5 (11)

Il sera aussi loisible à l’Académie, dans les cas où elle le jugera convenable, de nommer à ces places d’Académiciens libres, qui se trouveront vaquer, des Académiciens, ou résidants ou non résidants (suivant la classe qui y sera relative), lorsque par un changement d’état, ou par une augmentation d’occupations indispensables, ils cesseront de pouvoir régulièrement remplir les obligations ci-dessous prescrites, et que néanmoins par leurs travaux ils auront déjà mérité que la compagnie leur conserve un titre qui les retienne dans son sein : et alors ils seront remplacés dans la classe d’où ils auront été tirés.

6 (12)

Ceux des Académiciens résidants, qui quitteront la ville, et iront s’établir ailleurs, seront mis dans les places d’Académiciens non résidants, qui vaqueront ; et ils seront remplacés par des sujets résidants, dans la classe qu’ils auront quittée.

7 (13)

Pareillement ceux d’entre les Académiciens non résidants (soit étrangers, soit regnicoles) qui viendront s’établir dans la ville, et y acquerront un domicile fixe, pourront être élus pour remplir les places d’Académicien résidant, qui viendront à vaquer ; et leurs places d’Académiciens non résidants, dès lors déclarées, seront données aux choix de l’Académie.

8

Ceux qui, aux termes des articles précédents, passeront ainsi d’une classe dans l’autre, conserveront leur rang, de la date de leur admission dans la Compagnie.

9

Il sera accordé un titre de vétéran à ceux des Académiciens, résidants ou non résidants, qui le demanderont, et qui auront vingt ans d’un service utile à la Compagnie ; et ils seront aussitôt remplacés par des sujets effectifs. Ils conserveront néanmoins rang, séance et voix délibérative dans les assemblées.

10

Indépendamment des deux classes ci-dessus, l’Académie donnera des lettres de correspondants à des sujets, ou regnicoles ou étrangers, dont elle pourra espérer des secours utiles à ses vues : et cette classe sera sans nombre limité.

11 (14)

Les correspondants, venant en ville, mais pour n’y faire qu’un séjour passager, auront entrée et séance dans les assemblées, soit publiques soit particulières ; et ils auront voix délibératives dans ce qui concernera les Sciences : et s’ils viennent à y fixer leur demeure, la préférence leur sera accordée pour remplir les places vacantes d’Académiciens résidants, dans le cas où ils auront bien mérité de la Compagnie par leurs travaux ; comme aussi audit cas, ils pourront également être préférés pour les places d’Académiciens non résidants, tandis qu’ils conserveront leur domicile hors de Bordeaux.

12 (15)

L’Académie aura un Protecteur perpétuel, qui sera élu par les Académiciens à la pluralité des deux-tiers des voix, et qui cependant ne pourra être nommé qu’avec l’agrément de sa Majesté. Il ne sera pris que parmi les personnes d’un rang éminent.

13

Le Protecteur présidera aux assemblées, quand il se trouvera à Bordeaux ; les convoquera extraordinairement, si bon lui semble ; et maintiendra la discipline dans la Compagnie.

14

Il sera tous les ans élu un Directeur, le lendemain de la fête de Saint-Louis, dans une assemblée tenue à cet effet, par la voie du scrutin et à la pluralité des voix : il n’entrera néanmoins en exercice que l’année suivante, le jour que l’Académie fera l’ouverture de ses séances. Il ne pourra être pris que dans la classe des Académiciens résidants ; il présidera les assemblées, les convoquera extraordinairement, quand il sera nécessaire ; prononcera les délibérations ; les signera sur le registre, et maintiendra la discipline dans la Compagnie en l’absence du Protecteur.

15

En l’absence du Directeur, le plus ancien de ceux qui se trouveront dans les assemblées en remplira les fonctions.

16

Il y aura un Secrétaire qui sera perpétuel, et qui sera également élu par la voie du scrutin, et à la pluralité des voix. Il aura la garde de tous les papiers de l’Académie, relatifs aux Sciences, Belles-Lettres et Arts ; répondra aux lettres qui seront adressées à la Compagnie, délivrera de son consentement tous les extraits et certificats qui lui seront demandés ; expédiera aux nouveaux Académiciens leurs lettres de nomination ; entretiendra exactement les correspondances que l’Académie aura établies ; et enfin il recueillera avec soin tout ce qui pourra avoir rapport à la Compagnie.

17

Pour cet effet, et pour y procéder avec l’ordre nécessaire, il tiendra quatre registres, côtés et numérotés, page par page :

1) Un registre des délibérations, contenant tout ce qui pourra être délibéré par la Compagnie, relativement ou à ses intérêts, ou à l’observation des règles, ou au maintien de la discipline ; tout ce qui regardera les élections des Académiciens, avec les actes de leur réception ; et généralement, tout ce qui n’aura point de rapport immédiat à la tenue des autres registres.

2) Un registre des conférences, où sera recueilli ce qui aura été traité dans les assemblées particulières, relatif aux Sciences ; les réflexions qui auront été faites sur les matières qui y auront été agitées ; le résultat des discussions auxquelles elles auront donné lieu ; et tout ce qui concernera le concours pour les Prix.

3) Un registre des mémoires, où seront transcrits en entier, et chacun suivant la date de la remise qui en aura été faite au Secrétaire, tous les mémoires et pièces qui auront été présentés par les membres de l’Académie et lus dans ses assemblées : et en marge dudit registre, sera mise la date du jour où il en aura été fait lecture, avec un renvoi au registre des conférences pour les observations et remarques qui auront pu être faites lors de cette lecture. Les mémoires étrangers, présentés par d’autres que les membres de la Compagnie, seront seulement recueillis en liasses, avec les mêmes notes en marge de chacun.

4) Un registre de correspondances, où seront copiées, date par date, et par extrait ou en entier, suivant leur importance, les lettres écrites à la Compagnie, dont elle croira utile de conserver un mémorial ; les réponses que le Secrétaire aura été chargé d’y faire ; les lettres qu’il écrira au nom de la Compagnie, et les réponses qu’il y aura reçues.

18

Chacun de ces registres aura sa table particulière, qui se fera le plus soigneusement qu’il sera possible, à mesure de ce qui sera couché par écrit : et ils seront vérifiés à la fin de chaque année, en présence du Directeur, par deux commissaires nommés à cet effet.

19

Pour faciliter au Secrétaire tout le travail que présente la tenue et la rédaction de ces différents registres, il y aura un sous-secrétaire qui sera choisi par l’Académie, parmi ses membres, et continué dans ses fonctions autant de temps qu’elle jugera à propos : en outre, le Secrétaire aura sous lui un écrivain qui sera aux gages de l’Académie.

20 (16)

Il y aura un Trésorier qui sera aussi perpétuel, et sera élu par la voie du scrutin. Il aura la garde de tous les titres, actes et papiers, relatifs aux affaires de l’Académie. Il agira pour elle et en son nom, lorsque le cas le requerra, conformément aux délibérations qui auront été prises, et dont copie lui sera délivrée par le Secrétaire. Il aura la manutention et la régie des revenus de la Compagnie ; tiendra un état des meubles, et veillera avec soin à leur conservation et entretien, fera, sans autre autorisation que le présent règlement, toutes les dépenses courantes, comme frais et entretien des bâtiments, réparation des meubles, payement des appointements et gages qui auront été assignés, frais des jetons qu’on aura à distribuer, ports de lettres, empreinte de livres, entretien des machines, et achat des livres nécessaires pour compléter ceux de la Bibliothèque : mais quant aux dépenses extraordinaires, comme achat de nouveaux livres, de nouvelles machines ou de nouveaux meubles, et autres qui ne pourront être censées comprises dans le courant, il ne pourra les faire qu’en conséquence de délibérations expresses prises par la Compagnie.

21 (17)

Il tiendra un registre contenant la recette et la dépense, avec l’état des revenus ; et à la fin de chaque année, il rendra compte, en présence du Secrétaire, au Directeur et à trois Académiciens nommés commissaires à cet effet : et sera ledit compte, chaque fois, clos et arrêté par lesdits commissaires.

22

Il y aura un bibliothécaire, lequel conformément aux intentions de M. Bel, fondateur de cette place, sera nommé par quatre commissaires de l’Académie, conjointement avec ses héritiers, représentants ou ayant cause : et il jouira des appointements et autres avantages qui lui ont été assignés par le titre de fondation.

23

Il aura la garde et le soin des livres, des instruments et machines, et des cabinets d’Histoire naturelle ; et il veillera attentivement à ce que le tout soit tenu proprement et en bon état.

24

Il sera assidu à se tenir dans la salle de la Bibliothèque, les jours qu’elle devra être ouverte au public ; remettra exactement les livres, chacun à leur place, à mesure qu’ils lui seront rendus, et aura la plus grande attention à ce qu’il n’en soit emporté aucun.

25

Il ne pourra prêter à qui que ce soit, qui ne sera point membre de l’Académie, ni livres, ni machines, ni morceaux d’Histoire naturelle : et dans le cas où il en prêtera aux Académiciens, il en prendra un récépissé, sur un registre qu’il tiendra à cet effet.

26

Il tiendra en outre trois catalogues des livres : un alphabétique, du nom des auteurs ; un alphabétique, du titre des ouvrages ; et le troisième, par ordre de matières ; renvoyant également sur chacun des trois, aux numéros sous lesquels les livres seront rangés dans la Bibliothèque ; et à mesure qu’il y sera placé quelque livre nouveau, il aura soin de l’inscrire sur le champ, sur ces trois catalogues. Il tiendra aussi un catalogue du cabinet d’Histoire naturelle, et un état des instruments et des machines, qu’il augmentera à proportion qu’il y sera ajouté quelque pièce : au surplus il veillera à ce que tant les livres et les machines, soient empreints et marqués du sceau de l’Académie.

27

Ces catalogues et états seront vérifiés régulièrement tous les ans, en présence du Directeur et du Trésorier, par quatre commissaires nommés chaque année, suivant les intentions de M. Bel ; et le bibliothécaire sera responsable soit des livres, soit des machines ou des pièces d’Histoire naturelle, qui se trouveront manquer lors de cette vérification.

28

Nul ne pourra être proposé pour aucune des places d’Académicien s’il n’est de bonne mœurs, d’une conduite régulière, et d’une probité reconnue ; n’étant pas moins intéressant pour tout corps littéraire, d’écarter de son sein tout ce qui pourrait, ou ternir la gloire à laquelle il doit aspirer, ou troubler l’ordre et l’harmonie sans lesquels il ne peut espérer de succès, que d’appeler les talents qui peuvent y concourir.

29

En outre, ceux qui aspireront aux places d’Académicien, résidant ou non résidant, seront tenus de présenter ou envoyer à l’Académie, pour preuve de leurs talents et de leur capacité, ou deux mémoires ou pièces de leur composition, sur tel sujet de Sciences, Belles-Lettres ou Arts, qu’ils jugeront à propos, ou un ouvrage imprimé qui ait pu déjà les faire connaitre avantageusement du public.

30

Les candidats seront proposés par le Directeur, un mois avant de procéder à l’élection ; et cet intervalle sera employé, soit à l’examen des ouvrages qu’ils auront présentés, soit à prendre à leur sujet tous les renseignements qu’on croira nécessaires.

31

À l’échéance du délai, il sera convoqué une assemblée extraordinaire pour l’élection : et cette assemblée devra être composée au moins de vingt-quatre académiciens. L’élection se fera par la voie du scrutin, et le candidat, pour être élu, devra réunir au moins les deux tiers des suffrages.

32 (18)

Dans le cas où plusieurs se présenteront pour la même place, la préférence, indépendamment de ce qui décèlera le plus de mérite dans les sujets, devra être déterminée, soit par le plus d’utilité et d’avantage du genre qu’ils auront choisi, soit par le plus de besoin que la Compagnie pourra avoir d’un sujet exercé plutôt dans un genre que dans un autre.

33

L’Académicien élu, s’il est en ville, sera reçu et installé dans une assemblée publique, extraordinairement convoquée à cet effet. Il y sera fait lecture de celui de ses ouvrages, qui lui aura mérité les suffrages de la Compagnie ; et, s’il le juge à propos, il pourra faire un discours de remerciement, auquel le Directeur répondra au nom de l’Académie.

34

Il signera sur le registre des délibérations, l’acte de sa réception, avec le Directeur et le Secrétaire. Il signera aussi le présent règlement et statut, sur un exemplaire que le Secrétaire conservera à cet effet : et il lui en sera en même temps donné un autre exemplaire pour qu’il puisse connaître les engagements auxquels il sera tenu, et qu’il ne puisse en prétendre cause d’ignorance. Au surplus il lui sera expédié par le Secrétaire des lettres d’Académicien, dressées sur un protocole uniforme, tel qu’il aura été déterminé par la Compagnie, scellées du sceau de l’Académie, et revêtues de l’attache du Protecteur.

35

Si l’Académicien nouvellement élu est absent, il écrira à la Compagnie une lettre de remerciement, laquelle lui tiendra lieu de réception, et le Secrétaire lui enverra ses lettres d’Académicien, avec un exemplaire du présent règlement, afin qu’il soit également instruit des obligations qui lui seront imposées, et qu’il ait à s’y conformer.

36

Les pièces ou mémoires qui auront mérité au nouvel Académicien le choix et les suffrages de la Compagnie, ainsi que son discours de remerciement, s’il en a fait, seront transcrits sur le registre des mémoires, à leur rang et ordre, pour y être conservés au nombre de ceux des autres membres de l’Académie.

37 (19)

Pour ce qui est des places d’Académicien libre, résidant ou non résidant, et pour celles de correspondant, il y en sera pourvu par l’Académie, avec plus ou moins de formalités, ainsi qu’elle le jugera à propos suivant les circonstances, et selon ce que ses intérêts lui paraitront l’exiger.

38

Indépendamment des assemblées publiques extraordinairement convoquées pour la réception des Académiciens, suivant l’article 33 ci-dessus, il en sera régulièrement tenu deux, chaque année : une pour l’ouverture des séances, laquelle se tiendra le premier dimanche après la fête des Rois, sans qu’elle puisse être différée ni retardée sous quel prétexte que ce soit ; la seconde, le jour de Saint-Louis, pour la clôture et la distribution du Prix ; et la troisième, le jour de la fête du Protecteur.

39

Il sera de règle constante et invariable, et sans aucune exception, que dans aucune assemblée publique, il ne pourra être lu aucun ouvrage absolument, quel qu’il soit, qu’auparavant il n’en ait été fait lecture dans les assemblées particulières de la Compagnie, et qu’il n’ait été agréé par elle.

40

L’assemblée publique pour l’ouverture sera convoquée par le Directeur qui devra entrer en exercice : il ouvrira la séance par un discours, sur un sujet à son choix ; et ensuite il sera fait lecture des ouvrages que l’Académie aura précédemment, et dans le temps qui sera ci-dessous indiqué, destinés à être lus ce jour-là.

41(20)

L’absence ni la maladie du Directeur ne pourront être une raison pour différer cette assemblée : dans l’un et l’autre des cas, le plus ancien de la Compagnie la convoquera, et y tiendra sa place, suivant l’article 15 ci-dessus.

42 (21)

L’ouverture faite, la Compagnie, à compter dudit jour jusques au jour de Saint-Louis, tiendra régulièrement chaque dimanche, une assemblée particulière, sauf dans la quinzaine de Pâques, et le jour de la Pentecôte, qu’elle vaquera. Ces assemblées dureront au moins trois heures ; depuis trois jusqu’à six dans l’hiver ; et depuis quatre jusqu’à sept dans l’été. Il n’y aura de place fixe que pour le Directeur ; le Secrétaire sera assis vis-à-vis de lui ; tous les autres Académiciens se placeront sans distinction ; et il en sera de même dans toutes les assemblées de la Compagnie.

43

Ces assemblées particulières, depuis le premier dimanche après l’ouverture, jusqu’au premier du mois d’avril, seront destinées aux travaux ordinaires de l’Académie ; et depuis le premier d’avril jusqu’au jour de Saint-Louis, à l’examen des ouvrages envoyés pour les Prix qu’elle aura à distribuer.

44 (22)

À chacune de ces assemblées destinées pour les travaux ordinaires de l’Académie, il sera fait lecture d’un ou de deux ouvrages de quelques uns des Académiciens, suivant leur plus ou moins d’étendue.

45 (23)

Et afin que toutes ces assemblées soient également remplies, et que le défaut d’occupation ne puisse introduire dans la compagnie un relâchement qui en éteignant l’émulation, nuirait également à sa gloire et aux progrès des sciences, tous les Académiciens, résidants ou non résidants, ainsi que les correspondants, seront tenus de porter ou envoyer, tous les trois ans, un ouvrage de leur composition, sur quelque matière que ce soit, à leur choix ; sans qu’aucun d’eux puisse sous aucun prétexte se dispenser de cette obligation. Les seuls vétérans, et les académiciens libres, résidants ou non résidants, n’y seront point assujettis ; étant seulement laissé à leur zèle le mérite de donner, autant qu’ils le pourront, un exemple que l’Académie recevra toujours avec reconnaissance.

46 (24)

Ce tribut de devoir, d’autant moins pénible que le délais qui lui est donné, est plus que suffisant pour ne laisser aucune excuse, ne devra point mettre des bornes à l’empressement de ceux qui voudront plus souvent faire part à l’Académie du fruit de leurs travaux. Elle ne pourra voir qu’avec plaisir, ses richesses se multiplier ; et elle sentira toujours bon gré au zèle qui contribuera à les augmenter.

47

À mesure que les ouvrages seront ou portés par les Académiciens résidants, ou envoyés par les non résidants ou les correspondants, ils seront sur le champ remis au Secrétaire, qui en retiendra la date et une note sur le registre des mémoires ; et ils seront ensuite lus successivement, et par ordre de leur date, dans les assemblées particulières de l’Académie, ou par les auteurs eux-mêmes s’ils sont présents, ou par le Secrétaire s’ils sont absents.

48 (25)

Les Académiciens qui se trouveront à cette lecture, feront en présence même de l’auteur, leurs remarques et leurs observations sur l’ouvrage qui aura été lu, avec toute la liberté nécessaire pour rendre ces assemblées véritablement utiles et profitables, soit pour les auteurs, soit pour la Compagnie elle-même ; mais en même temps avec tous les ménagements, tous les égards et toute la politesse convenables ; et il sera attentivement veillé par le Directeur ou l’ancien qui présidera l’assemblée ; à ce que jamais à cet égard personne ne s’écarte de ce que l’honnêteté et la bienséance doivent exiger, et de ce que se doivent surtout entre eux des gens de lettres réunis pour s’instruire et s’éclairer mutuellement.

49 (26)

Tout ce qui aura été dit et observé, de plus remarquable et de plus intéressant dans ces occasions ; la diversité des opinions, ou sur les principes et leurs conséquences, ou sur tous autres objets qui se seront présentés ; les objections principales, et les réponses ou les éclaircissements donnés par les auteurs, le tout sera soigneusement recueilli par le Secrétaire, sur le registre des conférences, pour y avoir recours au besoin, mais en par lui observant les mêmes égards et les mêmes ménagements.

50

Autant qu’il sera possible, l’Académie tachera de vérifier par elle-même, ou par les commissaires qu’elle en chargera, ou les faits qui auront été avancés par les auteurs dans leurs ouvrages, ou les expériences qu’ils auront rapportées ; et le résultat de ces vérifications sera également conservé avec soin dans le même registre.

51

Après la lecture et l’examen de chaque ouvrage, il sera remis entre les mains du Secrétaire pour être transcrit en entier dans le registre des mémoires ; et la minute en sera ensuite rendue à l’auteur, s’il la demande ; si non, elle restera dans le dépôt de l’Académie.

52

Les Académiciens dont les ouvrages auront été lus et examinés dans la forme ci-dessus, se trouvent absents, la Compagnie leur en fera savoir son sentiment par le Secrétaire.

53 (27)

Le Directeur et le Secrétaire seront censés remplir pour ce qui les concernera, l’obligation commune à tous les Académiciens, par les ouvrages qu’ils porteront aux assemblées publiques ; sans qu’ils puissent néanmoins être dispensés des autres formalités portées par le présent statut, notamment de celle prescrite par l’article 39, à laquelle ils seront également assujettis.

54 (28)

Indépendamment des ouvrages de leur composition, que les Académiciens résidants ou non résidants, et les correspondants porteront ou enverront à l’Académie, ils seront invités de lui faire part de toutes les découvertes et de tous les évènements qui viendront à leur connaissance, et qui leur paraitront intéresser les sciences. Le tout sera examiné dans les dites assemblées particulières ; et leurs lettres, rapportées par le Secrétaire, sur le registre des correspondances.

55 (29)

Les réflexions et remarques auxquelles ces évènements et ces découvertes auront donné lieu dans l’examen qui en aura été fait, seront aussi recueillies sur le registre des conférences.

56(30)

Tous les Académiciens résidants seront assidus auxdites assemblées particulières ; et à la fin de chaque séance, il sera distribué un jeton d’argent à chacun de ceux qui y auront assisté. Les Académiciens libres, les vétérans ni les correspondants, s’il s’en trouve quelqu’un à l’assemblée, ne pourront néanmoins prétendre avoir part à ladite contribution.

57 (31)

Ces jetons seront frappés aux dépens de la Compagnie, et sur le modèle dont elle sera convenue ; et le Trésorier, chargé de ce soin, réservera chaque année, les fonds nécessaires à cet objet. Les jetons qui se trouveront de reste, à chaque distribution, céderont au profit de l’Académie (32).

58

Ceux des Académiciens, résidants, qui auront laissé passer trois ans, sans remplir l’obligation prescrite par l’article 45, seront privés de voix délibérative jusqu’à ce qu’ils aient satisfait ; et le premier ouvrage qu’ils porteront pour s’en acquitter, ne les dispensera point du tribut pour les trois années qui suivront.

Ceux qui auront resté six ans, sans se conformer à cette obligation, seront interdits et privés du droit de séance dans les assemblées, soit publiques soit particulières ; et ils ne pourront être réhabilités qu’après avoir fait remettre à l’Académie, un ouvrage chacune des trois années suivantes.

Et à l’égard de ceux qui auront laissé passer neuf ans entiers, sans tenir compte de se conformer audit article 45, leurs noms seront rayés du tableau, et leurs places déclarées vacantes ; et en conséquence, il sera procédé par élection à leur remplacement, sans que sous aucun prétexte, ni par quelque considération que ce soit, il leur soit accordé d’autre délai, ni fait aucune grâce.

59 (33)

Quant aux Académiciens non résidants ; s’ils laissent passer trois ans, sans avoir envoyer leur tribut académique, il leur sera écrit par le Secrétaire, à l’expiration desdites trois années, une lettre qui leur rappelle leur obligation, et leur remettre leur engagement sous les yeux ; et ils seront aussi tenus, pour le remplir, d’envoyer deux ouvrages dans le trienne suivant ; mais s’ils laissent encore passer ces trois secondes années, sans fournir leur tribut, ils seront également rayés du tableau ; et leurs places, déclarées vacantes, seront aussitôt pourvues par l’Académie.

60

Il en sera de même des correspondants qui pendant six ans entiers, n’auront donné à la Compagnie aucun signe de relation, sans cependant qu’à leur égard, il y ait de remplacement à faire, ni qu’il soit besoin de leur écrire dans l’intervalle, pour leur représenter leur engagement.

61 (34)

Toutes les peines ci-dessus indites, seront à l’échéance même de chaque terme, et sur le référé du Secrétaire, déclarées par la Compagnie, encourues en vertu du présent règlement, et prononcées contre les contrevenants, sans qu’il soit besoin d’autre délibération.

62

Les Académiciens qui tomberont dans des fautes graves et indignes d’un homme d’honneur, pourront être destitués. La destitution sera délibérée dans une assemblée convoquée à cet effet, et composée de vingt quatre académiciens au moins ; et il faudra les deux tiers des voix ; mais elle ne pourra être exécutée, que la délibération prise à ce sujet, n’ait été préalablement approuvée par le Protecteur.

63

Dans la première assemblée du mois d’avril, où l’Académie devra commencer à s’occuper de l’examen des pièces qui lui auront été envoyées pour les prix qu’elle aura à distribuer, le Secrétaire représentera à la Compagnie toutes celles qu’il aura reçues jusqu’à ce jour ; et il en retiendra note sur le registre des conférences, par ordre de numéro, et avec la devise de chacune. Elles seront ensuite distribuées à des commissaires pour en faire un examen particulier, et en faire leur rapport.

64 (35)

Ledit rapport se fera successivement dans les assemblées suivantes. Les commissaires seront tenus de le porter par écrit ; et chaque rapport fait, il sera immédiatement après, dans la même assemblée, fait lecture de la pièce en entier ; après quoi, le commissaire en donnera son avis raisonné ; et la Compagnie délibérera si la pièce doit être dès l’instant même rejetée ; ou si elle mérite d’être réservée pour entrer au concours.

65 (36)

Chaque commissaire ne pourra différer plus de quinze jours, à rapporter l’ouvrage dont il aura été chargé ; et si dans cet intervalle il ne lui a pas été possible de s’en occuper, il en donnera avis au Directeur qui sur le champ en subrogera un autre à sa place.

66

Le Secrétaire étendra sur le registre des conférences, le rapport de chaque commissaire en entier, à fur et à mesure qu’il aura été expédié, avec la première décision de la Compagnie sur l’ouvrage qui en sera le sujet.

67 (37)

Lorsque ce premier examen aura été fait, de tous les ouvrages envoyés pour le Prix, il sera formé un bureau de six commissaires, pour faire un examen de comparaison de toutes les pièces qui auront été réservées pour le concours. Le Directeur et le Secrétaire auront la faculté d’assister audit bureau, s’ils le jugent à propos ; et les autres Académiciens seront invités de faire, chacun en leur particulier, dans l’intervalle que ce bureau s’occupera de son travail, toutes les recherches relatives à la matière du sujet proposé pour le Prix.

68 (38)

L’avis du bureau sera référé à la Compagnie par l’ancien des commissaires ; et si dans le bureau, les suffrages se sont trouvés partagés, il sera fait dans l’assemblée où il en sera rendu compte, une nouvelle lecture des ouvrages qui auront balancé les opinions ; et après cette lecture, il sera délibéré définitivement sur le choix de la pièce qui paraitra devoir emporter la préférence. Le Secrétaire couchera sur le registre des conférences, le jugement général qui résultera des réflexions et des remarques qui auront été faites dans cette dernière assemblée.

69

Dans le cas où l’ouvrage qui paraitrait devoir réunir les suffrages, contiendra des expériences nouvelles, faites ou rapportées par l’auteur, à l’appui de son opinion, l’Académie, avant de se décider, s’assurera par elle-même de la vérité et de l’exactitude de ces expériences ; et où elles seraient de nature à demander un temps considérable pour les faire, il lui sera loisible de suspendre l’adjudication du Prix, et de prendre pour un faire la distribution, le terme qu’elle croira nécessaire.

70 (39)

Dans cette même assemblée où sur le rapport du bureau formé en exécution de l’article 67, l’Académie aura pris un parti définitif sur les pièces réservées pour le concours, chaque Académicien présent sera averti de porter à l’assemblée qui suivra, un sujet à proposer pour le Prix de l’année suivante, et ce sera pour chacun d’eux une obligation indispensable à remplir.

71 (40)

Le jour auquel les Académiciens, en se conformant à cette obligation, proposeront chacun les sujets qu’ils auront cru convenable de choisir, il sera délibéré par l’Académie, sur celui qui devra être préféré ; et ne perdant jamais de vue que la véritable et solide gloire d’une Société de gens de lettres et de tourner tous ses travaux à l’utilité des hommes, elle préfèrera toujours celui qui lui présentera le plus cet avantage. Le Secrétaire tiendra cependant sur le registre, une note de tous ceux qui auront été proposés, pour y avoir recours au besoin.

72

Dans cette assemblée, le Directeur, pour se conformer aux dispositions des articles 39 et 53 ci-dessus, fera lecture du discours qu’il se proposera de prononcer le jour de Saint-Louis ; et il sera délibéré sur le choix des ouvrages qui devront aussi être lus à l’assemblée publique de ce jour-là, du nombre de ceux qui auront été lus dans les assemblées particulières du courant de l’année, ou dans les années précédentes, et qui suivant l’article 51 auront été recueillis dans le registre des mémoires.

73 (41)

Le Secrétaire dressera, à la suite de toutes ces opérations, un programme, où après avoir rappelé le sujet proposé pour le Prix de l’année, il déduira sommairement, d’après les décisions étendues sur le registre des conférences, les motifs qui auront fait donner l’exclusion aux pièces rejetées ; ceux qui auront déterminé en faveur de l’ouvrage couronné, si le Prix a été adjugé ; ou, s’il a été refusé ou suspendu, les raisons qui auront engagé l’Académie à l’un ou à l’autre de ces deux partis ; le tout, de manière à rendre par un tableau clair et précis, ce programme même utile aux sciences, et propre à instruire et éclairer soit les auteurs qui auront concouru, soit tous autres à qui il pourra parvenir ; il finira par annoncer le sujet des Prix pour l’année suivante, aux conditions et suivant les vues que l’Académie se sera proposées ; et ce programme sera imprimé pour être distribué le jour de Saint-Louis.

74

Le jour de Saint-Louis, il sera célébré, le matin, une grande messe, dans une Église qui sera choisie par l’Académie. La Compagnie y assistera en corps ; et le panégyrique du Saint y sera prononcé par le Prédicateur qui aura été choisi au commencement de l’année par le directeur.

75 (42)

L’après-midi du même jour, sera tenue l’assemblée publique pour la clôture des séances. Le Secrétaire fera d’abord la lecture du programme arrêté par l’article 73 ci-dessus ; et il en distribuera sur le champ des imprimés dans l’assemblée. Le Directeur lira ensuite un discours, ou sur la matière qui aura été le sujet du Prix, ou sur tel autre sujet qu’il aura choisi, ce qui sera laissé à sa volonté ; et après, il sera fait lecture des ouvrages qui auront été précédemment choisis par la Compagnie, suivant l’article 72.

76

Les ouvrages qui auront été couronnés, seront sur le champ remis par le Secrétaire, pour être imprimés, et en être successivement formé un recueil qui puisse servir à l’accroissement des sciences, et aux progrès des connaissances humaines.

77

Dans l’assemblée particulière qui sera tenue le lendemain de Saint-Louis, pour l’élection d’un nouveau Directeur, suivant l’article 14 du présent règlement, il sera délibéré sur le choix des pièces recueillies dans le registre des mémoires, qui devront être lues, l’année suivante, à l’assemblée publique qui sera tenue pour l’ouverture.

78 (43)

Dans cette même assemblée, il sera nommé huit commissaires, dans lesquels seront compris le Directeur et le Secrétaire, pour être par eux, dans le cours des vacances, fait choix, tant dans le registre des mémoires de la Compagnie, que dans la liasse des mémoires étrangers, des ouvrages lus dans le courant de l’année, qui pourront être bons à donner au public, ou en entier ou par extrait, et faire honneur en même temps à leurs auteurs et à l’Académie.

79

Il sera aussi nommé dans cette assemblée, deux commissaires pour vérifier les registres du Secrétaire, suivant l’article 18 ; trois, pour clore et arrêter les comptes du Trésorier, suivant l’article 21 ; et deux, pour faire la vérification des états et catalogues du bibliothécaire, suivant l’article 27.

80

Dès ce jour, l’Académie entrera en vacations, jusqu’au lendemain des Fêtes de Noël ; sauf de pouvoir dans l’intervalle convoquer des assemblées extraordinaires, suivant l’urgence des cas qui pourront se présenter.

81

Dans la quinzaine qui précédera le jour que l’Académie devra faire son ouverture, l’année suivante, il sera tenu une assemblée extraordinaire, ou plus s’il est nécessaire. Dans cette assemblée, le Directeur qui devra entrer en exercice, fera lecture du discours qu’il proposera de prononcer, en exécution des articles 39 et 53 ci-dessus ; et les commissaires nommés, suivant les articles 78 et 79, y rendront respectivement compte des objets de leurs commissions. Ce qui aura été délibéré par la Compagnie, relativement à chaque objet, sera couché par le Secrétaire sur le registre des délibérations, et y sera signé tant de lui que par lesdits commissaires, chacun pour ce qui les concernera.

82

Sur le compte qui sera rendu dans cette assemblée, par les commissaires chargés du choix des ouvrages bons à rendre publics, l’Académie y donnera son approbation, selon qu’elle l’estimera ; et si elle juge à propos que les auteurs y fassent des corrections, additions ou changements, elle les en avertira, s’ils sont présents, ou le leur fera savoir par le Secrétaire s’ils sont absents.

83 (44)

Les ouvrages et mémoires qui auront ainsi été successivement approuvés, chaque année, et destinés à l’impression, seront recueillis et mis en ordre par le Secrétaire ; et tous les six ans, il en sera donné un volume au public.

84

À cet effet, l’Académie donnera des lettres d’agrégation à un imprimeur qu’elle choisira, et auquel elle cédera le privilège qu’elle aura obtenu de Sa Majesté pour l’impression de ses ouvrages. Cet imprimeur sera perpétuel ; et se trouvera aux assemblées, quand il sera mandé. (45)

85

Nul des Académiciens ne pourra prendre dans les ouvrages qu’il fera imprimer en son particulier, le titre d’Académicien, sans une approbation expresse de l’Académie ; et ce sera également une règle constante et invariable ; et l’Académie ne donnera cette approbation, qu’après une lecture entière faite dans les assemblées, ou du moins qu’après un examen et rapport fait par des commissaires qu’elle en aura chargés. L’approbation sera couchée sur le registre des délibérations et signée, ou du Directeur et du Secrétaire, ou du Secrétaire et des commissaires qui auront fait le rapport ; et il en sera délivré à l’auteur une expédition scellée du sceau de l’Académie.

86 (46)

Ceux qui ne seront point de l’Académie, ne pourront assister ni être admis à ses assemblées ordinaires, si ce n’est quand ils voudront y faire eux-mêmes lecture de quelque ouvrage ; mais ils devront auparavant le communiquer, ou au Directeur ou au Secrétaire, lesquels, s’ils jugent l’ouvrage digne de l’attention de la Compagnie, l’en préviendront, et prendront jour avec elle pour lui présenter l’auteur.

87

Les Académiciens des autres Académies de l’Europe, qui le souhaiteront, auront entrée dans les assemblées, soit publiques soit particulières, ou pour y lire quelque ouvrage s’ils le veulent, ou pour y assister simplement. Ils auront en outre voix délibérative dans les assemblées particulières.

88 (47)

L’Académie formera autant qu’il dépendra d’elle, et entretiendra correspondance avec les autres Académies du Royaume. Elle leur enverra, chaque année, le programme qu’elle distribuera le jour de Saint-Louis ; leur fera part des découvertes et des ouvrages qu’elle croira mériter l’attention des savants ; leur communiquera les observations qu’elle croira intéressantes, et pouvoir donner des vues nouvelles ; et leur adressera à chacune un exemplaire des mémoires et des pièces qu’elle fera imprimer, pour contribuer autant qu’il sera en elle, à établir entre ces Sociétés littéraires, cette relation mutuelle, ce commerce réciproque de lumières et de connaissances, qui sera pour elle-même ainsi que pour les autres, un motif d’émulation, utile pour le progrès des sciences, et la perfection des arts.

89(48)

Il lui sera permis d’établir, ainsi et quand elle le jugera à propos, de nouveaux prix, indépendamment du Prix de physique fondé par M. le Duc de la Force ; et elle aura l’attention de ne les destiner qu’à des objets utiles et intéressants. Ces prix ne pourront être remportés par les membres de la compagnie.

90

Elle pourra faire des règlements dans les choses qui n’auront point été réglées par le présent statut ; mais ils ne pourront être exécutés qu’après l’approbation du Protecteur ; il suffira qu’il l’envoie au Secrétaire. Ces nouveaux règlements seront successivement ajoutés à celui-ci ; et seront également signés par les Académiciens, lors de leur réception, suivant l’article 34 ci-dessus.

91

L’Académie conservera les armes et la devise qu’elle a prises lors de son établissement. Elle les fera mettre en sceau pour être empreintes sur les livres et sur ses machines ; et en cachet, dont le Secrétaire se servira lorsqu’il écrira au nom de la Compagnie, ou qu’il scellera des certificats, des approbations, ou des lettres d’Académiciens.

De nombreux débats ont lieu au sein de l’Académie sur ce projet jusqu’en 1781, puis ces nouveaux statuts ont été à nouveau modifiés jusqu’à être réduits de moitié : ils contiennent finalement trente sept articles. Ils sont adoptés et confirmés par les Lettres-Patentes du Roi du 20 juillet 1781 puis sont enregistrés au Parlement.(voir rubrique : « Les nouveaux statuts de 1781 »


(1) Notes de Jules Bellet provenant du fonds Lamontaigne de la Bibliothèque de Bordeaux, et retranscrites dans les Actes de l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Bordeaux, A. Picard et fils, Paris, 1913, p.279-282.

(2) Ibid., p.279 (sur l’article VI).

(3) Voir Lettres patentes, Ms 828, CV, 64.

(4) Ms 1696, XXV, 4.

(5) Ms 1696, XXV, 9.

(6) Ms 1696, XXV, 12.

(7) Le nombre d’Académiciens sera réduit à soixante. Du reste l’article est laissé tel qu’il est.

(8) En seront retranchés les motifs et ce qui regarde la distinction des talents.8

(9) Article qui sera refondu et incorporé dans le second.

(10) Article supprimé. Il n’y aura pas d’Académiciens libres.

(11) Id.

(12) Ou s’il ne vaque pas de places de non résidants, seront Académiciens non résidants surnuméraires jusqu’à ce qu’il en vienne à vaquer.

(13) Vice-versa. Article qui sera refondu dans le sixième pour n’en faire qu’un article.

(14) N’auront voix délibérative que dans ce qui concernera les sciences.

(15) Sera le premier article, en copiant littéralement celui des anciens statuts.

(16) Sera réformé et abrégé.

(17) Id.

(18) Article supprimé en entier.

(19) Sera supprimé ce qui concerne les Académiciens libres. Quant à ceux qui aspireront à être correspondants, ils seront obligés de présenter ou envoyer un mémoire, ou une observation qui puisse faire connaître leurs talents. Il sera pris un temps moral pour l’informer de ce qui concernera leurs personnes, s’ils ne sont d’ailleurs suffisamment connues ; et il sera également procédé à leur nomination, par la voie du scrutin.

(20) Sera supprimé en entier.

(21) Sera retranché de cet article, ce qui concerne les places dans les séances.

(22) Sera supprimé en entier.

(23) Sera supprimé la fin de cet article, concernant les vétérans et les académiciens libres.

(24) Sera supprimé en entier.

(25) Sera resserré dans son total. En sera supprimé ces mots : « en présence de l’auteur » ; et y sera conservé le droit du directeur.

(26) Sera supprimé en entier.

(27) Sera modifié en faveur du directeur, lorsque par les circonstances le temps se trouvera trop court pour lui.

(28) Les articles 54 et 55 seront réunis et fondus ensemble.

(29) Id.

(30) Ne sera parlé dans cet article, que des seuls Académiciens titulaires ; et non des libres ni des vétérans ou correspondants.

(31) Article qui sera réuni avec le 56. Il ne sera pas parlé ni des jetons de reste, ni du Trésorier.

(32) Note de Lamontaigne : « L’usage des Académies de Paris, où l’on distribue des jettons, est que ceux qui s’accumulent pendant les vacances, sont un revenant bon pour le secrétaire, et cèdent à son profit particulier ».

(33) Les articles 59 et 60 seront réunis ensemble, et sans différence dans les formalités à observer.

(34) Sera ainsi réformé : « Les Académiciens qui tomberont dans des fautes graves, ou dans des manquements envers la Compagnie, pourront être interdits, ou même destitués suivant l’exigence des cas, et dans des assemblées convoquées à cet effet. Mais l’assemblée devra être composée au moins de dix huit Académiciens, pour prononcer l’interdiction ; et elle passera aux deux tiers des voix : elle pourra d’ailleurs être prorogée autant que la Compagnie le jugera à propos. Et quant à la destitution, elle ne passera qu’aux trois-quarts des voix, et dans une assemblée qui devra être composée au moins de vingt quatre académiciens. Mais l’une et l’autre ne pourront être mises à exécution, que de l’agrément du Protecteur. ».

(35) Sera ajouté à la fin de cet article : « De manière que tout à cet égard, soit fini pour le plus tard, au premier du mois d’août ».

(36) Sera supprimé.

(37) Sera ainsi réformé : « Lorsque ce premier examen de tous les ouvrages envoyés pour les prix aura été fait, il sera formé un bureau de cinq commissaires pour chaque genre de matière, s’il y a eu différents sujets proposés, afin de faire dans chacun un examen de comparaison des pièces qui auront été réservées pour le concours. Le Directeur et le Secrétaire auront la faculté d’assister à ces bureaux s’ils le jugent à propos ». Le reste sera supprimé.

(38) Sera ainsi réformé : « L’unanimité des voix dans ces bureaux, décidera le jugement de l’Académie : mais toutes les fois que la prépondérance n’y sera que d’une seule voix, il en sera référé par l’Ancien, à la Compagnie, qui alors délibérera définitivement sur la matière ».

(39) Sera supprimé la clause, « Et ce sera pour chacun d’eux… »

(40) Sera supprimé de cet article la clause « Et ne perdant jamais de vue… »

(41) Le programme sera dressé simplement, sans qu’il y soit question des motifs qui auront déterminé le jugement de l’Académie. Cet article à réformer en conséquence.

(42) Le Directeur devra nécessairement rendre compte dans ce discours de la matière du Prix, et des raisons qui auront déterminé le sort des ouvrages mis au concours ; et en outre il pourra y traiter tel autre objet qu’il voudra. Cet article à réformer en conséquence.

(43) Sera transporté plus bas, et réuni au 82ème du projet ; et seront tous les deux ensemble ainsi fondus et réformés. « Dans cette même assemblée, il sera nommé cinq commissaires pour chaque genre de matière, pour faire choix, dans le cours de l’année, tant dans le registre des mémoires de la Compagnie que dans la liasse des mémoires étrangers, des ouvrages lus dans le courant de l’année précédente, qui pourraient être bons à donner au public, ou en entier, ou par extrait. Le Directeur et le Secrétaire en seront de droit. Ces commissaires, chacun dans leur partie, rendront successivement compte de leur travail avant la fin de l’année. Et l’Académie donnera son approbation au choix qu’ils auront fait, selon qu’elle l’estimera. Si elle juge que les auteurs y fassent des additions, corrections ou changements, elle les en avertira s’ils sont présents, ou le leur fera savoir par le Secrétaire, s’ils sont absents. »

(44) Ne sera point fixé de terme pour l’impression de ces mémoires. Sera ajouté à cet article, qu’en tête de chaque volume qui l’imprimera, on donnera successivement l’histoire de l’Académie.

(45) Après l’article 84 du projet sera ajouté celui-ci : « L’Académie donnera aussi des lettres d’agrégation à dix artistes, dans tels genres qu’elle jugera à propos. Ils devront se rendre aux assemblées quand ils y seront mandés, ou pourront s’y présenter quand ils auront quelques ouvrages à communiquer ; et ils jouiront en outre des droits et privilèges accordés à l’Académie. » Ajout qui sera finalement rejeté.

(46) Sera substitué à ces mots : « ou au secrétaire », ceux-ci : « ou à un des messieurs… »

(47) Seront supprimés dans cet article les raisonnements qui en indiquent le but et les motifs.

(48) Sera supprimé en entier, l’Académie restant toujours libre à cet égard.

Nouveaux statuts de l’Académie Royale des Sciences, Belles Lettres et Arts de Bordeaux (1).

Retranscrits par Julien Cussaguet

Article premier.

L’Académie Royale des Sciences, Belles-Lettres et Arts de la ville de Bordeaux sera composée de soixante Académiciens, trente résidants et trente non résidants.

Article II

Les Académiciens résidants seront choisis parmi les personnes domiciliées dans la ville, sans qu’on puisse admettre dans le nombre plus d’un Religieux de chaque ordre. Les non résidants seront regnicoles ou étrangers.

Article III

Lorsqu’un Académicien résidant ira s’établir ailleurs, l’Académie nommera à sa place, comme vacante, et il passera dans la classe des non résidants, où il demeurera surnuméraire jusqu’à ce qu’il s’y présente une place à remplir : réciproquement il en sera de même à l’égard des Académiciens non résidants qui viendront s’établir à Bordeaux.

Article IV

Ceux qui, aux termes de l’article précédent, passeront ainsi d’une classe dans l’autre, conserveront leur rang de la date de leur admission dans la Compagnie.

Article V

L’Académie pourra accorder le titre de vétéran à ceux des Académiciens, résidants ou non résidants, qui auront vingt ans d’un service utile à la Compagnie ; et alors, il sera pourvu à leurs places : ils conserveront néanmoins rang, séance et voix délibératives dans les assemblées.

Article VI

Indépendamment des deux classes ci-dessus, l’Académie donnera des lettres de correspondant à des sujets, ou regnicoles ou étrangers, en nombre illimité.

Article VII

Les correspondants qui passeront en ville, et n’y seront que pour trois mois tout au plus, auront séance et voix délibérative dans les assemblées, mais dans ce qui concernera les Sciences, Belles-Lettres et Arts seulement.

Article VIII

Il sera élu, tous les ans, un Directeur, le jour de la fête de Saint Louis, par la voie du scrutin, et à la pluralité des voix. Il ne pourra être pris que dans la classe des résidants, et il entrera en exercice le jour de sa nomination. Il présidera à toutes les assemblées ; les convoquera extraordinairement, quand il sera nécessaire ; prononcera les délibérations ; les signera sur le registre, et maintiendra la discipline dans la Compagnie. En son absence, le plus ancien en remplira toutes les fonctions.

Article IX

Les fonctions du Secrétaire seront remplies par deux Académiciens. L’un aura le titre de Secrétaire Perpétuel, et l’autre, celui de Secrétaire Adjoint. Ils seront également élus par scrutin, à la pluralité des deux tiers des voix pour le moins. L’élection du Secrétaire Adjoint se fera tous les trois ans, sauf à élire le même sujet s’il y a lieu. Le partage des divers objets de leur travail sera fixé, si besoin est, par des règlements particuliers de la Compagnie.

Article X

Il y aura un Trésorier qui sera élu tous les trois ans, dans la même forme. Il sera autorisé à faire toutes les dépenses courantes et ordinaires, dont le détail aura été déterminé par les règlements intérieurs de la Compagnie ; et quant aux dépenses extraordinaires, il ne pourra les faire qu’en vertu d’une délibération expresse. À la fin de chaque année, il sera tenu de rendre compte de sa gestion en présence du Directeur, du Secrétaire et de trois commissaires nommés à cet effet.

Article XI

Le bibliothécaire sera, conformément aux intentions du sieur Bel, fondateur de cette place, nommé par quatre commissaires de l’Académie, conjointement avec les héritiers représentants dudit sieur Bel : il jouira des appointements et autres avantages qui lui sont assignés par le titre de fondation, aux conditions qui y sont prescrites, et il observera, relativement à la manutention de la bibliothèque, ainsi que pour la confection des catalogues, tout ce qui aura été réglé, à cet égard, par l’Académie.

Article XII

Nul ne pourra être proposé pour aucune des places d’Académicien, s’il n’est de bonnes mœurs, d’une conduite régulière, et d’une probité reconnue.

Article XIII

En outre, ceux qui aspireront aux places d’Académiciens, résidants ou non résidants, seront tenus de présenter ou faire remettre à l’Académie, pour preuve de leurs talents et de leur capacité, deux mémoires ou pièces de leur composition, sur tels sujets de Sciences, Belles-Lettres ou Arts qu’ils jugeront à propos, ou bien un ouvrage imprimé, qui ait déjà pu les faire connaitre avantageusement du public.

Article XIV

Les candidats seront proposés par le Directeur, un mois avant de procéder à l’élection, et cet intervalle sera employé, soit à l’examen des ouvrages qu’ils auront présentés, soit à prendre à leur sujet les renseignements qu’on croira nécessaires.

Article XV

À l’échéance du délai, il sera convoqué une assemblée extraordinaire pour l’élection, et cette assemblée devra être composée au moins de dix-huit Académiciens. L’élection se fera par la voie du scrutin, et le candidat, pour être élu, devra réunir au moins les deux tiers des suffrages.

Article XVI

L’Académicien élu sera installé aux formes d’usage dans la Compagnie : il signera, sur le registre, l’acte de sa réception ; et il lui sera délivré, par le Secrétaire, des lettres d’Académicien.

Articles XVII

S’il est non résidant, le Secrétaire lui enverra ses lettres d’Académicien, en lui faisant connaître ses obligations.

Articles XVIII

Les Académiciens, résidants ou non résidants, seront tenus de donner à l’Académie, au moins tous les trois ans, un ouvrage de leur composition, sur une manière à leur choix ; et il sera retenu date, sur le registre, de la remise et de la lecture de chacun desdits ouvrages.

Articles XIX

Lors de la lecture qui se fera de ces ouvrages, et de tout autre qui sera porté dans les séances, le Directeur, ou l’ancien en son absence, y prendra, à leur sujet, les voix des Académiciens ; et chacun d’eux donnera son avis avec la liberté, mais en même temps avec la décence et l’honnêteté convenables.

Article XX

L’Académie ouvrira, chaque année, ses séances particulières le premier dimanche de Décembre ; et à compter dudit jour jusqu’au jour de Saint Louis, elle les tiendra chaque dimanche régulièrement, sauf aux fêtes de Pâques et de Pentecôte, qu’elle vaquera. Ces assemblées dureront au moins trois heures, depuis trois jusqu’à six, dans l’hiver, et depuis quatre jusqu’à sept, dans l’été. Il n’y aura de place fixe que pour le Directeur ; le Secrétaire sera vis-à-vis de lui ; et tous les autres Académiciens se placeront sans aucune distinction.

Article XXI

Il sera tenu, en outre, deux séances publiques ; une le jeudi de la première semaine de Carême ; l’autre, le jour de Saint Louis ; et à l’issue decelle-ci, se fera l’élection du Directeur en la forme portée par l’article VIII ci-dessus.

Article XXII

Ledit jour de Saint-Louis, l’Académie assistera le matin, en corps, à une messe qu’elle fera célébrer ; et le panégyrique du Saint y sera prononcé par le prédicateur dont le Directeur aura fait choix.

Article XXIII

Il ne pourra être lu, dans les séances publiques, aucun ouvrage qui n’ait été préalablement examiné dans les séances particulières, et sans une autorisation de l’Académie.

Article XXIV

À la première assemblée du mois d’Avril, le Secrétaire remettra à l’Académie les dissertations, mémoires et autres pièces qui lui auront été envoyées pour le Prix fondé par M. le Duc de La Force, et ces pièces seront distribuées à des commissaires pour en faire un premier examen, et en rendre compte dans le temps que l’Académie aura déterminé pour chacun.

Article XXV

Les commissaires ayant fait leur rapport desdits ouvrages, l’Académie en fera une lecture réfléchie et un nouvel examen, dans ses assemblées, pour se fixer sur le jugement qui devra en être porté.

Article XXVI

La pièce qui aura remporté le Prix, sera proclamée dans l’assemblée publique le jour de Saint Louis ; et elle sera imprimée. Dans la même séance, l’Académie distribuera un programme qui indiquera le sujet pour le Prix de l’année suivante.

Article XXVII

Dudit jour de Saint Louis, l’Académie entrera en vacances jusqu’au premier dimanche de Décembre, sauf à tenir dans cet intervalle, ainsi que dans le courant de l’année, des assemblées extraordinaires, si elle le juge à propos, et suivant les circonstances qui l’exigeront, mais uniquement pour ce qui concerne les Sciences et Belles-Lettres, et sans qu’il soit permis d’y traiter aucun autre objet qui puisse intéresser l’Académie ou quelqu’un de ses membres.

Article XXVIII

Les ouvrages et les mémoires que les Académiciens auront fournis, et que l’Académie aura approuvés et jugés dignes d’être donnés au public, seront recueillis par le Secrétaire, et l’Académie en fera successivement imprimer la collection.

Article XXIX

À cet effet, l’Académie donnera des lettres d’agrégation à un imprimeur, auquel elle cèdera, pour le temps qu’elle jugera à propos, le privilège qu’elle aura obtenu de Sa Majesté pour l’impression de ses ouvrages ; et il jouira d’ailleurs des autres privilèges accordés à l’Académie.

Article XXX

Nul des Académiciens ne pourra prendre, dans les ouvrages qu’il fera imprimer en son particulier, le titre de membre de l’Académie de Bordeaux, que par une permission expresse de cette Compagnie ; et l’Académie ne donnera cette permission qu’après une lecture de l’ouvrage, faite dans ses assemblées, ou du moins, qu’après un examen et rapport faits par des commissaires qu’elle en aura chargés.

Article XXXI

Si, contre toute apparence, quelque Académicien se rendait indigne de ce titre soit par des manquements essentiels envers la Compagnie, soit par une mauvaise conduite caractérisée, l’Académie pourra le rayer de sa liste, et nommer à sa place, par délibération passée à la pluralité de seize voix, dans une assemblée spécialement convoquée à cet effet, et qui devra être au moins composée des trois quarts des Académiciens, après toutefois qu’elle aura exactement pris connaissance du fait, et que la matière aura été discutée dans trois assemblées successives.

Article XXXII

Les Académiciens des autres Académies qui passeront à Bordeaux, seront admis dans les assemblées, soit publiques, soit particulières, ou pour y lire quelqu’un de leurs ouvrages, s’ils le désirent, ou simplement pour y assister ; et ils y auront voix délibérative sur les objets concernant les Sciences.

Article XXXIII

L’Académie formera, autant qu’il dépendra d’elle, et entretiendra correspondance avec les autres Académies du Royaume ; elle leur enverra, chaque année, le programme qu’elle aura distribué le jour de Saint Louis, et elle leur fera part des découvertes et des ouvrages qu’elle croira mériter l’attention des savants.

Article XXXIV

Elle pourra établir de nouveaux prix, ainsi et quand elle le jugera à propos, indépendamment de celui de M. le Duc de La Force ; mais ne pourront les membres de la Compagnie concourir pour aucun.

Article XXXV

Lorsque ses facultés le lui permettront, elle pourra aussi faire frapper des jetons pour les Académiciens présents à ses séances, aux conditions et en la forme et manière qui seront alors par elle arrêtées dans un règlement particulier.

Article XXXVI

À ces fins et autres ci-dessus, et généralement pour tout ce qui d’ailleurs concernera son administration intérieure et sa discipline, ladite Académie demeure autorisée à faire tels règlements que bon lui semblera, en ce qui n’aura pas été prévu par le présent statut.

Article XXXVII

Ces règlements ne pourront être faits qu’à la pluralité des deux tiers des voix, dans une assemblée convoquée exprès, et composée au moins des deux tiers des Académiciens résidants existants, et après avoir été préalablement proposés et lus dans trois assemblées consécutives, convoquées aussi à cet effet. Ils ne pourront non plus être mis à exécution, qu’après que nous les aurons approuvés sur le compte qui nous en sera rendu par celui de nos Secrétaires d’État qui aura la ville de Bordeaux dans son département.

Arrêté du Conseil d’État du Roi, Sa Majesté y étant, tenu à Versailles, le 20 juillet 1781.

Signé GRAVIER DE VERGENNES.

Le 8 août 1782, en conséquence de l’Arrêt de la Cour, du 8 Mars dernier, les présents statuts ont été enregistrés ès registres du Greffe de ladite Cour, pour y avoir recours quand besoin sera, et pour jouir, par l’Académie de Bordeaux, de leur effet, conformément à la volonté du Roi. Fait à Bordeaux, audit Greffe, lesdits jour, mois, et an que dessus.

(1) Voir Ms 828, CV, 64.

Liste mise à jour des Académiciens
par Julien Cussaguet

La liste donnée ci-dessous est complète pour la période allant jusqu’en 1793. Un inventaire systématique des ressources disponibles est en cours pour vérifier et compléter les informations concernant les Académiciens. La moitié du manuscrit 828 a été dépouillée, le travail devrait être achevé d’ici deux mois.

Les notes signalent les sources des corrections apportées à la liste jusqu’ici connue, elles permettent de repérer les notices modifiées par rapport aux informations dont disposaient les chercheurs jusqu’à aujourd’hui.

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Liste des Membres ordinaires, associés et correspondants de l’Académie Royale des Belles-Lettres, Sciences et Arts de Bordeaux, de 1712 à 1793 (1)

1712

– GASCQ (Antoine de), président à mortier au Parlement de Bordeaux. Membre de l’Académie des Lyriques le 9 août 1707. Fondateur et membre ordinaire. Décède en 1754(2)

– SARRAU DE BOYNET (Isaac), écuyer. Membre de l’Académie des Lyriques le 16 août 1707. Fondateur et membre ordinaire. Décède le 30 mars 1772.

– SARRAU DE VÉSIS (Jean), écuyer. Membre de l’Académie des Lyriques le 16 août 1707. Fondateur et membre ordinaire. Décède en mai 1739.

– MELON (Jean-François), inspecteur des fermes à Bordeaux. Membre de l’Académie des Lyriques le 30 décembre 1707. Fondateur et membre ordinaire. Décède en 1738.

– CAUPOS (Jean-Baptiste de), conseiller lai au Parlement de Bordeaux. Membre de l’Académie des Lyriques le 23 novembre 1708. Fondateur et membre ordinaire. Décède le 23 février en 1756.

– LEBERTHON (André-François-Benoît), conseiller clerc au Parlement de Bordeaux. Membre de l’Académie des Lyriques le 18 mars 1709. Fondateur et membre ordinaire. Décède le 10 août 1766.

– NAVARRE (Joseph de), conseiller à la Cour des Aides de Bordeaux. Membre de l’Académie des Lyriques. Fondateur et membre ordinaire. Laisse sa place vacante le 17 décembre 1724 après avoir démissionné(3). Décède le 31 décembre 1757.

– CÉSAR (François-Louis de), conseiller lai au Parlement de Bordeaux. Fondateur et membre ordinaire. Laisse sa place vacante le 16 février 1715 après avoir démissionné(4). Décède en 1733.

– BELLET (abbé Jules), chanoine de Cadillac, polygraphe. Fondateur et membre associé élu le 9 juin 1709 à l’Académie des Lyriques. Décède en 1752.

– OLIVIER (abbé André), homme de lettres. Membre de l’Académie des Lyriques. Fondateur et membre associé. Exclu le 8 août 1728 (5)

– CARDOZE (Joseph), docteur en médecine, agrégé au Collège des médecins à Bordeaux. Membre de l’Académie des Lyriques le 9 juin 1709. Fondateur et membre associé. Décède le 9 avril 1747.

– BELLET (François), docteur en médecine à Cadillac. Membre de l’Académie des Lyriques le 9 juin 1709. Fondateur et membre associé. Décède le 16 octobre 1746.

– SABBATIER (abbé Guillaume), professeur de philosophie au Collège de Guienne. Membre associé le 13 mai 1713(6), reçu le 26 juillet.

1713

– LACHAUMETTE, mécanicien. Membre associé le 21 juillet 1713. Exclu le 8 août 1728.

– DOAZAN (Jacques), docteur en médecine, agrégé au Collège des médecins à Bordeaux, médecin de la Ville. Membre associé le 4 août 1713, reçu le 17 août 1713. Décède le 20 mars 1745.

– GRÉGOIRE (Jean), docteur en médecine, professeur à l’Université de Bordeaux. Membre associé le 11 août 1713, reçu le 25 août 1713. Décède le 18 mai 1757(7)

– FAU (le R.P.), religieux de Notre-Dame de la Merci à Bordeaux. Membre associé le 7 septembre 1713, reçu le 15 novembre 1713. Décède en février 1756.

1714

– ROSE (le R.P.), de la Compagnie de Jésus. Membre associé le 8 janvier 1714, reçu le 1er mai 1714. Décède en 1719.

– DESCORS (abbé), chanoine de Saint-Seurin. Membre associé le 12 août 1714, reçu le 26 août 1714.

1715

– THIBAULT, membre ordinaire élu le 16 février 1715, reçu le 28 février 1715(8)

– BITRY (Barrelier de), ingénieur en chef de la province. Membre associé élu et reçu le 16 février 1715(9). Décède en 1742.

– FRÉRET (Nicolas), membre associé nommé le 22 novembre 1715. Décède le 8 mars 1749.

1716

– MONTESQUIEU (Louis Charles de Secondat, baron de la Brède et de), conseiller au Parlement de Bordeaux. Membre ordinaire élu le 3 avril 1716, reçu le 18 avril 1716. Décède le 10 février 1755.

– PASCAL, médecin à Sarlat. Membre associé le 15 février 1716.

1717

– REYNEAU (le R.P. Charles-René), de l’Oratoire. Membre associé nommé en janvier 1717(10)

DORTOUS DE MAIRAN (Jean-Jacques), physicien, secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences. Membre associé le 2 juillet 1717. Décède le 20 février 1771.

1718

– LAFOND (David), ingénieur du roi. Membre associé le 14 janvier 1718(11), reçu le 14 février 1718(12). Décède le 27 septembre 1757.

– HAUTEFEUILLE (abbé Jean de), physicien et mécanicien. Membre associé le 8 mai 1718. Décède le 18 octobre 1724.

– BARBOT (Jean), président à la Cour des Aides. Membre ordinaire élu le 4 septembre 1718, reçu le 17 novembre 1718. Décède le 13 septembre 1771(13)p

– CASTILLON (De), colonel de l’infanterie. Membre ordinaire élu le 9 décembre 1718. Décède en 1719.

1722

– BRUN (Raymond), imprimeur. Membre associé.

1725

– BELLET (Isaac), médecin à Sainte-Foy, puis médecin du roi et inspecteur des eaux minérales. Membre associé le 30 août 1725. Décède en 1778.

1726

– CAMUZAT (Denis-François), publiciste. Membre associé le 23 juin 1726. Décède le 28 octobre 1732.

– NOGUEZ (Pierre), médecin, démonstrateur d’histoire naturelle au Jardin du Roi. Membre associé le 23 juin 1726.

– AUGEARD (Henri d’), président à mortier au Parlement de Bordeaux. Membre ordinaire nommé le 28 avril 1727, reçu le 29 mai 1727. Décède en 1739.

– GRISSAC (Pierre Montalier de), conseiller au Parlement de Bordeaux. Membre ordinaire nommé le 15 juin 1727, reçu le 27 juillet 1727. Décède le 23 novembre 1770(14)

1728

– MAZIÈRES (le P.), de l’Oratoire. Membre associé le 6 juillet 1728. Décède en 1763.

1728

– CANAYE (abbé Étienne de), abbé de l’Oratoire. Membre associé le 12 décembre 1728. Décède le 12 mars 1782.

1729

– BOUGUER (Pierre), hydrographe du roi, au Croisic en Bretagne. Membre associé le 6 février 1729. Décède le 15 août 1758.

1731

– BARITAULT (Godefroy de), conseiller au Parlement. Membre ordinaire élu le 29 avril 1731, reçu le 1er juillet 1731. Décède le 10 mars 1779(15)

– GUA DE MALVES (abbé Jean-Paul de), mathématicien et polygraphe. Membre associé le 3 juin 1731. Décède en juin 1786(16)

– CASAUX (Jean), médecin. Membre associé le 1er juillet 1731, reçu le 22 juillet 1731. Décède le 29 novembre 1765.

– MONTAIGU (Arnaud-André), professeur d’hydrographie à Bordeaux. Membre associé le 1er juillet 1731, décède le 31 octobre 1747.

– CHARDAVOINE (Pierre), botaniste. Membre associé le 22 juillet 1731. Mort en 1754(17).

– CAMPAGNE (Pierre). Médecin. Membre associé le 14 décembre 1731. Décède en 1743.

1734

– SECONDAT (Jean-Baptiste, baron de), écuyer. Membre ordinaire élu le 14 novembre 1734, reçu le 21 novembre 1734. Décède le 17 juin 1796.(18)

– CROUZAS (Jean-Pierre de), physicien et philosophe. Membre associé le 4 septembre 1735. Décède le 22 mars 1748.

– LOZERAN DU FESCH (le R.P.), de la Compagnie de Jésus, physicien. Membre associé le 4 septembre 1735. Décède en 1755.

1736

– BEL (Jean-Jacques), conseiller au Parlement de Bordeaux. Membre ordinaire élu le 17 juin 1736, reçu le 15 juillet 1736. Décède le 15 août 1738.

LAVIE (Jean-Charles de), président au Parlement de Bordeaux. Membre ordinaire élu le 22 juillet 1736, reçu le 16 août 1736. Décède le 21 août 1775.

1736

– MONEREAU (de), conseiller au Parlement. Membre ordinaire élu le 10 février 1736, reçu le 7 avril 1736.

– LIRONCOURT (de), gentilhomme du cardinal de Polignac. Membre associé le 15 décembre 1736. Décède en 1757.

1739

– CHATARD (Joseph-Ignace), conseiller au Parlement. Membre ordinaire élu le 19 février 1739, reçu le 3 mai 1739.

– CHABROL (R.P. François), récollet. Membre associé le 17 mars 1739, reçu le 3 mai 1739. Décède en septembre 1778(19)

– VENUTI (Filippo), abbé de Clairac. Membre associé le 17 mars 1739, reçu le 3 mai 1739. Décède en 1769.

– LAMBERT (R.P. Bonaventure), gardien du couvent de l’Observance de Saint-François à Bordeaux. Membre associé le 17 mars (20). Décède le 5 juillet 1755.

– HOLLANDE (R.P. Louis), bénédictin. Membre associé le 9 août 1739.

1740

– GILLET DE CASTELNAU (Joseph), conseiller au Parlement. Membre ordinaire élu le 10 avril 1740. Décède le 25 mars 1747.

– CHAVAILLE DE FOUGERAS (Jean-François), conseiller au Parlement. Membre ordinaire élu le 29 mai 1740. Décède en 1770(21)

– STUART, médecin. Membre associé le 24 juillet 1740.

1741

– LORET (Jean-Paul de), président au Parlement. Membre ordinaire élu le 29 janvier 1741. Décède le 10 novembre 1791.

– ABESSARD (Jean-Baptiste d’), avocat général au Parlement. Membre ordinaire élu le 5 mars 1741. Décède en août 1747.

– ORTOLLANI. Membre correspondant le 9 juillet 1741.

– BONIN (R.P.), de la Compagnie de Jésus. Membre associé le 13 août 1741. Décède le 21 décembre 1760.

1742

– SILVA (Jean-Baptiste), médecin du roi. Membre associé le 14 janvier 1742. Décède le 19 août 1742.

– CHABANNES (Joseph-Gaspard-Gilbert de), évêque d’Agen. Membre ordinaire élu le 2 septembre 1742.

1742

– VIVENS (François, chevalier de), chevalier à Clairac. Membre associé le 2 septembre 1742. Décède en 1780.

– DUPUY (Jean), maître chirurgien, démonstrateur à l’école royale de Saint-Côme à Bordeaux. Membre associée le 2 septembre 1742. Décède le 3 mai 1792.

1743

– FOLKES (Martin), archéologue, président de la Société Royale de Londres. Membre associé le 18 août 1743. Décède en 1754.

1744

– TOURNY (Louis-Urbain Aubert, marquis de), intendant de la généralité de Guienne. Membre ordinaire élu le 9 janvier 1744. Décède en novembre 1760.

1745

– GUASCO (abbé Octavien de), comte de Clavières, chanoine de Tournay. Membre associé le 14 mars 1745. Décède le 10 mars 1781.

– ROMAS (Jacques de), lieutenant assesseur du présidial de Nérac. Membre correspondant le 2 mai 1745, puis associé le 3 février 1754. Décède en février 1776(22)

– LABORDE DE LISSALDE, lieutenant général de l’Amirauté de Bayonne. Membre correspondant le 9 mai 1745.

– HABANS, médecin. Membre correspondant le 30 mai 1745. Décède en 1755.

– PEYRAUD, médecin, agrégé au Collège des Médecins de Bordeaux. Membre correspondant le 20 juin 1745.

– IMBERT, médecin à Tonneins. Membre correspondant le 1er août 1745, puis non résidant élu le 14 mars 1779. Décède en 1782(23)

– GRÉGOIRE (Barthélemy-Thomas), docteur en médecine, agrégé au Collège des Médecins de Bordeaux. Membre associé le 23 janvier 1745. Destitué le 14 mars 1779(24)

1746

– CASTEL (le R.P. Louis-Bertrand), de la Compagnie de Jésus. Membre associé le 18 mai 1746. Décède en 1757.

1746

– DUFAU, médecin à Dax. Membre correspondant le 8 mai 1746, puis non résidant élu le 30 mars 1783. Décède en 1792(25)

– VOLTAIRE (François-Marie Arouet de), membre associé le 12 juin 1746.

– DUPUY, chirurgien. Membre correspondant le 19 juin 1746.

– JAUCOURT (Louis, chevalier de), collaborateur de l’Encyclopédie. Membre associé le 25 août 1746. Décède le 3 février 1780(26)

– KUHN (Heinrich), professeur de mathématiques à Dantzig. Membre associé le 25 août 1746.

1747

– BRESCON (Pierre), médecin de la Faculté de Montpellier. Membre correspondant le 25 août 1747, puis associé le 28 mai 1752(27). Décède en 1755.

– TITON DU TILLET (Éverard), littérateur. Membre associé le 25 août 1747. Décède le 26 décembre 1762.

1748

– THIBAULT DE CHANVALLON, écuyer. Membre ordinaire élu le 10 mars 1748. Décède en 1788.

– MASSANE (David-Marie, chevalier de), membre correspondant le 13 novembre 1748. Décède en 1754(28)

1749

– MONTÉGUT (Adrien), professeur d’hydrographie au Collège de Guienne. Membre associé le 4 mai 1749. Décède le 1er mars 1778.

– CHIMBAULT DE FILHOT (Jean-Raymond), écuyer, avocat au Parlement. Membre ordinaire le 18 mai 1749.

HILL, membre associé le 18 mai 1749.

1750

– DUDON (Jean-Baptiste-Pierre-Jules), avocat général au Parlement de Bordeaux. Membre ordinaire le 15 mars 1750. Décède le 6 novembre 1800.

– GARAT (abbé Laurent), professeur de philosophie au Collège de Guienne. Membre associé le 16 août 1750. Décède en décembre 1779(29)

1751

– JAUBERT (abbé Pierre), curé de Cestas. Membre associé. Mort en 1779 ou 1780.

– AUNILLON (abbé Pierre-Charles Fabiot), littérateur, chanoine d’Évreux. Membre associé le 23 mai 1751. Décède le 10 octobre 1760.

– XAUPI (abbé Joseph), chanoine et archidiacre de Perpignan, abbé de Jau, Vicaire général de l’évêque de Perpignan. Membre correspondant le 20 juin 1751. Décède le 7 décembre 1778.

– PEIX (abbé), professeur de philosophie à Périgueux. Membre correspondant le 11 juillet 1751, puis membre associé le 7 août 1763.

– RAULIN (Joseph), médecin à Nérac. Membre associé le 18 juillet 1751. Décède le 12 avril 1784.

– CASTETS (Dominique), docteur en médecine, bibliothécaire de l’Académie. Membre associé le 11 mars 1751, reçu le 23 décembre 1751(30). Décède en 1764.

– BETBEDER (Jean), médecin à Mont-de-Marsan. Membre correspondant le 26 février 1805.

– SARLAT, membre correspondant le 20 février 1752.

– AMONTAIGNE (François de), conseiller au Parlement. Membre ordinaire élu le 23 avril 1752. Mort vers 1812.

– VILARIS (Marc-Hilaire), maître en pharmacie. Membre associé le 23 avril 1752. Décède le 26 mai 1792.

– TRIBOUDETTE DE MAINBRAI, démonstrateur de physique expérimentale en Angleterre. Membre associé le 13 mai 1753.

– PAULMY D’ARGENSON (Marc-Antoine-René), ministre et secrétaire d’État au département de la Guerre. Membre ordinaire élu le 19 août 1753. Décède en 1787(31)

1755

– AYMEN (Jean-Baptiste), docteur en médecine, botaniste. Membre associé le 2 mars 1755. Décède le 6 juillet 1784.

– DAVIEL (Jacques), chirurgien oculiste à Paris. Membre associé le 2 mars 1755. Décède le 30 septembre 1762.

– SÉGUR (Alexandre, marquis de), prévôt de la ville, prévôté et vicomté de Paris. Membre ordinaire élu le 2 mai 1755, reçu le 8 mai 1755. Décède en 1770(32)

– HÉROUVILLE DE CLAYE (Antoine de Ricouart, comte d’), commandant de la province de Guienne. Membre ordinaire élu le 25 août 1755.

– DOAZAN (Pierre-Elisée), docteur en médecine, agrégé au Collège des Médecins de Bordeaux, médecin de la Ville. Membre associé le 15 mai 1757. Décède le 21 juin 1784(33)

– PEYSSONEL (Jean-André), médecin à la Guadeloupe. Membre associé le 15 mai 1757.

– BAUDEAU (Nicolas), chanoine de l’abbaye de Chancelade en Périgord, économiste. Membre associé le 7 août 1757. Mort vers 1792.

1758

– TOURNY (Claude-Louis Aubert, marquis de), intendant de la généralité de Bordeaux. Membre ordinaire élu le 5 mars 1758, reçu le 12 mars 1758. Décède le 14 septembre 1760.

– JOURDAIN DE LA FAYARDIE, écuyer. Membre correspondant le 13 août 1758.

1759

– BEDOS DE CELLES (le R.P. dom François), religieux de la Congrégation de Saint-Maur. Membre associé le 3 avril 1759, reçu le 5 avril 1759. Décède le 25 novembre 1779.

– PELT (Antoine), professeur royal de mathématiques et de physique à Lisbonne. Membre associé le 26 août 1759. Décède en 1787.

– PEYVIEUX-DUSSAUD, membre correspondant le 26 août 1759.

1760

– CHESNEAU DE PEDESCLAUX, écuyer. Membre associé le 17 août 1760. Décède le 10 mai 1775.

1761

– BACALAN (André-Timothée-Isaac de), conseiller au Parlement, maître des requêtes, professeur de droit français à l’Université de Bordeaux. Membre ordinaire élu le 19 avril 1761, reçu le 24 mai 1761. Décède en 1769.

– LASCOMBES (Jean-François), procureur du roi en l’Amirauté de Guienne. Membre ordinaire élu le 19 avril 1761, reçu le 24 mai 1761. Décède à la fin de 1760.

– BAUREIN (abbé Jacques), savant dans les antiquités de Bordeaux. Membre associé le 9 juin 1761, reçu le 1er août 1761. Décède le 23 mai 1790.

– LARROQUE (Paul), mathématicien. Membre associé le 9 juin 1761, reçu le 1er août 1761. Décède le 20 novembre 1791.

– TILLET (Mathieu), agronome,commissaire du roi près l’Académie des sciences de Paris. Membre associé le 25 août 1761. Décède en 1792 (34)

– DESMARETS (Nicolas), membre associé le 25 août 1761.

– ROUX DE SAINT-AMANT (Augustin), médecin, professeur de chimie à la Faculté de Médecine de Paris. Membre associé le 25 août 1761. Décède le 28 juin 1776.

1762

– O’BRIEN (Michel), membre correspondant le 25 août 1762.

– WILLERMOZ, docteur de l’Université de Montpellier, démonstrateur royal en chimie dans cette Université. Membre correspondant le 27 février 1763.

– REYRAC (François-Philippe de Laurens de), chanoine de l’abbaye de Chancelade en Périgord, curé de Saint-Maclou à Orléans, littérateur. Membre correspondant le 17 avril 1763, puis associé le 1er septembre 1765. Décède le 21 décembre 1781.

– NEÑA-FLORIDA (comte de), membre correspondant le 8 mai 1763.

– LA VILLE (abbé J.-Ignace de), premier commis au bureau des affaires étrangères. Membre associé le 8 avril 1764. Décède le 15 avril 1774(35)

– GUILLEMEAU DE FRÉVAL (fils), conseiller au Parlement de Paris. Membre associé le 19 août 1764.

– LAFARGUE (Étienne de), avocat au Parlement de Paris, officier dans la capitainerie de Vincennes, secrétaire de M. d’Ormesson, receveur général des tailles à Dax. Membre associé le 27 janvier 1765. Décède en 1798.

– PONCET DE LA GRAVE (Guillaume), procureur du roi en l’Amirauté de Paris. Membre associé le 10 mars 1765. Mort vers 1803.

– BEAUVAU (Charles-Juste, prince de), lieutenant général des armées du roi, commandant en chef dans la province de Languedoc. Membre ordinaire élu le 10 avril 1766. Décède le 24 mai 1793(36)>

BUC’HOZ (Pierre-Joseph), docteur en médecine, agrégé au Collège des Médecins de Nancy. Membre associé le 10 avril 1766.

– AUFRÉRY (abbé d’), membre associé le 10 avril 1766. Décède en 1787(37)

– MERLE (le R.P.), augustin. Membre correspondant le 20 juillet 1766.

1767

– CRATI (Gaspard), prélat de l’ordre de Saint-Étienne de Toscane, provéditeur de l’Université de Pise. Membre associé. Décède le 19 juin 1769.

1767

– NICCOLINI (abbé marquis), membre associé.

– DESBIEY (abbé Louis-Mathieu), bibliothécaire au Collège de la Madeleine. Membre associé le 24 août 1767.

– MERCIER-DUPATY (Charles-Marguerite-Jean-Baptiste), trésorier au bureau des finances, puis avocat général au Parlement de Bordeaux. Membre correspondant en 1768, puis membre ordinaire élu le 22 janvier 1769. Décède en 1787.

– MARET (Hugues), docteur en médecine, secrétaire perpétuel de l’Académie de Dijon. Membre correspondant le 1er mai 1768, puis membre non résidant le 24 juin 1781. Décède le 11 juin 1786.

– LAMOTHE (Victor de), docteur en médecine, agrégé au Collège des Médecins de Bordeaux. Membre associé le 20 janvier 1769. Décède en avril 1769.

– DUPATY DE CLAM, ancien mousquetaire, au château de Clam, en Saintongue, hippicographe. Membre correspondant le 6 août 1769. Mort vers 1790.

1772

– SAINT-MARC (Jean-Paul-André des Razins, marquis de), ancien officier aux gardes françaises. Membre ordinaire élu le 22 mars 1772. Décède le 11 septembre 1818.

– SANS (abbé), professeur de physique expérimentale en l’Université de Perpignan. Membre correspondant le 17 mai 1772.

1773

– DUFAU, médecin auprès de Barbotan. Membre correspondant le 21 mai 1773(38)

– NADAUD (abbé Joseph), curé de Reyjac en Limousin. Membre correspondant le 2 mai 1773. Décède en 1776.

– GUÉRIN (Pierre), professeur de chirurgie opératoire au collège Saint-Côme. Membre associé le 16 mai 1773. Décède le 13 février 1827.

– GROSSARD (Jean-Charles), docteur en médecine et maître en chirurgie à Bordeaux. Membre associé le 16 mai 1773. Décède le 17 mai 1800.

– LEYDET (abbé), chanoine de l’abbaye de Chancelade, en Périgord. Membre correspondant le 6 juin 1773. Décède en mai 1776.

– LALANDE (Joseph-Jérôme Le Français de), membre associé le 13 janvier 1774. Décède le 4 avril 1807.

– MOURGUE (Jacques-Augustin), membre correspondant le 17 avril 1774. Décède en janvier 1818.

– LATAPIE (François de Paule), avocat au Parlement de Paris, inspecteurs des arts et manufactures de la province de Guienne. Membre correspondant le 8 mai 1774, puis associé le 13 août 1775. Décède le 8 octobre 1823.

– BERTHOLON (Pierre), prêtre de la Mission, professeur de théologie. Membre correspondant le 12 mars 1775, puis membre non résidant le 30 mars 1783. Décède le 21 avril 1800.

1776

– BONFIN (Richard-François), professeur d’architecture, ingénieur de la ville de Bordeaux. Élu le 21 janvier 1776. Décède le 5 mai 1814.

– PACIFICO (dom Nicolas), membre correspondant le 21 janvier 1776.

– GUYOT (Daniel), chirurgien à Neufchâtel. Membre correspondant le 28 janvier 1776. Décède en 1780.

– BOURGEOIS, membre correspondant le 25 février 1776. Décède en juillet 1776.

– ELIE DE BEAUMONT (Jean-Baptiste-Jacques), avocat au Parlement de Paris, intendant des finances du comte d’Artois. Élu le 3 mars 1776. Décède le 10 janvier 1786.

– OBERLIN (Jérémie-Jacques), bibliothécaire de l’Université de Strasbourg. Membre correspondant le 30 juin 1776. Décède le 10 octobre 1806.

– COURREJOLES, ingénieur ordinaire du roi, à Saint Domingue. Membre correspondant le 28 juillet 1776.

– SAINT-LUBIN (chevalier de), ingénieur ordinaire du roi, aux Indes orientales. Membre correspondant le 28 juillet 1776.

– BIANCHI (abbé Isidore), ancien professeur de philosophie et de mathématiques à Palerme. Membre correspondant. Mort en 1807.

– LAFFON DE LADEBAT (André-Daniel), négociant. Élu le 29 août 1776. Décède le 15 octobre 1829.

1777

– LAMOTHE (Simon-Antoine-Delphin), professeur en droit français à l’Université de Bordeaux. Membre résidant élu le 26 janvier 1777. Décède le 6 janvier 1781.

– ALPHONSE (Louis), maître en pharmacie. Membre résidant élu le 16 février 1777. Décède le 2 février 1820.

– SPINOZA (Jacob-Marie), membre correspondant le 9 mars 1777.

– SPALLANZANI (abbé Lazaro), professeur d’histoire naturelle à Paris. Membre correspondant le 27 avril 1777. Décède le 12 février 1799.

1777

– FORTIS (abbé Jean-Baptiste, dit Albert), membre correspondant le 27 avril 1777. Décède le 21 octobre 1803.

– SÉNEBIER (Jean), bibliothécaire de la république de Genève, naturaliste. Membre correspondant le 27 avril 1777. Décède le 22 juillet 1809.

– CORRÉA DA SERRA (abbé José-Francisco), naturaliste à Lisbonne. Membre correspondant le 4 mai 1777. Décède en 1823.

– ARCO (Jean-Baptiste-Gérard, comte d’), Prince du Saint-Empire à Vienne, économiste. Membre non résidant élu le 15 mai 1777. Décède en 1791.

– CHAUVET fils (Jean-Baptiste), écuyer, conseiller au Parlement. Membre résidant élu le 29 juin 1777.

– LÉGLISE (Antoine de), écuyer de Saint-Macaire. Membre correspondant le 3 août 1777, puis non résidant élu (39)

– SUE (Pierre), professeur au collège royal de Chirurgie à Paris. Membre correspondant le 22 mars 1778. Décède le 28 mars 1816.

– BLANC (Antonin), lieutenant particulier des Eaux et Forêts. Membre résidant élu le 29 mars 1778.

– BISCARI (Prince de), membre non résidant élu le 9 août 1778. Décède en 1787.

– BLONDEAU, professeur de mathématique à Brest. Membre correspondant le 23 août 1778.

– DESRIVIÈRES-GERSS (Baron), capitaine d’infanterie, aide-major de la colonie de Cayenne. Membre correspondant le 28 février 1779.

– PROST DE ROYER (Antoine-François), lieutenant général de police de la ville de Lyon. Membre correspondant le 7 mars 1779. Décède le 21 septembre 1784.

– LAPERCHE (fils), médecin à Tonneins. Membre correspondant le 9 mai 1779.

– GOTTE (le R.P.), de l’Oratoire, curé de Montmorency. Membre correspondant le 11 juillet 1779.

– CARRIÈRE (le R.P dom Jacques-Marie), de la Congrégation de Saint-Maur. Membre correspondant le 25 août 1779. Décède en 1804 ou 1811.

1780

– DUPRÉ DE SAINT-MAUR (Nicolas), intendant de la généralité de Bordeaux. Membre résidant élu le 13 février 1780(40)

– CAZALET (Jean-André), démonstrateur en chimie. Membre résidant élu le 24 février 1780. Décède en 1821 ou 1825.

– HUNCZOWSKI, chirurgien au service de l’empereur, à Vienne. Membre correspondant le 25 juin 1780.

1781

– GARRA DE SALAGOYTI (abbé), professeur d’hydrographie à Bayonne. Membre correspondant le 14 janvier 1781.

– IZARD, docteur en médecine à Monségur. Membre correspondant le 1er avril 1781.

– BOUDON DE SAINT-AMANS (Jean-Florimond), écuyer. Membre correspondant le 10 juin 1781, puis non résidant élu le 7 août 1785. Décède le 28 octobre 1831.

– DESÈZE (Paul-Victor), docteur en médecine. Membre résidant élu le 30 mars 1783. Décède le 1er avril 1830.

– ALBON (Claude-Camille-François, comte d’), membre non résidant élu le 23 février 1783. Décède le 3 octobre 1789(41)

– GRÉE, conseiller au siège de l’Amirauté de La Rochelle. Membre correspondant le 16 mars 1783.

– WENCKER, magistrat de Strasbourg. Membre correspondant le 23 mars 1783.

– SAINT JULIEN (le R.P. dom), de la Congrégation de Saint-Maur, professeur émérite de mathématiques à l’école militaire de Sorèze, historiographe de la province de Guienne. Membre correspondant le 30 mars 1783.

– RIBOUD (Thomas-Philibert), procureur du roi au siège présidial de Bourg-en-Bresse. Membre correspondant le 4 mai 1783. Décède le 6 août 1835.

– BÉRENGER (Laurent-Pierre), professeur d’éloquence au collège d’Orléans. Membre correspondant le 4 mai 1783. Décède en 1822.

– GIRAUD DE SOULAVI (abbé Jean-Louis), membre correspondant le 11 mai 1783. Décède en mars 1813.

– VALLETON DE BOISSIÈRE, médecin à Bergerac. Membre correspondant le 25 mai 1783.

1783

– MUSTEL, chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis. Membre correspondant le 29 juin 1783.

– FRANÇOIS DE NEUFCHATEAU (Nicolas), avocat au Parlement de Paris. Membre correspondant le 7 septembre 1783. Décède le 10 janvier 1828.

1784

– DUCHESNE DE BEAUMANOIR, subdélégué de l’intendance de Bordeaux. Membre résidant élu le 25 janvier 1784.

– PASTORET (Claude-Emmanuel-Joseph-Pierre de), conseiller à la Cour des Aides de Paris. Membre non résidant élu le 20 février 1784. Décède le 28 septembre 1840.

– ROUSSON, avocat au Parlement au Puy-en-Velay. Membre correspondant le 4 janvier 1784.

– CHAUSSIER (François), docteur en médecine et professeur d’anatomie et d’histoire naturelle à Dijon. Membre correspondant le 18 juillet 1784. Décède le 9 juin 1828.

1785

– LA COUDRAYE (Deloynes chevalier de), chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis. Membre résidant élu le 13 février 1785.

– LEYDET (Hippolyte), conseiller à la Cour des Aides. Membre résidant élu le 3 mars 1785.

– LACÉPÈDE (Bernard-Germain-Étienne de La Ville, comte de), professeur adjoint au Jardin royal des Plantes à Paris. Membre non résidant élu le 7 août 1785. Décède le 6 octobre 1825.

– ROY (abbé), avocat au Parlement, censeur royal. Membre correspondant le 20 mars 1785.

– LÉVÊQUE (Pierre), ingénieur de la marine, professeur royal d’hydrographie et de mathématiques à Nantes. Membre non résidant élu le 12 mai 1786. Décède le 16 octobre 1814.

– LACUÉE (Gérard-Jean), chevalier de Cessac, capitaine au régiment Dauphin-Infanterie à Metz. Membre non résidant élu le 25 juin 1786. Décède le 14 juin 1841.

– BOURIGNON (François-Marie), archéologue. Membre correspondant le 20 août 1786. Décède en 1796.

– FORONDA (chevalier de), membre correspondant le 20 août 1786.

1787

– SICARD (Roch-Ambroise Cucurron, abbé), chanoine à Saint-Seurin, instituteur des sourds-muets. Membre résidant élu le 12 août 1787. Décède le 10 mai 1822.

– WURTZ, médecin à Strasbourg. Membre correspondant le 21 janvier 1787.

1787

– CUSSON, docteur en médecine. Membre correspondant le 4 février 1787. Décède en 1790.

– ROLAND DE LA PLATIÈRE (Jean-Marie), inspecteur général des manufactures à Lyon. Membre correspondant le 11 février 1787. Décède le 15 novembre 1793.

– HUET DE FROBERVILLE (Claude-Jean-Baptiste), secrétaire perpétuel de l’Académie d’Orléans. Membre correspondant le 25 février 1787. Décède en 1838.

1788

– GAUSSEN, docteur en médecine. Membre correspondant le 8 juin 1788.

1789

– GOYON D’ARZAC (Guillaume-Henri-Charles), écuyer. Membre correspondant le 23 août 1789. Mort vers 1805.

– SAIGE, homme de loi. Membre résidant élu le 28 février 1790. Décède en 1804.

– DU SAULX, ancien commissaire de la gendarmerie. Membre non résidant élu le 24 août 1790.

– TEULÈRE (Joseph), architecte et sous-ingénieur de la marine à Royan. Membre correspondant le 19 août 1790. Décède le 29 décembre 1824.


(1) Les modifications apportées à cette liste ne sont pas définitives, seuls les dossiers I à XVI du Ms 828 ont été traités au 31 août 2011.

(2) Ms 1696, XXVII, 9.

(3) Ms 1696, XXVII, 4.

(4) Id.

(5) Id.

(6) Ms 1536, liste établie par Lamontaigne.

(7) Ms 1696, XXVII, 9.

(8) Ms 1536, liste établie par Lamontaigne.

(9) Id.

(10) Id.

(11) Id.

(12) Ms 828, XII, notes de Lamontaigne.

(13) Ms 1993, II.

(14) Id.

(15) Id.

(16) Id.

(17) Id.

(18) Id.

(19) Id.

(20) Ms 828, XII, notes de Lamontaigne.

(21) Ms 1993, II.

(22) Id.

(23) Ms 828, XII, notes de Lamontaigne.

(24) Ms 1993, II.

(25) Ms 828, XIII, notes de Lamontaigne.

(26) Ms 1993, II.

(27) Id.

(28) Ms 1696, XXVII, 9.

(29) Ms 1993, II.

(30) Id.

(31) Ms 1696, XXVII, 9.

(32) Ms 1993, II.

(33) Id.

(34) Ms 1696, XXVII, 9.

(35) Id.

(36) Id.

(37) Id.

(38) Ms 1993, II.

(39) Id.

(40) Id.

(41) Ms 1696, XXVII, 9.

L’Académie à l’oeuvre

Enjeux et activités de l’Académie Royale de Bordeaux
par Julien Cussaguet

Ce travail n’en est qu’à son commencement. Nous indiquons seulement ici quelques pistes qui nous semblent intéressantes à développer. L’article sera complété et approfondi au fil de l’enquête.

Une nouvelle vision des sciences voit le jour. Le discours d’ouverture de l’Académie du 15 novembre 1725 par Montesquieu (Ms 828, VI, 9) nous montre l’utilité de la science et les bienfaits qu’elle peut avoir tant à l’échelle individuelle (satisfaction intérieure engendrée par l’élargissement de notre culture, atteinte du bonheur par l’amour de l’étude qui est, selon Montesquieu, la seule passion éternelle…) qu’à l’échelle collective (la société est guérie des « préjugés destructifs », en même temps, elle gagne en confort, en commodités…). Les principaux enjeux, qui se trouvent donc exprimés ici, peuvent être regroupés en trois principaux points : 1°/ Rassembler 2°/ Éduquer 3°/ Innover.

1°/ Rassembler

La science permet de rassembler tous les hommes autour d’une utilité commune : élargir la culture d’un peuple (comment expliquer la formation de la glace et ses divers phénomènes ?), trouver des solutions contre des problèmes majeurs (quels sont les causes de la rouillure des métaux et les moyens de les en garantir ?) ou encore améliorer le confort de l’homme (quelle est la meilleure manière de tirer parti des Landes de Bordeaux, quant à la culture et à la population ?).

Les résultats de la science peuvent être bénéfiques à tous les hommes. Pour aboutir à des découvertes, il est nécessaire que toutes les compétences se recoupent. Pour cela, il va falloir ouvrir l’Académie à tous les savants. Les catégories des membres sous-entendent déjà une ouverture géographique (ordinaires : résidants à Bordeaux, associés et correspondants : résidants en dehors de Bordeaux et à l’étranger). De manière concrète, cette ouverture, ce rassemblement se manifestent à travers les candidatures pour les places d’associés et de correspondants. Certaines de ces candidatures sont encore conservées : Ms 828 XX, 23, 90, 91, Ms 828 XXI, 42, 50, 52… Projet du marquis de Condorcet de mettre toutes les académies de provinces en correspondance avec l’Académie des Sciences de Paris. Mais c’est un échec, à cause du sentiment de subordination de ces corps libres, et à cause de l’ouverture pluridisciplinaire des académies provinciales (Sciences, Belles-Lettres et Arts, ce qui est une novation) contre une Académie parisienne seulement scientifique (cf. Lettre de La Tourette du 29 janvier 1777, Ms 828, XXI, 61). Quoi qu’il en soit, l’Académie de Bordeaux est un centre de rencontre international.

2°/ Éduquer

L’éducation du public passe par plusieurs biais. Outre la catégorie des élèves (il y en a eu très peu, et cette catégorie a finalement été très vite supprimée), l’éducation passe par la création d’une bibliothèque publique contenant tous les livres de sciences, et toutes formes de mémoires ou de journaux qu’on publie alors en Europe (Ms 828, V, p.69-70). L’histoire de cette bibliothèque a été retracée en 1982 par Marie-Josèphe Pajot dans son T.E.R. De la Bibliothèque de l’Académie à la Bibliothèque municipale (côte BM : FAP 417) que nous consulterons plus en détail. Cette éducation passe également par le cabinet de physique (Ms 828, XX, 60, Ms 828, XXI, 57) ou encore par les publications de l’Académie. Elle se substitue en quelque sorte à l’université qui est en plein déclin.

3°/ Innover

L’homme prend conscience qu’il peut repousser presque indéfiniment les limites de la culture. L’un des grands enjeux de l’Académie va donc être d’apporter des idées nouvelles. Pour se faire, elle « stimule » le travail des savants en proposant, par le biais des sujets de concours, de grandes directions de recherche. Nous listons ci-dessous les sujets de concours que nous avons trouvés à l’aide des Ms 834, Ms 1696, XXXIV et Ms 1993, II, avec, entre parenthèses, le nom du primé (la liste étant en cours de vérification, certains noms manquants peuvent être remplacés par la mention « Non attribué »).

Liste des sujets mis au concours entre 1712 et 1791

Liste complétée et vérifiée par Julien Cussaguet

Cette liste est en cours de vérification. L’enquête sur les manuscrits a d’ores et déjà permis de faire apparaître un certain nombre de prix exceptionnels qui, jusqu’à aujourd’hui, n’avaient pas été recensés. Le lauréat du prix figure entre parenthèses.

Liste des sujets mis au concours, de 1715 à 1791.

1715 : Quelle est la cause des variations du baromètre dans les changements de temps ? (Dortous de Mairan).

1716 : Donner l’explication physique de la formation de la glace, de ses divers phénomènes. (Dortous de Mairan).

1717 : La cause de la lumière des phosphores et des noctiluques. (Dortous de Mairan).

1717 : Prix anatomie (1). (Non attribué)

1718 : Expliquer de la manière la plus vraisemblable l’usage des glandes rénales.

1718 : Donner le système le plus probable de l’écho.(Abbé de Hautefeuille).

1719 : La cause de la multiplication des ferments. (Non attribué).

1720 : Quelle est la cause de la pesanteur ? (Bouillet).

1720 : De la transparence et de l’opacité. (Non attribué).

1721 : Donner l’hypothèse la plus probable sur la cause du ressort. (Crouzas).

1722 : Les causes et la nature de la peste. (Pestalozzi).

1723-1726-1736-1767 : L’action des bains et les utilités. (Marteau et Maret en 1767).

1724 : Recherches sur le mouvement. (Non attribué).

1725 : Reproduction des plantes par bouture ou par graine. (Aucune pièce reçue).

1725-1726 : Quelles sont les causes et la nature du tonnerre et des éclairs ? (De Lauzeran du Fech).

1726 : Quelles sont les causes du flux et reflux de la mer ? (Jacques-Alexandre).

1727 : Les causes de la variation de l’aiguille aimantée. (Sarrabat).

1728 : Quelle est la cause de la salure de la mer ? (Sarrabat).

1729 : La nature, l’action et la propagation du feu. (Crouzas).

1730 : Les causes et variations des vents. (Serrabat).

1731 : De la formation du son et de ses diverses modifications. (Non attribué).

1732 : Le magnétisme des corps. (L’abbé de la Quintine). (Mairan ? Sarrabat ?) (2)

1732-1733 : La circulation de la sève dans les plantes. (L’abbé de la Baïsse). (Mairan ? Sarrabat ?) (3)

1733 : La nature de l’air et ses propriétés. (De Lozeran du Fech).

1734 : Formation des pierres. (Non couronné).

1734-1735 : La nature et les causes de la mollesse et de la fluidité des corps. (De Crouzas et Du Fech).

1736 : Les tremblements de terre. (Non attribué).

1737 : La nature et la cause du mouvement des muscles. (Stuart)

1738 : La cause de la diaphanéité et de l’opacité des corps. (Cavallery).

1738-1740 : Fertilité des terres. (Kulbel en 1740).

1739 : La cause de la chaleur et de la froideur des eaux minérales. (Cavallery).

1739 : Si l’air de la respiration passe dans le sang. (Bertier).

1740 : Origine des fontaines et des rivières. (Kuhn).

1741 : De la couleur des nègres, de la qualité de leurs cheveux et de la dégénération de l’une et de l’autre. (Non attribué).

1742 : Électricité des corps. (Des Aguliers).

1743-1745 : La cause de l’élévation des vapeurs et des exhalations dans l’air. (Kratzenstein).

1743-1745 : Origine et formation des pierres figurées qui, tant intérieurement qu’extérieurement, ont une figure particulière et déterminée. (Non attribué).

1744 : Des fonctions et de l’utilité des feuilles soit par rapport aux plantes, soit par rapport aux fruits. (Non attribué).

1746 : Rouillure des métaux et moyens de les en garantir. (Chimbaud).

1746 : Des sécrétions dans le corps humain. (Hamberger).

1747 : Pourquoi certains corps augmentent de poids étant calcinés au feu, ou aux rayons du soleil par le miroir ardent. (Beraut).

1747-1748-1770-1772-1775 : De la meilleure manière de mesurer sur mer le chemin d’un vaisseau indépendamment des observations astronomiques. (Non attribué. Médaille d’encouragement à l’abbé Aubéry).

1748 : Des rapports de l’aimant avec l’électricité. (Beraut).

1749 : Mue de la voix. (Non attribué).

1750 : De la ductilité des métaux et des moyens de l’augmenter. (Tillet).

1750 : Rapports du tonnerre et de l’électricité. (Barberet).

1751 : Nature et formation de la grêle. (Monestier).

1751 : Des médicaments qui affectent certaines parties du corps humain plutôt que d’autres. (Sauvage).

1752-1754 : De la cause qui corrompt les grains du blé dans les épis ; moyens de prévenir cet accident. (Tillet).

1753 : Influence de l’air, suivant ses diverses qualités, sur le corps humain. (Sauvage).

1754-1757-1759 : Principes de la taille de la vigne, par rapport à la différence des espèces et à la diversité des terrains. (Non attribué).

1755 : Influence de l’air sur les végétaux. (Non attribué).

1756 : La meilleure manière de faire les vins, de les clarifier et de les conserver, l’Académie désire que l’on trouve un moyen de les clarifier sans œufs, équivalent à celui des œufs ou meilleur. (Non attribué).

1757 : Cours et transpiration de la sève relativement aux différentes qualités de l’air et aux différents aspects du soleil et de la lune. (Robert de Limbourg).

1758 : Quels sont les meilleurs moyens de faire les prairies dans les lieux secs, et quelles plantes y sont les plus propres à y nourrir le gros et le menu bétail. (Non attribué).

1758-1761 : De la meilleure manière de connaître la différente qualité des terres pour l’agriculture. (Non attribué).

1759 : Quelle est la meilleure manière de semer, planter, provigner, conserver et réparer les bois de chêne ? (Jacobi).>

1760 : Déterminer par des observations et des expériences si la lune a quelque influence sur la végétation et sur l’économie animale. (Beraut).

1761-1763-1765-1766 : Trouver dans la préparation des laines un moyen qui, sans en altérer la qualité, puisse les préserver par la suite de la piqûre des insectes ; ou du moins ; obtenir ces résultats dans les diverses teintures qu’on leur donne, sans endommager les couleurs. (Lazarre en 1766).

1761-1763-1765 : Trouver dans la préparation des laines un moyen qui puisse les préserver pour la suite de la piqûre des insectes. (Non attribué).

1761 : Les éléments des corps sont-ils inaltérables de leur nature, ou se changent-ils les uns dans les autres ? (Non attribué).

1762 : Les opérations électriques sont-elles utiles ou nuisibles dans les maladies du corps humain ? (Non attribué).

1762-1764 : Principes de la greffe, leur application et leur perfectionnement. (Cabanis en 1764).

1763-1765 : Est-il possible de trouver dans le règne végétal quelques plantes du nombre de celles qui croissent en Europe, autres néanmoins que les plantes légumineuses et les blés de toute espèce, qui, soit dans leur état naturel, soit par les préparations dont elles pourraient avoir besoin, pussent suppléer dans des temps de disette au défaut de grains, et fournir une nourriture saine ? (Non attribué).

1764 : Principes à suivre dans le mélange des terres pour les rendre plus fertiles. (Non attribué).

1765 : Formation des montagnes. (Non attribué).

1766-1768-1770 : Genre et caractère des maladies épidémiques qu’occasionne ordinairement le dessèchement des marais dans les cantons qui les environnent ; indiquer les précautions nécessaires pour prévenir ces maladies, et les moyens d’en garantir les manœuvres ; méthode curative. (Fournier-Choisy en 1770).

1766 : Cause des différentes coagulations. (Non attribué).

1767-1769-1773-1774 : L’argile et ses changement, moyens de la fertiliser. (Non attribué).

1768-1769 : De la meilleure manière d’analyser les eaux minérales. (Marteau en 1769).

1769 : Des meilleurs moyens physiques pour détruire le lichen et la mousse des arbres, et les garantir du ravage que leur cause cette espèce de maladie. (Non attribué).

1770-1772-1775 : Quelle est la meilleure manière de mesurer sur mer la vitesse ou le sillage des vaisseaux, indépendamment des observations astronomiques et de l’impulsion de la force du vent ; et si à défaut de quelque méthode nouvelle et meilleure que celle du lock ordinaire, il n’y aurait point quelque moyen de perfectionner cet instrument au point de pouvoir en faire usage lorsque la mer est agitée, et d’empêcher la ficelle de s’allonger ou de se raccourci, du moins sensiblement, et s’il ne serait pas possible de mesurer par quelque instrument également simple et peu coûteux, le temps de trente secondes que dure ordinairement l’observation, plus exactement que l’on ne fait avec les sabliers dont on a coutume de se servir ? (Aubéry en 1775).

1771 : Donner un procéder plus simple et moins dispendieux que ceux qui sont connus (et qui, d’ailleurs, soit le plus sain) pour obtenir, par le raffinage, le sucre de la plus belle qualité et dans la plus grande quantité possible. (Non attribué).

1772-1774 : Éloge de Michel de Montaigne. (Talbert en 1774).

1772 : Quels sont les éléments les plus analogues à l’espèce humaine ? (Non attribué).

1773 : Quelle est la cause des bulles, des fils ou stries que l’on observe dans presque tous les verres optiques ? Quels seraient les moyens d’y remédier et de rendre par là ces verres plus propres aux opérations pour lesquelles on les emploie ? (Aucune pièce reçue).

1774 : Traitement des maladies qui enlèvent avant le septième jour des couches la majeure partie des femmes dont l’accouchement a été fort laborieux et contre nature. (Non attribué).

1776-1778 : Des propriétés médicinales du règne animal, de celles surtout des vipères, des écrevisses, des tortues, des cloportes, et du blanc de baleine ; analyse chimique et observations. (Thouvenel).

1776 : Quelle est la meilleure manière de tirer parti des Landes de Bordeaux, quant à la culture et à la population ? (Desbiey).

1777-1780 : Comment Bordeaux tomba au pouvoir des Romains et quels furent, sous leur domination, l’état, les lois et les mœurs de ses habitants ? (Non attribué).

1777-1779 : Des moyens à employer pour procurer à la ville de Bordeaux une plus grande abondance de bonnes eaux. (Non attribué).

1778 : Concernant la maladie des nègres. (Non attribué) (4)

1778 : Des plantes qui nuisent le plus aux prairies et des moyens de les détruire. (Non attribué).

1778 : Des moyens de préserver les nègres qu’on transporte d’Afrique dans les colonies, des maladies qu’ils éprouvent dans ce trajet. (Non attribué).

1779-1780 : Des moyens à employer pour empêcher les cheminées de fumer. (Non attribué).

1779 : Des indices qui peuvent faire connaître aux observateurs les moins exercés le temps où les arbres, et principalement les chênes, cessent de croître et où ils commencent à dépérir. (Non attribué).

1780 : Quelle est la loi hydraulique qui, en fixant la hauteur d’eau nécessaire pour le jeu des moulins, préserverait les fonds riverains d’inondation ; et s’il n’existe point de loi pareille qui puisse être générale et s’appliquer à toutes les différentes espèces de moulins à eau, placés sur quelque rivière que ce soit, quelles sont les lois particulières qui conviendraient à chaque espèce ? 2° Les circonstances du poids de l’eau, de son volume et de sa pente étant données, de quelle espèce doit être un moulin pour produire le plus grand effet ? (Non attribué).

1781-1783-1785 : De l’allaitement des enfants trouvés. (Non attribué).

1781 : Quels sont les insectes qui attaquent les différentes espèces de vignes, soit dans le temps de la durée totale de cette plante, soit dans les différentes étapes de sa végétation ? Et quels sont les moyens les plus simples et les plus efficaces de les détruire, et de remédier à leurs effets destructeurs ? (Non attribué).

1782 : Des indices qui peuvent faire connaître le temps où les arbres cessent de croître. (Brugmans).

1782-1783-1784-1785-1786 : Éloge de Montesquieu. (Non attribué).

1782-1784 : Indiquer les ouvrages qui traitent du Lecti minctio (incontinence d’urine pendant la nuit) ; quelle est la cause ou manifeste ou cachée, de cette infirmité ; quels en sont les principes, qu’elle soit habituelle ou par périodes régulières, ou à des intervalles inégaux ; quels sont les différents remèdes qui ont été proposés pour la guérir, et ceux enfin qu’une expérience constante peut faire regarder comme spécifiques ? (Non attribué).

1783 : La ville de Bordeaux sous les Romains, et quels furent sous leur domination l’état, les lois et les mœurs de ses habitants. (Non attribué).

1784 : Quel serait le meilleur procédé pour conserver le plus longtemps possible ou en grain ou en farine, le maïs, ou blé de Turquie, plus connu dans la Guienne sous le nom de blé d’Espagne et quels différents moyens il y aurait pour en tirer parti, dans les années abondantes, indépendamment des usages connus et ordinaires dans cette province ? (Parmentier)

1785-1787 : Peut-il y avoir des circonstances où le bien public exige qu’on gêne ou qu’on limite tel genre de culture ? (Non attribué).

1785-1787-1788 : Éloge du maréchal Gontault de Biron. (Vigneron).

1786-1787-1788-1789 : Éloge de Montesquieu. (Non attribué).

1786 : Existe-il entre les végétaux et les minéraux une analogie sensible et telle que par l’inspection seule des plantes qui croissent naturellement dans un terrain, on puisse reconnaître soit la qualité des terres, soit les espèces de minéraux qu’il peut renfermer ? (Non attribué).

1787-1788-1790 : Quels seraient les meilleurs moyens à employer pour prévenir le dépérissement des bois, et pour encourager et accroître ce genre de culture dans le royaume, et quel serait le régime le plus propre à assurer ces avantages ? (Non attribué).

1789 : Éloge du connétable Du Guesclin. (Non attribué).

1791 : Quelle serait la forme de scrutin la plus avantageuse à adopter pour assurer à la fois la liberté et la célérité des élections, quel que soit le nombre des électeurs ou des votants ? (Non attribué).


(1)Pierre Barrière ne prend pas en compte le Prix anatomie de 1717, pourtant il a bel et bien été proposé (Ms 834). Nous ne pouvons pas déterminer pour l’instant avec certitude le sujet, mais nous avons plusieurs pièces qui ont été envoyées dans le cadre de ce prix cette année-là : « Sur le cerveau d’un cochon » (Ms 828, VIII, 9 – 2 pièces), ou « La structure des tendons » (Ms 828, VIII, 10 – 4 pièces).

(2) L’abbé de la Quintine et l’abbé de la Baïsse semble cacher une seule et même personne. Pierre Barrière pense qu’il s’agit de Sarrabat. Pourtant une lettre de ce dernier accuse Mairan (Ms 828, XX, 33). À vérifier.

(3) ibidem.

(4) Prix extraordinaire non recensé par Pierre Barrière, et pourtant au programme du 13 janvier 1772. Voir Ms 1993, II.

Discours sur les motifs qui doivent nous encourager aux sciences (1725)

Bibliothèque municipale de Bordeaux, Ms 1914/II

Le texte présenté ici est celui des Œuvres complètes de Montesquieu, tome VIII (Oxford, Voltaire Foundation, 2003), Œuvres et écrits divers I, sous la direction de Pierre Rétat, p. 489-502. Il a été édité par Sheila Mason (University of Birmingham), qui en a fourni également l’introduction et l’annotation (non reproduites ici).

Pour une introduction à l’ensemble des discours académiques de Montesquieu, voir l’article de Pierre Rétat :
http://dictionnaire-montesquieu.ens-lyon.fr/index.php?id=157

Les conventions de transcription sont celles qui sont en usage dans les Œuvres complètes de Montesquieu, publiées par la Société Montesquieu, modifiées en 2007 : http://montesquieu.ens-lyon.fr/spip.php?article890

Copie autographe (il existe un autre manuscrit, copié par Lamontaigne sur celui-ci : ms 828/VI/9).

Première publication : 1796 (Montesquieu, Œuvres, Plassan, Grégoire, Régent, Bernard, t. IV, p. 298-304).

Dissertation
Ouverture de l’academie
Sur les motifs qui doivent nous encourager aux sciances en l’année 1725 au mois de 9re

La |1| grande difference qu’il y a entre les grandes nations et les peuples sauvages c’est que celles cy se sont appliquées aux arts et aux sciences et que les autres les ont absolument négligés.

C’est peut estre aux connoissances qu’elles donnent que la plus part des nations doivent leur existance.

Si nous avions les moeurs des sauvages de l’Amerique deux ou trois nations de l’Europe auroint bien tost mangé toutes les autres.

Et peut estre que quelque peuple [f. 2v] conquerant de notre monde se venteroit come les Iroquois d’avoir mangé soixante et dix nations.

Mais sans parler des peuples sauvages si un Decartes estoit venu au Mexique ou au Pérou cent ans avant Cortes et Pisarre et qu’il eut apris a ces peuples que les homes composes come ils sont ne peuvent pas estre immortels que les ressorts de leur machine s’usent come ceux de touttes les machines que les effets de la nature ne sont qu’une suitte des loix et des comunications des mouvemens Cortes avec une poignée de gens n’auroit jamais detruit l’empire du [f. 3r] Mexique ny Pisarre celui du Perou.

Qui diroit que cette destruction la plus grande dont l’histoire ait jamais parlé n’ait esté qu’un simple effet de l’ignorance d’un principe de philosophie [?] Cela est pourtant vray et je vay le prouver.

Les Mexicains n’avoint point d’armes a feu mais ils avoint des arcs et des fleches c’est a dire ils avoint les armes des grecs et des romains.

Ils n’avoint point de fer, mais ils avoint des pierres à fusil qui coupoint come du fer et qu’ils mettoint au bout de leurs armes[.] ils avoint meme une chose eccellente pour l’art militaire c’est qu’ils faisoint leurs rangs fort serres [f. 3v] et si tost qu’un soldat estoit tué il estoit soudein remplacé par un autre.

Ils avoint une noblesse genereuse et intrepide et qui estoit elevée sur les principes de celle d’Europe qui envie le destin de ceux qui meurent pour la gloire.

D’ailleurs la vaste étendüe de l’empire donnoit aux mexicains mille moyens de detruire les etrangers supposé qu’ils ne pussent pas les veincre.

Les Peruviens avoint les memes avantages [f. 4r] et meme par tout ou ils se deffendirent par tout ou ils combatirent ils le firent avec succés[.] les Espagnols penserent mesme estre exterminés par de petits peuples qui eurent la resolution de se deffendre.

D’ou vient donc qu’ils furent si facillement detruits [?] C’est que tout ce qui leur paroissoit nouveau un home barbu un cheval une arme a feu estoit pour eux l’effet d’une puissance invisible a laquelle ils se jugoint incapables de resister.

[f. 4v] Le courage ne manqua jamais aux Americains mais seulement l’esperance du succés.

Ainsi un mauvais principe de philosophie[,] l’ignorance d’une cause phisique engourdit dans un moment touttes les forces de deux grands empires.

Parmi nous l’invention de la poudre donna un si mediocre adventage a la nation qui s’en servit la premiere qu’il n’est pas [f. 5r] encore decidé laquelle eut le premier adventage.

L’invention des lunettes d’approche ne servit qu’une seule fois aux Holendois.

Nous avons apris a ne considerer dans touts ces effets qu’un pur mechanisme et par la il n’y a point d’artifice que nous ne soyons en estat d’eluder par un artifice.

Les sciences sont donc utilles [f. 5v] en ce qu’elles guerissent les peuples des prejuges destructifs, mais come nous pouvons esperer qu’une nation qui les a une fois cultivées les cultivera toujours asses pour ne pas tomber dans le degré de grossiereté et d’ignorance qui peut causer sa ruine nous allons parler des autres motifs qui doivent nous engager a nous y appliquer.

[f. 6r] Le premier c’est la satisfaction interieure que l’on ressent, lors qu’on voit augmenter l’eccellence de son estre et que l’on rend plus intelligent un estre intelligent.

Le second c’est une certeine curiosité naturelle que l’on dit que |touts|les homes ont par tout et qui n’a jamais esté si raisonable que dans ce siecle cy[.] nous entendons dire touts les jours que les bornes de |s| nos conoissances des homes viennent d’estre infiniment reculées que les scavans sont etonés de se trouver si savans et que la grandeur des succes les a fait quelque fois doutter de la verité des succés pouvons [f. 6v] quoy nous ne prendrons |nous| aucune part à ces bonnes nouvelles [?] Nous scavons |en general| que l’esprit humain est allé très loin ne voulons |ne scacho verrons| nous pas [mot biffé non déchiffré] jusques ou il est allé a esté le chemin qu’il a fait le chemin qu’il peut faire lui reste a faire les conoissances qu’il se flatte celles qu’il embitione celles qu’il desespere d’acquerir

Un troisieme motif qui doit nous encourager aux sciances c’est l’esperance |bien fondée| d’y reussir[.] ce qui rend les decouvertes de ce siecle cy admirables ce ne sont pas des verites simples qu’on a trouvées mais des methodes pour les decouvrir trouver ce n’est pas une pierre de l’edifice mais les instrumens et les machines pour le batir tout entier.

[f. 7r] Un home se vente d’avoir de l’or un autre se vente d’e|n| scavoir le faire certeinement le veritable riche seroit celui qui scauroit faire de l’or.

Un quatrième motif c’est notre propre bonheur[.] l’amour de l’etude est presque |en nous| la seule passion æternelle touttes les autres nous quittent a mesure que cette miserable machine qui nous les donne s’approche de sa ruine.

L’ardente et impetueuse jeunesse qui vole de plaisirs en plaisirs peut quelque fois nous en |les| donner de purs parce qu’avant d’avoir eu le tem que nous ayons eu le temps de sentir les peines [f. 7v] de l’un elle nous fait joüir de l’autre mais dans l’age qui la suit les sens peuvent quelque fois nous offrir des voluptes mais |presque| jamais des plaisirs.

C’est pour lors que nous sentons que notre ame est la principalle partie de nous meme et come si la cheine qui l’attache aux sens estoit rompuë ches elle seule sont les sont les p[l]aisirs mais chaquuns |touts| independans.

Que si dans

|Que| si dans ce temps nous ne donnons point a notre ame des occupations qui lui conviennent cette ame faitte pour estre occupée et qui ne l’est point tombe dans un ennuy qui semble nous mener a l’aneantissement [f. 8r] que |et| si revoltés contre la nature nous nous obstinons a chercher des plaisirs qui ne sont point faits pour nous ils semblent nous fuir a mesure que nous en approchons.

Une jeunesse folatre triomphe de son bonheur et nous insulte sans cesse come elle sent touts ses advantages elle nous les fait sentir dans les assemblées les plus vives toutte la joye est pour elle et pour nous les regrets.

L’etude nous guerit de ces inconvenients et les plaisirs qu’elle nous donne ne nous advertissent point que nous vieillissons.

[f. 8v] Faisons nous |donc| |Il faut se faire| un bonheur qui nous suive dans touts les ages[.] la vie est si courte que l’on doit conter pour rien une foelicité qui ne dure pas autant que nous.

La vieillesse oisive est la seule qui soit a charge[.] en elle meme elle ne l’est point car si elle nous dégrade dans un certein monde elle nous accreditte dans un autre

Ce n’est point le vieillart qui est insuportable c’est l’home; c’est l’home qui s’est mis dans la necessité de perir d’ennuy ou d’aller de societés en societés ralentir touts les plaisirs(1).

[f. 9r] Un autre motif qui doit nous engager a nous appliquer a l’estude c’est l’utilité que peut en retirer la societé dont nous faisons faisons partie[.] nous pouv|rr|ons joindre a tant de comodités que nous avons bien des comodités que nous n’avons pas encore[.] le commerce la navigation l’astronomie la geographie la medecine la phisique ont recu mille advantages des travaux de ceux qui nous ont precedés [.] n’est ce pas un beau dessein que de travailler a laisser apres [f. 9v] nous les homes plus heureux que nous ne l’avons esté?

Nous ne nous pleindrons point come un courtisan de Néron de l’injustice de touts les siecles envers ceux qui ont fait fleurir les sciences et les arts Miron qui fere hominum animas foerarumque ære deprehenderat non invoenit heredem notre siecle est bien peut estre aussi ingrat qu’un autre mais la posterité nous rendra justice, et payera les detes de la generation præsente.

[f. 10r] On pardonne au negotian riche par le retour de ses vaisseaux de rire de l’inutilité de celui qui l’a conduit come par la main dans des mers immenses [.] on consent qu’un guerrier orgueilleux chargé d’honneurs et de tittres meprise les Archimedes de nos jours qui ont mis son courage en oeuvre [.] les homes qui de dessein formé sont utiles a la société les gens qui l’aiment veulent bien estre traités [f. 10v] come s’ils lui estoint a charge.

Tout le monde

Apprés avoir parlé des sciences il nous reste a parler |nous dirons un mot| des belles lettres

Les livres de pur esprit come ceux de poesie et d’eloquence ont au moins des utilites generalles et ces sortes d’avantages sont souvent plus grands que des avantages particuliers.

Nous apprenons dans les livres de pur esprit l’art d’ecrire c’est a dire l’art de rendre nos idées de les exprimer noblement vivement avec [f. 11r] |force avec| grace avec ordre et avec cette varieté qui delasse l’esprit.

Il n’y a persone qui n’ait vu en sa vie des gens qui appliqués a leur art auroint pu le pousser tres loin, mais qui fautte d’education incapables egallement de rendre une idée et de la suivre perdoint tout l’adventage de leurs traveaux et de leurs talens.

Toutes| Les sciences se tiennent pour ainsi dire |se touchent les unes les autres| les belles-lettres tiennent aux sciences comme les sciences se tiennent entre elles car elles aboutissent toutes les [f. 11v] unes aux autres [f. 11r] les plus abstraites ont [un mot non déchiffré] coté quelque coté qui aboutit|ssents| a celles qui le sont moins+ et touttes ensemble et le corps entier des sciances tient aux belles-lettres tout}(2)

[f. 11v] Les sciences se touchent les unes les autres les plus abstraites aboutissent a celles qui le sont moins et le corps des sciences tient tout entier aux belles lettres

Or les sciences gagnent beaucoup a estre traitees d’une maniere ingenieuse et delicate c’est par la qu’on en otte la secheresse qu’on previent la lassitude et qu’on les met a la portée de touts les esprits

Si le pere Malbranche avoit esté un ecrivain moins enchanteur sa philosophie seroit restée dans le fonds d’un colege come dans un espece de |un espece de| monde souterrein.

[f. 12r] Il y a des cartesiens qui n’ont jamais lu que Les mondes de Mr de Fontenelle aussi c’est le livre le plus serieux que la plus part des gens puissent lire ils ont choisi ce livre et peut estre étoit ce le plus serieux qu’ils fussent en estat de lire+ cet ouvrage est plus utile qu’un ouvrage plus fort parce que c’est le plus serieux que la plus part des gens soient en estat de lire.+ Il ne faut pas juger de l’utilité d’un ouvrage par le stile que l’autheur a choisi. Souvent un autheur |>on| a dit gravement des choses pueriles souvent souvent il |on| a dit en badinant des verités tres serieuses

Mais independament de ces considerations un livre | qui recrée l’esprit des honettes gens n’est pas un ouvrage inutile| ne sont pas inutiles| [f. 12v] de pareilles lectures sont les amusemens des gens du monde les plus innocens |les plus innocens des gens du monde| puis qu’ils suppleent presque toujours au jeu aux debauches aux conversations medisentes aux projets et aux demarches de l’ambition.


(1) En marge, une note dont plusieurs mots ne peuvent être déchiffrés (ici signifiés par des points de suspension) : “de ces petites modes qu… qu’un… qui mortifient”.

(2) L’ensemble de ce paragraphe a été biffé.

Discours sur l’usage des glandes rénales
suivi de quatre résomptions
(1718)

Bibliothèque municipale de Bordeaux, Ms 828/VI/7

Le texte présenté ici est celui des Œuvres complètes de Montesquieu, tome VIII (Oxford, Voltaire Foundation, 2003), Œuvres et écrits divers I, sous la direction de Pierre Rétat, p. 157-163. Il a été édité par Lorenzo Bianchi (Université L’Orientale, Naples), qui en a fourni également l’introduction et l’annotation (non reproduites ici).

Nous reproduisons aussi quatre résomptions lues par Montesquieu le même jour.

Pour une introduction à l’ensemble des discours académiques de Montesquieu, voir l’article de Pierre Rétat : http://dictionnaire-montesquieu.ens-lyon.fr/index.php?id=157

Les conventions de transcription sont celles qui sont en usage dans les Œuvres complètes de Montesquieu, publiées par la Société Montesquieu, modifiées en 2007 : http://montesquieu.ens-lyon.fr/spip.php?article890

Copie non autographe. De ce fait, nous n’avons pas reproduit ici les (rares) accidents de plume ou biffures, qui ne sont dus qu’au copiste ; nous ne signalons pas non plus les corrections introduites sur le manuscrit par les premiers éditeurs.

Premières publications : 1796 pour le Discours (Montesquieu, Œuvres, Plassan, Grégoire, Régent, p. 260-267 ; 1955 pour les résomptions (Montesquieu, Œuvres complètes, Nagel, t. III, p. 83-86, Xavier Védère éd.).

Discours prononcé à la conference publique de l’académie le 25. aoüt 1718. par Monsieur de Montesquieu

[f. 2r] Discours prononcé a la conference publique de l’academie le 25. aoüt 1718.

On a dit ingenieusement que les recherches anatomiques sont une hymne merveilleuse a la loüange du Createur.

C’est en vain que le libertin voudroit revoquer en doute une divinité qu’il craint, il est lui-même la plus forte preuve de son existence ; il ne peut faire la moindre attention sur sa machine, qui ne soit un argument invincible qui l’afflige

Hæret lateri lethalis arundo.

La plûpart des choses ne paroissent exträordinaires que parce qu’elles ne sont point connües ; le merveilleux tombe presque toujours a mesure qu’on s’en aproche ; on a pitié de soi-même ; on a honte d’avoir admiré : il n’en est pas de même de la machine du corps humain ; le philosophe s’étonne, et trouve l’immense grandeur de Dieu dans l’action d’un muscle comme dans le debroüillement du chäos.

Quand on etudie le corps humain ; qu’on se rend familieres les loix immuables qui s’observent dans ce petit empire ; qu’on considere ce nombre inombrable de parties, qui travaillent toutes pour le bien commun ; ces esprits animaux si imperieux, et si obeissans ; ces mouvemens si soumis, et quelquefois si libres ; cette volonté qui commande en reine, et qui obeït en esclave ; ces periodes si reglés ; cette machine si simple dans son action, et si composée dans ses ressorts ; cette reparation continuelle de force et de vie ; ce merveilleux de la reproduction et de la generation ; toujours de nouveaux secours a de nouveaux besoins : quelles grandes idées de sagesse et d’economie!

[f. 2v] Dans ce nombre prodigieux de parties, de veines, d’arteres, de vaisseaux limphatiques, de cartilages, de tendons, de muscles, de glandes, on ne sauroit croire qu’il y ait rien d’inutile : tout concourt pour le bien du sujet animé ; et s’il y a quelque partie dont nous ignorions l’usage, nous devons avec une noble inquietude chercher a le decouvrir.

C’est ce qui avoit porté l’academie a choisir pour sujet l’usage des glandes renales, ou capsules atrabilaires, et d’encourager les savans a travailler sur une matiere, qui malgré les recherches de tant d’auteurs, etoit encor toute neuve, et sembloit avoir eté jusques ici plutôt l’objet de leur desespoir, que de leurs connoissances.

Je ne ferai point ici une description exacte de ces glandes, a moins de dire ce que tant d’auteurs ont deja dit : tout le monde sait qu’elles sont placées un peu au-dessus des reïns entre les emulgentes, et les troncs de la veine cave et de la grande artere.

Si l’on veut voir des gens bien peu d’accord, on n’a qu’a lire les auteurs qui ont traité de leur usage : elles ont produit une diversité d’opinions qui est un argument presque certain de leur fausseté : dans cette confusion chacun avoit sa langue, et l’ouvrage resta imparfait.

Les premiers qui en ont parlé les ont faites d’une condition bien subalterne, et sans leur vouloir permettre aucun rôle dans le corps humain, ils ont cru qu’elles ne servoient qu’a apuyer differentes parties circonvoisines ; les uns ont pensé qu’elles avoient eté mises la pour soutenir le ventricule qui auroit trop porté sur les emulgentes : d’autres pour affermir le plexus nerveux qui les touche : prejugés echapés des anciens qui ignoroient l’usage des glandes.

[f. 3r] Car si elles ne servoient qu’a cet usage, a quoi bon cette structure admirable dont elles sont formées ? Ne suffiroit-il pas qu’elles fussent comme une espece de masse informe Rudis indigestaque moles ; seroit-ce comme dans l’architecture, ou l’art enrichit les pilastres mêmes et les colonnes ?

Gaspart Bartolin est le premier qui leur otant une fonction si basse, les a renduës plus dignes de l’attention des savans.

Il croit qu’une humeur qu’il apelle atrabile est conservée dans leurs cavités : pensée affligeante qui met dans nous-mêmes un principe de melancolie et semble faire des chagrins et de la tristesse une maladie habituelle de l’homme.

Il croit qu’il y a une communication de ces capsules aux reins, ausquels cette humeur atrabilaire sert pour le dilaïement des urine : mais comme il ne montra pas cette communication, on ne l’en crut point sur sa parole ; on jugea qu’il ne suffisoit pas d’en demontrer l’utilité, il faloit en prouver l’existence ; et que ce n’etoit pas assés de l’annoncer, il faloit encor la faire voir.

Il eut un fils illustre qui travaillant pour la gloire de sa famille, voulut soutenir un sistême que son pere avoit plutôt jetté qu’etabli, et le regardant comme son heritage, il s’attacha a le reparer.

Il crut que le sang sortant des capsules etoit conduit par la veine emulgente dans les reins : mais comme il sort des reins par la même veine, il y a la deux mouvemens contraires qui s’entr’empêchent : Bartolin pressé par la difficulté soutenoit que le mouvement du sang venant des reins pouvoit etre facilement surmonté par [f. 3v] cette humeur noire et grossiere qui coule des capsules : ces hipotêses et bien d’autres semblables ne peuvent etre tirées que des tristes debris de l’antiquité, et la saine phisique ne les avoüe plus.

Un certain Petruccio sembloit avoir aplani toute la difficulté : il dit avoir trouvé des valvules dans la veine des capsules, qui bouchent le passage de la glande dans la veine cave, et s’ouvrent du côté de la glande ; de maniere que la veine doit faire la fonction de l’artere, et l’artere faisant celle de la veine, porte le sang par l’artere emulgente dans les reins.

Il ne manquoit a cette belle decouverte qu’un peu de verité : l’Italien vit tout seul ces valvules singulieres, mille corps aussi tôt dissequés furent autant de temoins de son imposture : aussi ne joüit-il pas long tems des aplaudissemens, et il ne lui resta pas une seule plume.

Aprés cette chute, la cause des Bartolins parut plus desesperée que jamais : ainsi les laissant a l’ecart, je vais chercher quelques autres hipotêses.

Les uns pretendirent que ces capsules ne pouvoient avoir d’autre usage que de recevoir les humidités qui suintent des grands vaisseaux, qui sont autour d’elles : d’autres que l’humeur qu’on y trouve, etoit la même que le suc lactée qui se distribuë par les glandes du mesentere.

D’autres qu’il se formoit dans ces capsules un suc bilieux, qui etant porté dans le coeur, et se mêlant avec l’acide qui s’y trouve, excite la fermentation, principe du mouvement du coeur.

Voila ce qu’on avoit pensé sur les glandes renales, lorsque l’academie publia son programe, le mot fut donné par tout, la curiosité fut irritée, les savans sortis d’une espece de letargie, voulurent tenter encor, et prenant [f. 4r] tantôt des routes nouvelles, tantôt suivant les anciennes, ils chercherent la verité, peut-etre avec plus d’ardeur que d’esperance.

Plusieurs d’entr’eux n’ont eu d’autre merite que celui d’avoir senti une noble emulation : d’autres plus feconds n’ont pas eté plus heureux : mais ces efforts impuissans, sont plutôt une preuve de l’obscurité de la matiere, que de la sterilité de ceux qui l’ont traitée.

Je ne parlerai point de ceux dont les dissertations arrivées trop tard, n’ont pu entrer en concours : l’academie qui leur avoit imposé des loix, qui se les etoit imposées a elle-même, n’a pas cru devoir les violer : quand ces ouvrages seroient meilleurs, ce ne seroit pas la premiere fois que la forme toujours inflexible et severe, auroit prevalu sur le merite du fonds.

Nous avons trouvé un auteur qui admet deux especes de bile, l’une grossiere qui se separe dans le foye, l’autre plus subtile qui se separe dans les reins avec l’aide du ferment qui coule des capsules par des conduits que nous ignorons, et que nous sommes mêmes menacés d’ignorer toujours : mais comme l’academie veut etre eclaircie et non pas decouragée, elle ne s’arrête point a ce sistême.

Un autre a cru que ces glandes servoient a filtrer cette limphe epaissie, ou cette graisse qui est autour des reins, pour etre ensuite versée dans le sang.

Un autre nous decrit deux petits canaux qui portent les liqueurs de la cavité de la capsule dans la veine qui lui est propre : cette humeur que bien des experiences font juger alkaline, sert selon lui a donner de la fluidité au sang qui revient des reins, aprés s’etre separé de la serosité qui compose l’urine.

[f. 4v] Cet auteur n’a que de trop bons garans de ce qu’il avance : Sylvius, Manget, et d’autres avoient eu cette opinion avant lui. L’academie qui ne sauroit souffrir les doubles emplois, qui veut toujours du nouveau, qui est comme un avare, qui par l’avidité qu’il a d’acquerir toujours de nouvelles richesses, semble compter pour rien celles qui sont deja acquises, n’a point couronné ce sistême.

Un autre qui a assez heureusement donné la difference qu’il y a entre les glandes conglobées et les conglomerées, a mis celles-ci au rang des conglobées : il croit qu’elles ne sont qu’une continuité de vaisseaux, dans lesquels comme dans des filieres le sang se subtilise ; c’est un peloton formé par les rameaux de deux vaisseaux limphatiques, l’un deferent, et l’autre referent : il juge que c’est le deferent qui porte la liqueur, et non pas l’artere, parce qu’il l’a vû beaucoup plus gros : cette liqueur est reprise par le referent, qui la porte au canal torachique, et la rend a la circulation generale : dans ces glandes et dans toutes les conglobées il n’y a point de canal excretoire, car il ne s’agit pas ici de separer des liqueurs, mais seulement de les subtiliser.

Ce sistême par une aparence de vrai qui seduit d’abord, a attiré l’attention de la compagnie, mais il n’a pu la soutenir : quelques membres ont proposé des objections si fortes, qu’ils ont detruit l’ouvrage, et n’y ont pas laissé pierre sur pierre : j’en raporterai ici quelques-unes, et quant aux autres, je laisserai a ceux qui me font l’honneur de m’entendre, le plaisir de les trouver eux-mêmes.

Il y a dans les capsules une cavité : mais bien loin de servir a subtiliser la liqueur, elle est au contraire tres propre a l’épaissir, et a en retarder le mouvement. Il y a dans ces cavités un sang noiratre et epais ; [f. 5r] ce n’est donc point de la limphe, ni une liqueur subtilisée : il y a d’ailleurs de tres grands embarras a faire passer la liqueur du deferent dans la cavité, et de la cavité dans le referent : de dire que cette cavité est une espece de coeur, qui sert a faire fermenter la liqueur, et la foüetter dans le vaisseau referent, cela est avancé sans preuve, et on n’a jamais remarqué de battement dans ces parties plus que dans les reins.

On voit par tout ceci que l’academie n’aura pas la satisfaction de donner son prix cette année, et que ce jour n’est point pour elle aussi solennel qu’elle l’avoit esperé : voila ce qui s’apelle un refait : par les experiences et les dissections qu’elle a fait faire sous ses yeux, elle a connu la difficulté dans toute son etenduë, et elle a apris a ne point s’etonner de voir que son objet n’ait pas eté rempli ; le hazard fera peut-etre quelque jour ce que tous ses soins n’ont pû faire. Ceux qui font profession de chercher la verité ne sont pas moins sujets que les autres aux caprices de la fortune ; peut-etre que ce qui a couté aujourd’hui tant de sueurs inutiles, ne tiendra pas contre les premieres réflexions d’un auteur plus heureux : Archimede trouva dans les delices d’un bain le fameux probleme que ces longues meditations avoient mille fois manqué ; la verité semble quelquefois courir au-devant de celui qui la cherche ; souvent il n’y a point d’intervalle entre le desir, l’espoir, et la joüissance : les poëtes nous disent que Pallas sortit sans douleur de la tête de Jupiter, pour nous faire sentir sans doute que les productions de l’esprit ne sont pas toutes laborieuses.

[f. 5v] Resomption de la dissertation de Mr. de Caupos, sur les taches des enfans, apellées envies

L’imagination agit sans cesse sur nous, tantôt elle nous joüe, tantôt elle nous tirannise.

Mais l’on peut dire avec raison que l’empire de la credulité n’est pas moins universel que le sien.

Ce qu’on nous dit de ces envies ou de ces taches que l’imagination des meres produit, toujours semblables aux objets dont elles sont frapées, est-il croyable ? Ne guerira-t’on jamais de cette erreur populaire ? Faut-il mettre les femmes dans cette necessité de ne rien desirer, ou de satisfaire tous leurs desirs ?

En effet le peuple n’est-il pas etrange ? Il se fait des prejugés, et il pretend que le philosophe les lui explique, qu’il entre en part du ridicule avec lui, en s’exerçant a chercher la cause d’un effet qui n’est point, et qui ne sauroit etre.

Veut-on que vous ayez recours aux idées seminales pour expliquer tant d’etranges simpaties, et qu’avec le docte Etmuller vous alliés vous jetter dans l’inconcevable mistere de l’esprit influant et de l’esprit implanté ? Non, Monsieur, vous avés pris un meilleur parti, en soulageant la philosophie des erreurs populaires, c’est autant d’affaires de moins que vous aurés sur les bras.

Laissés donc a l’imagination ses droits legitimes, mais retranchés-lui ceux qu’on usurpe pour elle, et tandis que le peuple s’amusera a raconter des histoires qu’il croit uniquement pour avoir le plaisir de s’etonner, marqués-nous precisément jusqu’a quel point nous devons douter, et quelles sont les bornes de la foi humaine.

[f. 6r] Resomption de l’observation de Monsieur Doazan, sur un enfant né sans cerveau

Un membre de cette compagnie a mis en question si l’on pouvoit vivre sans respirer ; selon vous, Monsieur, on peut bien se passer de cerveau.

Si ce qu’on nous dit de quelques gens dont le coeur dur et calleux ne pouvoit plus faire ses battemens, etoit vrai, ou en serions-nous ?

De pareilles observations derangent plus de sistêmes que les philosophes n’en sauroient faire en un siecle.

Le pere Malbranche a seché trente ans pour nous faire comprendre l’harmonie des idées, et des traces qui produisent l’imagination et la memoire : mais ce beau sistême tombe en ruine devant votre observation.

Il faut recommencer a expliquer tout ce qui a du raport a l’union de l’ame et du corps, et aux facultés relatives de ces deux substances.

Il faut regarder le cerveau comme une vile glande uniquement occupée à separer quelques serosités.

Cependant, monsieur, voyés quelles gens ce sont que les philosophes ; quoique vous veniés ravager nos terres, vous nous voyés tous prêts a vous remercier, et a vous rendre graces du desordre même que vous y faites.

[f. 6v] Resomption de la dissertation de monsieur de Sarrau, sur les coquillages de Ste Croix-du-Mont

La matiere que vous avés si bien traitée, monsieur, est bien propre a exercer les savans ; que ce soit des fossiles, que ce soit de veritables huitres, on trouve des difficultés par tout.

Il n’y a rien de plus fort que les raisons que vous allegués en faveur de votre opinion, et vous vous gardés bien de faire comme ceux qui, au lieu d’envisager dans le deluge la colere de Dieu sur les hommes, s’en servent seulement pour expliquer ces sortes d’effets.

Au reste, monsieur, on n’est point en droit de vous demander ici des demonstrations ; c’est assés dans une matiere si obscure d’avoir de si heureuses vraisemblances. La doctrine des opinions probables n’est pas moins reçuë parmi les philosophes que parmi les theologiens : si elle porte une douce paix dans le coeur au gré des uns, elle met en repos l’esprit des autres ; quand on ne peut pas bien s’assûrer de la verité, il est bon d’avoir quelque chose qui lui ressemble.

[f. 7r] Resomption de l’observation de monsieur l’abé Belet, sur la fleur de la vigne

Monsieur

La compagnie accoutumée a vous voir traiter des sujets d’érudition, vous voit aujourd’hui avec plaisir et phisicien et observateur : ne croyés pas cependant avoir rien perdu par ce changement auprés des muses ; c’est une ancienne injustice des poëtes de vouloir s’emparer de ces divinités, et les occuper toutes a leur inspirer quelques vers, et a leur dicter quelque histoire, sans se soucier des philosophes, qu’ils regardent comme incapables d’aprendre d’elles l’art de plaire.

On peut comparer la vigne dans cette province-cy, a cette matiere avec laquelle les alchimistes se vantent de faire de l’or ; cette matiere que tout le monde voit, que tout le monde touche, que tout le monde foule a ses pieds, qui est au pauvre comme au riche, et que pourtant personne ne connoit. Vous nous avés fait voir, monsieur, que les choses les plus communes ont des secrets pour le peuple, qui ne se decouvrent qu’aux observateurs exacts comme vous.

Discours sur la cause de l’écho
suivi de deux résomptions

Bibliothèque municipale de Bordeaux, Ms 828/III/2

Le texte présenté ici est celui des Œuvres complètes de Montesquieu, tome VIII (Oxford, Voltaire Foundation, 2003), Œuvres et écrits divers I, sous la direction de Pierre Rétat, p. 147-156. Il a été édité par Pierre Rétat (université de Lyon 2) ; Alberto Postigliola (Université L’Orientale, Naples) en a fourni l’introduction et l’annotation (non reproduites ici)

Pour une introduction à l’ensemble des discours académiques de Montesquieu, voir l’article de Pierre Rétat :
http://dictionnaire-montesquieu.ens-lyon.fr/index.php?id=157

Les conventions de transcription sont celles qui sont en usage dans les Œuvres complètes de Montesquieu, publiées par la Société Montesquieu, modifiées en 2007 : http://montesquieu.ens-lyon.fr/spip.php?article890

Copie non autographe. De ce fait, nous n’avons pas reproduit ici les (rares) accidents de plume ou biffures, qui ne sont dus qu’au copiste ; nous ne signalons pas non plus les corrections introduites sur le manuscrit par les premiers éditeurs.

Premières publications : 1796 pour le Discours (Montesquieu, Œuvres, Plassan, Grégoire, Régent, Bernard, t. IV, p. 245-248) ; 1821 pour la résomption du mémoire de Cardoze (J.-F. Laterrade, Flore bordelaise, Bordeaux, art. « Fritillaria », p. 197 ; 1955 pour celle du mémoire de Doazan (Montesquieu, Œuvres complètes, Nagel, t. III, p. 74-75, Xavier Védère éd.).

Discours prononcé a l’academie le 1er may 1718 par Monsieur le president de Montesquieu.

1o Le jour de la naissance d’Auguste il naquit un laurier dans le palais, des branches duquel on couronnoit ceux qui avoient merité l’honneur du triomphe.

Il est né, Messieurs, des lauriers avec cette academie, et elle s’en sert pour faire des couronnes aux sçavans ; il n’est point de climat si reculé d’ou l’on ne brigue ses suffrages ; depositaire de la reputation, dispensatrice de la gloire, elle trouve du plaisir a consoler les philosophes de leurs veilles, et les vanger pour ainsi dire de l’injustice de leur siecle, et de la jalousie des petits esprits.

Les dieux de la fable dispensoient differemment leurs faveurs aux mortels, ils accordoient aux ames vulgaires une longue vie ; des plaisirs ; des richesses ; les pluïes et les rosées etoient les recompenses des enfans de la terre ; mais aux ames plus grandes et plus belles, ils reservoient la gloire, comme le seul present digne d’elles.

[f. 2v] C’est pour cette gloire que tant de beaux genies ont travaillé, et c’est pour vaincre, et vaincre par l’esprit, cette partie de nous mêmes la plus celeste et la plus divine.

Qu’un triomphe si personel a de quoi flater ? On a vû des grands hommes uniquement touchez des succez qu’ils devoient a leur vertu , regarder comme etrangeres toutes les faveurs de la fortune. On en a vû tous couverts des lauriers de Mars, jaloux de ceux d’Apollon, disputer la gloire d’un poëte et d’un orateur.

Tantus amor laudum, tantæ est victoria curæ Virg. Georg. 3.

Lorsque ce grand cardinal a qui une illustre academie doit son institution , eut vû l’autorité royale affermie, les ennemis de la France consternez, et les sujets du roi rentrez dans l’obeissance, qui n’eut pensé que ce grand homme etoit content de lui-même ? Non ; pendant qu’il etoit au plus haut point de sa fortune, il y avoit dans Paris, au fond d’un cabinet obscur un rival secret de sa gloire ; il trouva dans Corneille un nouveau rebelle qu’il ne put soumettre ; c’etoit assez qu’il eut a soutenir la superiorité d’un autre genie, et il n’en falut pas davantage pour [f. 3r] lui faire perdre le goût d’un grand ministere, qui devoit faire l’admiration des siecles a venir .

Quelle doit donc etre, Messieurs, la satisfaction de celui, qui, vainqueur de tous ses rivaux se trouve aujourd’hui couronné par vos mains ?

Le sujet proposé etoit plus difficile a traiter qu’il ne paroit d’abord: c’est en vain qu’on pretendroit reussir dans l’explication de l’echo, c’est-a-dire du son reflechi, si l’on n’a une parfaite connoissance du son direct: c’est encor en vain que l’on iroit chercher du secours chez les anciens aussi malheureux sans doute dans leurs hipotêses, que les poëtes dans leurs fictions, qui attribuêrent l’effet de l’echo aux malheurs d’une nimphe causeuse , que Junon irritée changea en voix pour avoir amusé sa jalousie, et par la longueur de ses contes (artifice de tous les temps) l’avoir empechée de surprendre Jupiter dans les bras de ses maitresses.

Tous les philosophes conviennent generalement que la cause de l’echo doit etre attribuée a la reflexion des sons, ou de cet air, qui frapé par le corps sonore, va ebranler l’organe de l’ouïe. [f. 3v] Mais s’ils conviennent en ce point, on peut dire qu’ils ne vont pas long tems de compagnie, que les détails gâtent tout et qu’ils s’accordent bien moins dans les choses qu’ils entendent, que dans celles qu’ils n’entendent pas.

Et premierement si cherchant la nature du son direct, on leur demande de quelle maniere l’air est poussé par le corps sonore ? les uns diront que c’est par un mouvement d’ondulation, et ne manqueront pas d’alleguer l’analogie de ces ondes avec celles qui sont produites dans l’eau par une pierre qu’on y jette : mais les autres a qui cette comparaison paroit suspecte, commenceront dés ce moment a faire secte a part ; et on les feroit plutôt renoncer au titre de philosophe que de leur faire passer l’existence de ces ondes dans un corps fluide tel qu’est l’air, qui ne fait point comme l’eau une surface plane étendue sur un fond ; sans compter que dans ce sisteme on devroit, disent-ils, entendre plusieurs fois le même coup de cloche, puisque la même impression forme plusieurs cercles et plusieurs ondulations.

Ils aiment donc mieux admettre des rayons directs qui vont, sans se detourner de la bouche de celui qui parle a l’oreille de celui qui entend ; il suffit que l’air [f. 4r] soit pressé par le ressort du corps sonore, pour que cette action se communique .

Que si considerant le son par raport a la vitesse, on demande a tous ces philosophes, pourquoi il va toujours egalement vite, soit qu’il soit grand, soit qu’il soit foible ; et pourquoi un canon qui est a 171 toises de nous, demeurant une seconde a se faire entendre, tout autre bruit quelque foible qu’il soit ne va pas moins vite ? on trouvera le moyen de se faire respecter, et on les obligera, ou a avouer qu’ils en ignorent la raison, ou du moins on les reduira a entrer dans de grands raisonnemens, ce qui est precisement la même chose.

Que si l’on entre plus avant en matiere, et qu’on vienne a les interroger sur la cause de l’echo, la cohuë repondra tout d’abord que la reflection suffit , et on verra d’un autre côté un seul homme qui repond qu’elle ne suffit pas: peut-etre goutera-t-on ses raisons, sur tout si on peut se defaire de ce prejugé, un contre tous.

Or de ceux qui n’admettent que la reflection seule, les uns diront que toutes sortes de reflections [f. 4v] produisent des echos, et en admettront autant que de sons reflechis ; les murailles d’une chambre, disent-ils, feroient entendre un echo, si elles n’etoient trop proches de nous, et ne nous envoyoient le son reflechi dans le même instant que notre oreille est frapé par le son direct ; selon eux tout est rempli d’echos, Jovis omnis plena ; vous diriez que comme Heraclite ils admettent un concert et une harmonie dans l’univers qu’une longue habitude nous derobe ; d’autant mieux que, la reflection etant souvent dirigée vers des lieux différens de celui ou se produit le son, parce qu’elle se fait toujours par un angle egal a celui d’incidence, il arrive souvent que l’echo ne rend point les sons a celui qui les envoye ; cette nimphe ne repond pas toujours a ceux qui lui parlent ; il y a des occasions ou sa voix est meconnuë de ceux même qui l’entendent ; ce qui pourroit peut-etre servir a faire cesser bien du merveilleux, et a rendre raison de ces voix entenduës en l’air, que Rome, cette ville des sept montagnes, mettoit si souvent au nombre des prodiges.

Visi etiam audire vocem ingentem ex summi cacuminis loco Tit. Liv. 1.1.

[f. 5r] Spreta vox de cœlo emissa Id. 1.5.

Templo sospitæ Junonis ingentem strepitum exortum. Id. 1.31.

Silentio proximæ noctis ex sylvâ arsia ingentem editam vocem. Id. 1.2.

Vocesque feruntur

Auditi sanctis et verba minantia lucis. Ovid.

Mais les autres qui ne croient pas la nature si liberale, veulent des lieux et des situations particulieres, ce qui fait qu’ils varient infiniment et dans la disposition de ces lieux, et dans la maniere dont se font les reflections a cet egard.

Avec tout ceci on n’est pas fort avancé dans la connoissance de la cause de l’echo: mais enfin un philosophe est venu , qui ayant etudié la nature dans sa simplicité, a eté plus loin que les autres: les decouvertes admirables de nos jours fur la dioptrique et la catoptrique ont eté comme le fil d’Ariane qui l’ont conduit dans l’explication de ce phenomene des sons: chose admirable ! il y a une image des sons comme il y a une image des objets aperçus : cette image est formée par la réunion des rayons sonores ; comme dans l’optique ; l’image est [f. 5v] formée par la reünion des rayons visuels : on jugera sans doute par la lecture qui va se faire que l’Academie n’a pû se refuser a l’auteur de cette decouverte, et qu’il merite de joüir de ses suffrages, et de la liberalité du protecteur.

Cependant je ne puis passer ici une difficulté commune a tous les sistêmes, et qui dans la satisfaction ou nous etions d’avoir contribué a donner quelque jour a un endroit des plus obscurs de la phisique, n’a pas laissé que de nous humilier. On comprend aisement que l’air qui a deja produit un son, rencontrant un rocher un peu eloigné, est reflechi vers celui qui parle, et reproduit un nouveau son, ou un echo : mais d’ou vient que l’echo repete precisément la même parole, et du même ton qu’elle a eté prononcée ? comment n’est-il pas tantôt plus aigu tantôt plus grave ? comment la surface raboteuse des rochers ou autres corps reflechisasns ne change-t-elle rien au mouvement, que l’air a deja reçu pour produire le son direct ? je sens la difficulté, et plus encore mon impuissance de la resoudre.

[f. 6r] 2o Resomption sur l’observation de Monsieur Cardose touchant le frittillaria aquitanica.

On a sujet de s’etonner qu’il y ait si peu de phisiciens, puisque pour le devenir, il semble qu’il ne faille que des yeux.

Par exemple on a rempli les devoirs d’un bon botaniste, lorsqu’on a rassemblé ce que la nature a repandu dans les campagnes, et qu’on a sçu distinguer ce que le vulgaire laisse confondu parmi les gazons.

Nous voyons Mr avec plaisir votre frittillaria aquitanica ; la rareté de cette plante dans le païs même dont elle porte le nom, nous a fait penser qu’elle avoit eté tres negligée, et qu’elle avoit besoin de vous pour acquerir quelque reputation. Vous la cherchiez depuis long tems, elle vous manquoit, et il sembloit que vous vous trouvassiez dans une espece d’indigence: il ne faut pas grand chose pour faire la fortune d’un philosophe ; les richesses qu’il cherche sont peu enviées, grace au mauvais goût des hommes, qui n’en connoissent pas le prix.

[f. 6v] 3o Resomption sur une observation de Monsieur Doasan.

La plûpart des insectes passent l’hiver sans nourriture et dans une espece d’engourdissement, ce qui me semble assez difficile à expliquer: car, ou les liqueurs circulent dans les vaisseaux pendant ce tems-la, ou non ; si elles circulent, il faut qu’elles se separent, etant impossible qu’elles soient si long tems en mouvement sans se dissiper: mais si elles ne circulent pas, la corruption est inevitable.

Ce qu’il y a de singulier dans votre observation, Mr, c’est que cet insecte a toujours paru animé, et a poussé une vie languissante beaucoup plus loin que vous n’aviez sujet d’attendre, quoique vous n’ignorassiez pas ce grand nombre d’observations ramassées par Paul Lentulus dans son livre De prodigiosis inediis , et que cet ouvrage de Paul Licetus, qui n’auroit pas été moins bon quand il ne l’auroit pas intitulé De feriis altricis animæ, [f. 7] des fètes ou jeûnes de l’ame nutritive , ne vous fût pas inconnu.

Continues, Mr, vos observations ; il y a des gens pour lesquels une experience n’est qu’une experience, pour d’autres c’est le germe qui en produit une infinité ; l’Academie regarde celle-ci comme une promesse d’une moisson future, et pour ainsi dire, comme le terme d’ou vous partez pour aller plus loin ; elle doit vous remercier en même tems, et de ce qu’elle reçoit de vous, et de ce qu’elle en espere.

Discours prononcé le 15 novembre 1717 par Montesquieu à la rentrée de l’Académie
suivi de trois résomptions

Bibliothèque municipale de Bordeaux, Ms 828/iii/1

Le texte présenté ici est celui des Œuvres complètes de Montesquieu, tome VIII (Oxford, Voltaire Foundation, 2003), Œuvres et écrits divers I, sous la direction de Pierre Rétat, p. 101-116. Il a été édité par Sheila Mason (Birmingham University), qui en a fourni également l’introduction et l’annotation (non reproduites ici)

Nous reproduisons aussi trois résomptions lues par Montesquieu le même jour.

Pour une introduction à l’ensemble des discours académiques de Montesquieu, voir l’article de Pierre Rétat :
http://dictionnaire-montesquieu.ens-lyon.fr/index.php?id=157

Les conventions de transcription sont celles qui sont en usage dans les Œuvres complètes de Montesquieu, publiées par la Société Montesquieu, modifiées en 2007 : http://montesquieu.ens-lyon.fr/spip.php?article890

Copie non autographe. De ce fait, nous n’avons pas reproduit ici les (rares) accidents de plume ou biffures, qui ne sont dus qu’au copiste ; nous ne signalons pas non plus les corrections introduites sur le manuscrit par les premiers éditeurs.

Première publication : 1796 pour le Discours (Montesquieu, Œuvres, Plassan, Grégoire, Régent, Bernard, t. IV, p. 249-253) ; 1955 pour les résomptions (Montesquieu, Œuvres complètes, Nagel, t. III, p. 55-57, Xavier Védère éd.).

I° Ceux qui ne sont pas instruits de nos obligations et de nos devoirs regardent nos exercices comme des amusemens que nous nous procurons, et se font une idée riante de nos peines mêmes et de nos travaux.

Ils croyent que nous ne prenons de la philosophie que ce qu’elle a d’agreable ; que nous laissons les epines pour ne cüeillir que les fleurs ; que nous ne cultivons notre esprit que pour le mieux faire servir aux delices du coeur ; qu’exemts a la verité des passions vives qui ebranlent trop l’ame, nous nous livrons a une autre qui nous en dedommage, et qui n’est pas moins delicieuse, quoiqu’elle ne soit point sensuelle.

Mais il s’en faut bien que nous soyons dans une situation si heureuse ; les sciences les plus [f. 1v] abstraites sont l’objet de l’academie ; elle embrasse cet infini qui se rencontre par tout dans la phisique et l’astronomie ; elle s’attache a l’intelligence des courbes, reservées jusques ici a la suprême intelligence ; elle entre dans le dedale de l’anatomie, et les misteres de la chimie ; elle reforme les erreurs de la medecine, cette Parque cruelle qui tranche tant de jours, cette science en même tems si etendüe et si bornée ; on y attaque enfin la verité par l’endroit le plus fort, et on la cherche dans les tenebres les plus epaisses ou elle puisse se retirer.

Aussi Mrs si l’on n’etoit animé d’un beau zele pour l’honneur et la perfection des sciences, il n’y a personne parmi nous qui ne regardât le titre d’academicien comme un titre onereux, et ces sciences mêmes ausquelles nous nous apliquons, comme un moyen plus propre a nous tourmenter qu’a nous instruire. Un travail souvent inutile ; ces sistêmes presqu’aussi tôt renversés qu’établis, le desespoir de trouver ses esperances trompées ; une lassitude continuelle a courir aprés une verité [f. 2r] qui fuit ; cette emulation qui exerce, et ne regne pas avec moins d’empire sur les ames des philosophes, que la basse jalousie sur les ames vulgaires ; ces longues meditations, ou l’ame se replie sur elle-même, et s’enchaine sur un objet ; ces nuits passées dans les veilles, les jours qui leur succedent dans les sueurs ; vous reconnoissés la, Mrs, la vie des gens de lettres.

Non il ne faut pas croire que la place que nous occupons soit un lieu de tranquilité, nous n’aquerons par nos travaux que le droit de travailler davantage ; il n’y a que les dieux qui ayent le privilege de se reposer sur le Parnasse ; les mortels n’y sont jamais fixes et tranquilles, et s’ils ne montent pas, ils dëcendent toujours.

Quelques anciens nous disent qu’Hercule n’etoit point un conquerant, mais un sage qui avoit purgé la philosophie des prejugés ; ces veritables monstres de l’esprit : ces travaux etonnerent la posterité, qui les compara a ceux des heros les plus infatigables.

[f. 2v] Il semble que la fable nous representoit la verité sous le simbole de ce Protée, qui se cachoit sous mille figures, et sous mille aparences trompeuses.

Omnia transformat sese in miracula rerum

Ignemque horribilemque feram fluviumq ; liquentem ;

Il faut la chercher dans l’obscurité même dont elle se couvre, il faut la prendre, il faut l’embrasser, il faut la saisir.

Et quanto illa magis formas se vertet in omnes,

Tanto nate magis contende tenacia vincla.

Mais, Mrs, qu’il y a de difficultés dans cette recherche : car enfin ce n’est pas assés pour nous de donner une verité, il faut qu’elle soit nouvelle, nous faisons peu de cas de ces fleurs que le tems a fanées ; nous mepriserions un Patrocle qui viendroit parmi nous se couvrir des armes d’Achille ; nous rougirions de redire toujours ce que tant d’autres auroient dit avant nous, comme ces vains echos que l’on entend dans les campagnes ; nous aurions honte de porter [f. 3r] a l’Academie les observations des autres, semblables a ces fleuves, qui portent a la mer tant d’eau qui ne viennent pas de leur source. Cependant les decouvertes sont devenües bien rares ; il semble qu’il y ait une espece d’epuisement et dans les observations et dans les observateurs : on diroit que la nature a fait comme ces vierges qui conservent long tems ce qu’elles ont de plus precieux, et se laissent ravir en un moment ce même tresor, qu’elles ont conservé avec tant de soin, et defendu avec tant de constance : après s’etre cachée pendant tant d’années, elle se montra tout a coup dans le siecle passé ; moment bien favorable pour les savans d’alors, qui virent ce que personne avant eux n’avoit vü ! On fit dans ce siecle tant de decouvertes, qu’on peut le regarder non seulement comme le plus florissant, mais encor comme le premier age de la philosophie, qui dans les siecles precedens n’etoit pas même dans son enfance : c’est alors qu’on mit au jour ces sistêmes, qu’on developa ces principes, [f. 3v] qu’on decouvrit ces methodes si fecondes et si generales ; nous ne travaillons plus que d’aprés ces grands philosophes ; il semble que les decouvertes d’a present ne soient qu’un hommage que nous leur rendons, et un humble aveu que nous tenons tout d’eux : nous sommes presque reduits a pleurer comme Alexandre de ce que nos peres ont tout fait, et n’ont rien laissé a notre gloire.

C’est ainsi que ceux qui decouvrirent un nouveau monde dans le siecle passé, s’emparerent des mines et des richesses qui y etoient conservées depuis si long tems, et ne laisserent a leurs successeurs que des forets a decouvrir et des sauvages a reconnoitre.

Cependant, Mrs, ne perdons point courage ; que sçavons-nous ce qui nous est reservé ? Peut-etre y a-t-il encor mille secrets cachés : quand les geographes sont parvenus au terme de leurs connoissances, ils placent dans leurs cartes des mers immenses et des climats sauvages : mais peut-etre que dans ces mers et dans ces climats [f. 4r] il y a encore plus de richesses que nous n’en avons.

Qu’on se defasse sur tout de ce prejugé que la province n’est point en etat de perfectionner les sciences, et que ce n’est que dans les capitales que les academies peuvent fleurir : ce n’est pas du moins l’idée que nous en ont donné les poëtes, qui semblent n’avoir placé les muses dans les lieux ecartés et le silence des bois, que pour nous faire sentir que ces divinités tranquilles se plaisent rarement dans le bruit et le tumulte de la capitale d’un grand empire.

Ces grands hommes dont on veut nous empecher de suivre les traces, ont-ils d’autres yeux que nous ?

Centum luminibus cinctum caput

Ont-ils d’autres terres a considerer ?

Terras alio sub sole jacentes

Sont-ils dans des contrées plus heureuses ?

Fortunatorum nemorum sedesque beatas

Ont-ils une lumiere particuliere pour les eclairer ?

Solemque suum et sua sydera norunt[E19]

La mer auroit-elle moins d’abimes pour eux ?

Num mare pacatum num ventus amicior esset

[f. 4v] La nature enfin est-elle leur mère et notre marâtre pour se derober plutôt a nos recherches qu’aux leurs ? Nous avons eté souvent lassés par les difficultés

Sæpe fugam Danäi Trojâ cupiêre relictâ moliri

Mais ce sont les difficultés mêmes qui doivent nous encourager. Nous devons etre animés par l’exemple du protecteur qui preside ici ; nous en aurons bien tôt un plus grand a suivre, notre jeune monarque favorisera les muses, et elles auront soin de sa gloire.

2o Resomption de la dissertation de Mr Pascal sur les fievres intermitantes [voir Ms 828/VI/13]

Rien n’est si inconnu que le principe des fievres : il n’est pas sûr qu’elles soient produites par une fermentation du sang ; le celebre Mr Guderus qui a nié l’existence des fermens, a ôté l’evidence a cette opinion, et l’a reduite a la simple probabilité : il n’est pas plus certain que le mouvement du sang soit plus rapide dans l’ardeur de la fievre ; Mr Silvius a soutenu qu’il se mouvoit au contraire plus lentement que de coutume ; cette lenteur cause selon lui la [f. 5r] frequence du pouls, parce que les contractions et les dilatations du coeur, plus pressé par l’air exterieur, etant moins grandes, elles doivent etre aussi plus frequentes : Il n’a besoin que de la même lenteur du sang pour rendre raison de la chaleur de l’accés, parceque tout corps chaud agit avec plus de force lorsqu’il demeure plus longtemps apliqué sur une partie. Hipotêse ingenieuse, mais peu satisfaisante : hipotêse enfin qui par l’aplaudissement qu’elle a reçu, ne peut servir qu’a nous convaincre davantage du peu de solidité des autres.

Ainsi il ne faut pas s’etonner si Mr Pascal a ramassé toutes les forces de la chimie pour penetrer dans une matière si obscure : on doit le regarder comme un homme qui vient avec des troupes auxiliaires pour retirer les medecins et les philosophes de l’embarras ou ils sont : il ne faut pas croire qu’il se soit servi de tant de termes, que bien des gens trouveront peut etre barbares, pour jetter l’epouvante ; Mr Pascal qui excelle dans cette science misterieuse n’a pû s’empecher de parler comme elle ; il a fait comme ces voyageurs habiles [f. 5v] qui prennent la langue de tous les païs ou ils se trouvent ; il est heureux d’avoir eu des auditeurs assés eclairés pour saisir ses raisonnemens dans toute leur force, ils ne pourront se plaindre que de la brieveté du tems qui leur en a derobé la meilleure partie et nous a obligé malgré nous de leur faire cette espece de larcin.

3o Resomption de la dissertation de Mr Gregoire contre les esprits animaux [Ms 828/VIII/11]

Ce fut un terrible retranchement que l’on fit aux bêtes dans le siecle passé lorsqu’on leur ôta leur ame : vous venés aujourdhui, et leur ôtés encore les esprits animaux. Il y a aparence qu’on en restera la, et que personne aprés vous ne viendra leur ravir le suc nerveux qui leur reste, et dont vous voulés bien les laisser joüir.

Le principe qu’on nommoit autrefois le rasoir des nominaux, parcequ’ils s’en servirent pour retrancher de la philosophie un nombre inombrable d’entités superflües, peut vous etre tres utile, et c’est pour vous un grand avantage de pouvoir dire que votre hipotêse est plus simple, et que vous faites [f. 6r] a moins de frais, ce que les autres sont obligés de faire avec plus de depense. Cependant Mr, l’opinion commune est si bien etablie, elle a si fort prescrit dans le monde, nous sommes si accoutumés a avoir des esprits animaux, que tout ce que nous pouvons faire aujourdhui en faveur de vos raisons, et de l’heureux talent que vous avés de persuader, c’est de revenir un peu de notre certitude, et de douter au moins de notre sistême, si nous ne pouvons pas embrasser le votre.

4o Resomption de la dissertation de Mr de Navarre sur l’yvresse

Mr le remede que vous proposés contre l’yvresse sera inutile a tous ceux qui liront votre dissertation, lorsqu’ils verront la description vive que vous y faites des funestes suites de l’yvresse, ils seront naturellement portés a ne s’enyvrer jamais, et aimeront mieux eviter un si grand mal que de le guerir. Les gens pieux même pour lesquels vous n’avés pas sans doute fait cet ouvrage [f. 6v] en seront edifiés, et se confirmeront dans cette pensée que les plaisirs des sens sont bien criminels, puisqu’ils sont punis si rigoureusement des cette vie.

Dissertation sur la politique des Romains dans la religion

Bibliothèque municipale de Bordeaux, Ms 828/VI/6

Le texte présenté ici est celui des Œuvres complètes de Montesquieu, tome VIII (Oxford, Voltaire Foundation, 2003), Œuvres et écrits divers I, sous la direction de Pierre Rétat, p. 75-98. Il a été édité par Lorenzo Bianchi (Université L’Orientale, Naples), qui en a fourni également l’introduction et l’annotation (non reproduites ici). Les notes sont celles de Montesquieu.

Nous reproduisons aussi en annexe la résomption qu’en a faite Sarrau de Boynet, le 26 août 1716 (Ms 828/XVI/26).

Pour une introduction à l’ensemble des discours académiques de Montesquieu, voir l’article de Pierre Rétat :
http://dictionnaire-montesquieu.ens-lyon.fr/index.php?id=157

Les conventions de transcription sont celles qui sont en usage dans les Œuvres complètes de Montesquieu, publiées par la Société Montesquieu, modifiées en 2007: http://montesquieu.ens-lyon.fr/spip.php?article890

Copie non autographe. De ce fait, nous n’avons pas reproduit ici les (rares) accidents de plume ou biffures, qui ne sont dus qu’au copiste ; nous ne signalons pas non plus les corrections introduites sur le manuscrit par les premiers éditeurs.

Première publication : 1796 (Montesquieu, Œuvres, Plassan, Grégoire, Régent, Bernard, t. IV, p. 193-207).

Dissertation sur la politique des Romains dans la religion

Ce ne fut ni la crainte ni la pieté qui etablit la religion ches les Romains, mais la necessité ou sont touttes les societes d’en avoir une, les premiers roys ne furent pas moins attentifs a reglér le culte et les ceremonies qu’a donnér des loix et batir des murailles, je trouve cette difference entre les legislateurs romains et ceux des autres peuples, que les premiers firent la religion pour l’etat et les autres l’etat pour la religion. Romulus Tatius et Numa asservirent les dieux à la politique : le culte et les ceremonies, qu’ils instituerent furent trouvés si sages que lors que les roys furent chassés, le joug de la religion fut le seul dont ce peuple dans sa fureur pour la liberté n’osa s’affranchir.

Quand les legislateurs romains etabl[i]rent la religion, ils ne penserent point a la reformation des moeurs, ni a donner des principes de morale, ils ne voulurent point gener des gens qui ne connoissoint pas encore, les engagemens d’une societé dans laquelle ils venoint d’entrer.

[f. 1v] Ils n’eurent donc d’abord qu’une vue generale qui etoit d’inspirer a un peuple qui ne craignoit rien, la crainte des dieux et se servir de cette crainte, pour les conduire a leur fantaisie.

Les successeurs de Numa n’oserent point faire ce que ce prince n’avoit point fait, le peuple qui avoit beaucoup perdu de sa ferocité et de sa rudesse, etoit devenu capable d’une plus grande discipline. Il eut ete facille d’ajouter aux cerémonies de la religion des principes et des regles de morale, dont elle manquoit ; mais les Romains etoint trop clair voyans pour ne point connoistre combien une pareille reformation eut eté dangereuse : c’eut ete convenir que la religion etoit defectueuse, c’étoit luy donner des ages, et affoiblir son authorité en voulant etablir ; la sagesse des Romains leur fit prendre un meilleur party en etablissant de nouvelles loix ; les institutions humaines peuvent bien changer, mais les divines doivent etre immuables comme les dieux meme.

Ainsi le senat de Rome ayant chargé le preteur, Petilius d’examiner les ecrits du roy Numa, qui avoi[en]t ete trouves [f. 2r] dans un coffre de pierre 400 ans apres la mort de ce roy, resolut de les faire brulér sur le raport que luy fit ce pret[e]ur que les ceremonies qui etoint ordonnées dans ces ecrits differoient beaucoup de celles qui se pratiquoient alors, ce qui pouvoit jettér des scrupules dans l’esprit des simples, et leur faire voir que le culte prescrit n’etoit pas le meme que celuy qui avoit été institué par les premiers legislateurs et inspiré par la nimphe Égérie.

On portoit la prudence plus loin, on ne pouvoit lire les livres sibillins sans la permission du senat qui ne la donnoit meme que dans les grandes occasions, et lors qu’il s’agissoit de consoler les peuples : toutes les interpretations etoint deffendües ; ces livres meme etoint toujours renfermés et par une precaution sy sage on otoit les armes des mains des fanatiques et des seditieux.

Les devins ne pouvoient rien prononcer sur les affaires publiques sans la permission des magistrats, leur art etoit absolument subordonné a la volonté du senat, et cela avoit été ainsy ordonné par les livres [f. 2v] des pontifes dont Ciceron(1) nous a conservé quelques fragments, Bella disceptanto : prodigia, portenta ad Etruscos et aruspices si senatus jusserit deferunto” ; et dans un autre endroit : Sacerdotum genera duo sunto : unum quod praesit ceremoniis et sacris, alterum quod interpretetur fatidicorum et vatum fata jncognita cum senatus populusque ads[c]iverit.

Polibe met la superstition au rang des avantages que le peuple romain avoit par-dessus les autres peuples ; ce qui paroit ridicule aux sages est necessaire pour les sots ; et ce peuple qui se met si facillement en colere, a besoin d’être arrêté par une puissance jnvisible.

Les augures et les aruspices etoient proprement les grotesques du paganisme : mais on ne les trouvera point ridicules, sy l’on fait reflexion que dans une religion toutte populaire comme celle-la, il n’y avoit rien d’extravagant, la credulité du peuple reparoit tout ches les Romains, plus une chose etoit contraire a la raison humaine, plus elle leur paroissoit divine [f. 3r] une verité simple ne les auroit pas vivement touches, il leur faloit des sujets d’admiration il leur faloit des signes de la divinité, et ils ne les trouvoient que dans le merveilleux ou le ridicule.

C’etoit a la verité une chose tres extravagante de faire dependre le salut de la republique de l’apetit sacré d’un poulet, et de la disposition des entrailles des victimes : mais ceux qui introduisirent ces céremonies en connoissoient bien le fort et le foible, et ce ne fut que par de bonnes raisons qu’ils pecherent contre la raison meme.

Sy ce culte avoit ete plus raisonnable les gens d’esprit en auroi[en]t ete la dupe, aussy bien que le peuple, et par la on auroit perdu tout l’avantage qu’on en pourroit attendre : il faloit donc des ceremonies qui pussent entretenir la super[s]tition des uns et entrer dans la politique des autres ; c’est ce qui se trouvoit dans les divinations. On y mettoit les arrets du ciel dans la bouche des principaux senateurs, gens eclairés [f. 3v] et qui connoissoient egalement le ridicule et l’utilité des divinations.

Ciceron(2) dit que Fabius etant augure tenoit pour regle que ce qui etoit avantageux a la republique se faisoit toujours sous de bons auspices “optimis auspiciis geri quae pro salute reipublicae gererentur ; quae contra re[m]publicam gererentur contra auspicia fieri.” Le meme(3) dit qu’il est de l’opinion de Marcelus, qui disoit que quoy que la credulité populaire, eut etably au commancement les augures, on en avoit retenu l’usage pour l’utilité de la republique ; et il met cette difference entre les Romains et les etrangers, que ceux-cy s’en servoient indifféremmant dans touttes les occasions, et ceux-la seulement dans les affaires, qui regardoient l’interet public. Ciceron(4) nous aprend que la foudre tombée du coté gauche etoit d’un bon augure, excepté dans les assemblées du peuple, “praeterquam ad comitia” ; les regles de l’art cessoient dans cette occasion, les magistrats y jugeoint a leur fantaisie de la bonté des auspices, et ces auspices etoint une [f. 4r] bride avec laquelle ils menoient le peuple. Ciceron ajoute, “hoc institutum reipublicae causâ est, ut comitiorum, vel in jure legum, vel in judiciis populi, vel in creandis magistratibus principes civitatis essent interpretes”. Il avoit dit auparavant qu’on lisoit dans les livres sacrés, “Jove tonante et fulgurante comitia populi habere nefas esse” ; cela avoit été introduit, dit il, pour fournir un pretexte aux magistrats de rompre les assemblées du peuple ; “hoc reipublicae causa constitutum, comitiorum enim non habendorum, causas essé voluerunt”.

Au reste il etoit indifferent que la victime qu’on immoloit se trouva de bon ou mauvais augure : car lors qu’on n’etoit point content de la premiere on en immoloit une seconde, une troisieme, une 4e qu’on apeloit, hostiae succedaneae. Paul Emile voulant sacrifier fut obligé d’egorgér 20. victimes, les dieux ne furent apaises qu’a la derniere dans laquelle on trouva des signes qui promettoint la victoire. C’est pour cela qu’on avoit coutume de dire que [f. 4v] dans les sacrifices les dernieres victimes valoient toujours mieux que les premieres.

Cesar ne fut pas sy patiant que Paul Emile ; ayant egorgé plusieurs victimes, dit Suetonne, sans en trouver de favorables, il quitta les autels avec mepris, et entra dans le senat, “pluribus hostiis caesis, cum litare non posset introiit curiam spretâ religione”.

Comme les magistrats se trouvoient maitres des presages, ils avoient un moyen sur pour detournér le peuple d’une guerre qui auroit été funeste, ou pour luy en faire entreprendre une qui auroit peu etre utile. Les devins qui suivoint toujours les armée[s], et qui etoint plutot les interpretes du general que des dieux, inspiroi[en]t de la confiance aux soldats. Sy par hasard quelque mauvais presage, avoit epouvanté l’armée, un habile general en convertissoit le sens, et se le rendoit favorable : ainsy Scipion qui tomba en sautant de son vaisseau sur le rivage d’Afrique prit de la terre dans ses mains : Je te tiens, dit-il, ô terre d’Afrique, et par ces mots [f. 5r] rendit heureux un presage qui avoit paru sy funeste. Les Siciliens s’etant embarqués pour faire quelque expedition en Afrique furent si epouvantés d’une eclipse de soleil, qu’ils furent sur le point d’abandonnér leur entreprise : mais le general leur representa qu’a la vérité cette eclipse eut été de mauvais augure, sy elle eut paru avant leur embarquement ; mais que puisqu’elle n’avoit paru qu’aprés, elle ne pouvoit menacér que les Afriquains ; par là il fit cessér leur frayeur, et trouva dans un sujet de crainte le moyen d’augmentér leur courage.

Cesar fut plusieurs fois averty par les devins de ne point passér en Afrique avant l’hiver ; il ne les ecouta pas et prevint par là ses ennemis, qui, sans cette diligence, auroient eu le tems de réunir leurs forces.

Crassus dans un sacrifice ayant laissé tombér son couteau des mains, on en prit un mauvais augure : mais il rassura le peuple en luy disant ; bon [f. 5v] courage, au moins mon epée ne m’est jamais tombée des mains. Lucullus etant pret de donner bataille a Tigrane on luy vint dire que c’etoit un jour malheureux ; tant mieux, dit-il, nous le rendrons heureux par notre victoire. Tarquin le Superbe voulant etablir des jeux a l’honneur de la déesse Mania consulta l’oracle d’Apollon qui repondit obscurement et dit qu’il faloit sacriffier tetes pour tetes, “capitibus pro capitibus supplicandum”. Ce prince plus cruel encore que superstitieux fit immoler des enfans : mais Junius Brutus changea ce sacrifice horrible, car il le fit faire avec des tetes d’ail et de pavot et par la remplit ou eluda l’oracle(5).

On coupoit le noeud gordien quand on ne pouvoit pas le delier ; ainsy Clodius Pulcher(6) voulant donnér un combat naval, fit jetter les poulets sacrés dans l’eau, afin de les faire boire, disoit-il, puisqu’ils ne vouloint pas manger.

Il est vray qu’on punissoit quelques fois un general de n’avoir pas suivi les presages, et cela meme etoit un nouvel effet de la [f. 6r] politique des Romains : on vouloit faire voir au peuple que les mauvais succés, les villes prises, les batailles perdües n’etoint point l’effet d’une mauvaise constitution de l’etat ou de la foiblesse de la republique, mais de l’impieté d’un cytoyen, contre lequel les dieux etoint irrités ; sur cette persuasion il n’etoit pas difficille de rendre la confience au peuple, il ne faloit pour cela que quelques ceremonies et quelques sacrifices.

Ainsy lorsque la ville etoit menacée ou affligée de quelque malheur, on ne manquoit pas d’en chercher la cause, qui etoit toujours la colere de quelque dieu, dont on avoit negligé le culte ; il suffisoit pour s’en garantir de faire des sacrifices et des processions, de purifier la ville avec des torches, du souffre, et de l’eau salée. On faisoit faire a la victime le tour des rempar[t]s avant de l’egorger, ce qui s’apelloit, “sacrificium amburbium, et amburbiale” : on aloit meme quelques fois jusqu’a purifier les armées et les flotes, apres quoy chacun reprenoit courage.

[f. 6v] Scevola grand pontife, et Varron un des leurs grands theologiens, disoient qu’il etoit necessaire que le peuple ignorat beaucoup de choses vrayes et en crut beaucoup de fausses : St. Augustin(7) dit que Varron avoit decouvert par là tout le secret des politiques et des ministres d’Etat. “Totum consilium prodidit sapientum per quod civitates et populi regerentur.”

Le meme Scevola au raport de St. Augustin(8) divisoit les dieux en trois classes, ceux qui avoint ete etablis par les poëtes, ceux qui avoint ete etablis par les philosophes, et ceux qui avoint ete etablis par les magistrats, a principibus civitatis.

Ceux qui lisent l’histoire romaine et qui sont un peu clair voyans, trouvent a chaque pas des traits de cette politique que nous venons de marquer : ainsy on voit Cyceron qui en particulier et parmy ses amis fait a chaque moment une confession d’incredulité ; “adeone me delirare censes ista ut credam ?” Et on voit le meme Ciceron parler en public avec un zele extraorinaire contre l’empieté de Verres. On voit un Clodius qui avoit insolemment profané les misteres de la bonne deesse et dont [f. 7r] l’impieté avoit ete marquée par 20. arrests du senat, faire luy meme une harangue remplie de zele, a ce senat qui l’avoit foudroyé, contre le mepris des pratiques anciennes et de la religion. On voit un Saluste, le plus corrompu de tous les cytoyens, mettre à la tete de ses ouvrages une preface digne de la gravité et de l’austerité de Caton : je n’aurois jamais fait si je voulois epuisér tous les exemples.

Quoy que les magistrats ne donnassent point dans la religion de peuple, il ne faut pas croire qu’ils n’en eussent point. Mr. Cudvorth a fort bien prouvé que ceux qui etoint eclairés parmi les payens adoroient une divinité supreme, dont les divinités du peuple n’etoi[en]t qu’une participation. Les payens, tres peu scrupuleux dans le culte, croioient qu’il etoit indifferent d’adorer la divinité meme ou les manifestations de la divinité ; d’adorér par exemple dans Venus la puissance passive de la nature, ou la divinité supreme en tant qu’elle est susceptible de touttes generations, de rendre un culte au soleil ou a l’Etre [f. 7v] supreme en tant qu’il anime les plantes et rend la terre feconde par sa chaleur, ainsy le stoicien Balbus dit dans Ciceron que Dieu participe par sa nature a touttes les choses d’ici bas, qu’il est Cerès sur la terre, Neptune sur les mers : deus pertinens per naturam cujusque rei, per terras Ceres, per mare Neptunus alia per alia poterunt intelligi qui qualescunque sint quoque eos nomine consuetudo mencupaverit, hos deos et venerari et colere debemus. Nous en scaurions davantage si nous avions le livre qu’Asclepiade composa, intitulé l’harmonie de touttes les theologies.

Comme le dogme de l’ame du monde etoit presque universellement recu, et que l’on regardoit chaque partie de l’univers comme un membre vivant dans lequel cette ame etoit repandüe, il sembloit qu’il etoit permis d’adorer indifferemment touttes ces parties et que le culte devoit etre arbitraire comme etoit le dogme.

Voila d’ou etoit né cet esprit de tolerance [f. 8r] et de douceur qui regnoit dans le monde payen ; on n’avoit garde de se persecuter et de se dechirer les uns les autres, touttes les religions touttes les theologies y etoint egalement bonnes, les heresies, les guerres, et les disputes de religion y etoint inconnües ; pourveu qu’on allat adorér au temple, chaque cytoyen etoit grand pontife dans sa famille.

Les Romains etoint encore plus tolerans que les Grecs qui ont toujours gaté tout : chacun scait la malheureuse destinée de Socrate.

Il est vray que la religion egyptienne, fut toujours proscritte a Rome, c’est que elle etoit intolerante, qu’elle vouloit regnér seule, et s’etablir sur les debris des autres, de maniere que l’esprit de douceur et de paix qui regnoit chez les Romains, fut la veritable cause de la guerre qu’ils luy firent sans relache.

Valere Maxime(9) raporte l’action d’Emilius Paulus qui apres un raport du senat qui ordonnoit qu’on abatit les temples des divinités egyptiennes, prit luy meme une hache et donna les premiers coups afin d’encourager [f. 8v] par son exemple les ouvriers frapés d’une crainte superstitieuse.

Mais les pretres d’Isis et de Serapis avoient encore plus de zele pour etablir ces ceremonies qu’on n’en avoit a Rome pour les proscrire. Quoiqu’Auguste au raport de Dion(10) en eut deffendu l’exercice dans Rome, Agrippa qui commandoit dans la ville a son absence feut obligé de le deffendre une seconde fois, on peut voir dans Tacite et dans Suetone(11) les frequens arrets que le senat fut obligé de rendre pour banir ce culte de Rome.

Il faut remarquer que les Romains confondirent les Juifs avec les Egiptiens, comme on scait qu’ils confondirent les chretiens avec les Juifs, ces deux religions furent longtems regardées comme deux branches de la premiere et partagerent avec elle la haine, le mepris et la persecution des Romains : les memes arrests qui abolirent a Rome les ceremonies egiptiennes mettent toujours les ceremonies juives, avec celles-cy comme il paroit par Tacite(12) et par [f. 9r] Suetonne dans les vies de Tibere et de Claude. Il est encore plus clair que les historiens n’ont jamais distingue le culte des chretiens d’avec les autres. On n’etoit pas meme revenu de cette erreur, du tems d’Adrien, comme il paroit, par une lettre que cet empereur ecrivit d’Egypte au consul Sencrianus : “tous ceux qui en Egypte adorent Serapis, sont chretiens, et ceux meme qu’on apelle evêques, sont attaches au culte de Serapis ; il n’i a point de Juif, de prince de la sinagogue, de Samaritain, de pretre des chretiens, de mathematicien, de devin, de baigneur qui n’adore Serapis ; le patriarche meme des Juifs adore indifferemment Serapis et le Christ… Ces gens n’ont d’autre dieu que Serapis, c’est le dieu des chretiens, des Juifs et de tous les peuples” : illi qui Serapium colunt, christiani sunt ; et devoti sunt Serapi, qui se Christi episcopos dicunt. Nemo hic archisynagoga Judaeorum, nemo Samarites, nemo christianorum presbyter, non mathematicus, non aruspex, non aliptes, qui non Serapium colat ; Ipse ille patriarcha judeorum scilicet, cum Aegyptum venerit, ab aliis Serapidam [f. 9v] adorare, ab aliis cogitur Christum…Viris illis deus est Serapia : hunc Judei, hunc christiani, hunc omnes et gentes(13). Peut-on avoir des idées plus confuses de ces trois religions et les confondre plus grossierement ?

Chez les Egiptiens les pretres fesoint un corps à part, qui etoit entretenu aux depens du public : de la naissoient plusieurs inconveniens, touttes les richesses de l’etat se trouvoient englouties dans une societé, de gens qui recevant toujours et ne rendant jamais attiroient insensiblement tout a eux. Les pretres d’Egipte ainsy gagés pour ne rien faire languissoient tous dans une oisiveté dont ils ne sortoient qu’avec les vices qu’elle produit ; ils etoint brouillons, inquiets, entreprenants, et ces qualites les rendoient extremement dangereux : enfin un corps dont les interets avoint ete violemment separés de ceux de l’etat, etoit un monstre, et ceux qui l’avoint etably avoint jetté dans la societé, une semence de discorde, et de guerres civiles : il n’en etoit pas de même a Rome ; on y avoit fait de la pretrise une charge civile, les dignités d’augure et de grand pontife [f. 10r] etoint des magistratures, ceux qui en etoint revetus etoint membres de senat, et n’avoint pas par consequent des interets differens de ceux de ce corps ; “bien loin de se servir de la superstition pour oprimer la republique, ils l’employent utilement a la soutenir[.] dans notre ville, dit Cicéron(14), les roys et les magistrats qui leur ont succedé ont toujours eu un double caractaire, et ont gouverné l’etat sous les auspices de la religion ; “apud veteres qui rerum potiebantur iidem auguria tenebant, ut testis est nostra civitas, in qua et reges et augures, et postea privati eodem sacerdotio praediti rempublicam relligionum autoritate vexerunt.[”]

Les duumvirs avoint la direction des choses sacrées, les quindecimvirs avoint soin des ceremonies de la religion, gardoient les livres des sibilles, ce que fesoint auparavant les decemvirs et les duumvirs ; ils consultoint les oracles lors que le senat l’avoit ordonné et en faisoint le raport ; y ajoutant leur avis ; ils etoint aussy commis pour executér tout ce qui etoit prescrit dans les livres des sibilles, et pour faire celebrér les jeux seculaires, de maniere que touttes les [f. 10v] ceremonies religieuses passoint par les mains des magistrats.

Les roys de Rome avoint une espece de sacerdoce, il y avoit de certaines ceremonies qui ne pouvoint etre faites que par eux. Lorsque les Tarquins furent chassés on craignoit que le pûple ne s’aperceut de quelque changement dans la religion, cela fit etablir un magistrat appellé rex sacrorum, et dont la femme etoit appellée regina sacrorum qui dans les sacrifices fesoint les fonctions des anciens roys : ce fut le seul vestige de royauté que les Romains conserverent parmi eux.

Les Romains avoint cet avantage qu’ils avoint pour legislateur le plus sage prince dont l’histoire profane ait jamais parlé : ce grand homme ne chercha dans tout son regne, qu’a faire flurir la justice et l’equité, et il ne fit pas moins sentir sa moderation a ses voisins qu’a ses sujets. Il établit les fecialiens qui etoint des pretres sans le ministere desquels on ne pouvoit faire ni la paix ni la guerre ; nous avons encore des formulaires des sermens fait par ces fecialiens, lorsqu’on concluoit la paix avec quelque peuple, dans [f. 11r] celle que Rome fit avec Albe, un fecialien dit dans Tite-Live, si le peuple romain est le premier a s’en departir, publico consilio dolove malo, qu’il prie Jupiter de le fraper, comme il va fraper le cochon qu’il tenoit dans ses maines, et aussy tot il l’abatit d’un coup de caillou.

Avant que de commancer la guerre on envoyoit un de ces fecialiens faire ses plaintes au peuple qui avoit porté quelque dommage a la republique, il luy donnoit un certain tems pour se consulter et pour chercher les moyens de retablir la bonne intelligence : mais si on negligeoit de faire l’accommodement le fecialien s’en retournoit et sortoit des terres de ce peuple injuste apres avoir invoqué contre luy les dieux celestes et ceux des enfers : pour lors le senat ordonnoit ce qu’il croyoit juste et pieux ; ainsy les guerres ne s’entreprenoint jamais a la hâte, et elles ne pouvoint etre qu’une suite d’une longue et mure deliberation.

La politique qui regnoit dans la religion des Romains, se developa encore mieux dans leurs victoires, sy la super[s]tition [f. 11v] avoit ete ecoutée, on auroit porté ches les vaincus les dieux des vainceurs, on auroit renversé leurs temples ; et, en etablissant un nouveau culte, on leur auroit imposé une servitude plus rude que la premiere. On fit mieux, Rome se soumit elle meme aux divinités etrangeres, elle les receut dans son sein, et par ce lien le plus fort qui soit parmy les hommes, elle s’attacha des peuples qui la regarderent plutot comme le sanctuaire de la religion, que comme la maitresse du monde. Mais pour ne point multiplier les etres, les Romains a l’exemple des Grecs, confondirent adroitement les divinités etrangeres avec les leurs ; s’ils trouvoint dans leurs conquetes un dieu qui eut du raport a quelqu’un de ceux qu’on adoroit à Rome, ils l’adomptoi[en]t ainsy faut dire, en luy donnant le nom de la divinité romaine, et luy accordoient sy j’ose me servir de cette expression, le droit de bourgeoisie dans leur ville : ainsy lors qu’ils trouvoi[en]t quelque héros fameux qui eut purgé la terre ; de quelque monstre, ou soumis quelque peuple barbare, [f. 12r] ils luy donnoi[en]t aussy tot le nom d’Hercule.

Nous avons percé jusqu’a l’ocean dit Tacite(15), et nous y avons trouvé les colonnes d’Hercule, soit qu’Hercule y ait été, soit que nous ayons attribué a ce heros tous les faits dignes de sa gloire, “ipsum quim etiam Oceanum illâ tentavimus et superesse adhuc Herculis columnas fama vulgavit, sive adiit Hercules, sive quidquid ubique magnificum est in claritatem eius referre consuevimus.[”]

Varron a compté 44. de ces dompteurs de monstres. Ciceron[m18](16) n’en a compté que six, 22. Muses, 5. Soleils, 4. Vulcains, 5. Mercures, 4. Apollons, 3. Jupiters.

Eusebe[m19](17) va bien plus loing, il compte presque autant de Jupiters que de peuples.

Les Romains qui n’avoint proprement d’autre divinité que le genie de la republique, ne fesoint point d’attention au desordre et a la confusion qu’ils jettoint dans la mythologie ; la credulité des peuples qui est toujours au-dessus du ridicule et de l’extravagant, réparoit tout.

[Résomption par Sarrau de Boynet]

2o. Pour M. le Pr Montesquieu

[f. 2r] La gloire que le peuple romain s’étoit acquise par le succés de ses armes, par la sagesse de ses loix, et par son genie pour les lettres, semble avoir été ternie par le culte extravagant qu’il rendoit a ses dieux.

Chaque fois que Rome aioutoit de nouvelles provinces a son empire elle se rendoit esclave de quelque nouvelle divinité, le nombre des idoles qu’on adoroit dans l’enceinte de ses murs, surpassoit le nombre de ses citoyens.

Quelle honte pour la nature humaine des conquerrants, des politiques, des philosophes [f. 2v] paroissent dans ce fait plus depourvus de sages que les nations barbares quel contraste de raison et d’aveuglement.

Vous avés débrouillé ce mistere Mr en faisant voir que les premiers legislateurs romains établirent la religion pour l’état et non comme ceux des autres peuples l’état pour la religion, c’est-a-dire qu’ils assuiettirent les dieux a la politique voyant la necessité qu’il y avoit de contenir par un pouvoir invisible une nation fiere qui auroit pu secouer souvent le ioug d’une puissance cognue, tant les exemples que vous rapportés a ce suiet sont des preuves evidentes de vostre opinion.

Les augures et les aruspices que vous apellés avec raison les grotesques du paganisme n’étoient que les interpretes de la volonté des magistrats et des [f. 3r] generaux d’armée, selon les circonstances ils se servoient avec succés a leur gré de ces pretendus arrets du ciel pour en imposer au peuple ou pour ranimer la valeur des soldats.

La netteté et l’ordre qui regnent dans vostre ouvrage, les recherches curieuses dont il est rempli, nous font souhaiter d’en voir la continuation, cette vaste matiere Monsieur peut encore pleusieurs fois vous attirer nos aplaudissements.


(1) lib. 2 de leg.

(2) de senectute.

(3) l. de divinat.

(4) lib. 2 de divinat.

(5) Macrob. l. 1 Saturnal.

(6) Val. Max. 1.

(7)de Civit. Dei l. 4 c. 31.

(8) l. 4 de Civit. Dei

(9) l. 1. c. 3.

(10) l. 34.

(11) l. 2

(12) l. 2

(13) Flav. Vopiscus in vita Saturnini.

(14) l. 1. de divinat.

(15) l. 5. c. 34.

(16) l. 3. de nat. deor.

(17) Praep. evang. l. 3.

Discours de réception de Montesquieu à l’académie de Bordeaux (1716)

Bibliothèque municipale de Bordeaux, Ms 828/VI/5

Le texte présenté ici est celui des Œuvres complètes de Montesquieu, tome VIII (Oxford, Voltaire Foundation, 2003), Œuvres et écrits divers I, sous la direction de Pierre Rétat, p. 65-73. Il a été édité par Sheila Mason (Birmingham University), qui en a fourni également l’introduction et l’annotation (non reproduites ici).

Pour une introduction à l’ensemble des discours académiques de Montesquieu, voir l’article de Pierre Rétat :
http://dictionnaire-montesquieu.ens-lyon.fr/index.php?id=157

Les conventions de transcription sont celles qui sont en usage dans les Œuvres complètes de Montesquieu, publiées par la Société Montesquieu, modifiées en 2007 : http://montesquieu.ens-lyon.fr/spip.php?article890

Copie non autographe. De ce fait, nous n’avons pas reproduit ici les (rares) accidents de plume ou biffures, qui ne sont dus qu’au copiste ; nous ne signalons pas non plus les corrections introduites sur le manuscrit par les premiers éditeurs.

Première publication : 1796 (Montesquieu, Œuvres, Plassan, Grégoire, Régent, Bernard, t. IV, p. 245-248).

Discours de Mr le president Montesquieu le jour de sa reception, 1 mai 1716

Les sages de l’antiquité recevoient leurs disciples sans examen et sans choix, ils croyoient que la sagesse devoit etre commune a tous les hommes comme la raison et que pour etre philosophe c’etoit assés d’avoir du gout pour la philosophie.

Je me trouve parmi vous Mrs moy qui n’ay rien qui puisse m’en approcher que quelque attachement pour l’etude, et quelque gout pour les belles-lettres ; s’il suffisoit pour obtenir cette faveur d’en connoitre parfaitement le prix et d’avoir pour vous de l’estime et de l’admiration je pourrois me flatter d’en etre digne, et je me comparerois à ce Troyen qui merita la protection d’une deesse seulement parce qu’il la trouva belle.

Ouy Mrs je regarde votre académie comme l’ornement de nos provinces, je regarde son etablissement comme ces naissances heureuses ou les intelligences du ciel president toujours.

On avoit vu jusques ici les sciences non pas negligées mais meprisées ; le gout entierement corrompu les belles-lettres ensevelies dans l’obscurité et les muses etrangeres dans la patrie des Paulins et des Ausones.

Nous nous trompions de croire que nous fussions connus chez nos voisins par la vivacite de notre esprit [;] ce n’etoit sans doute que par la barbarie de notre langage .

Oui Mrs il a eté un tems ou ceux qui s’attachoient a l’etude etoient regardes comme des gens singuliers qui n’etoient point faits pour les autres hommes. Il a eté un tems ou il y avoit du ridicule et de l’ affectation de a se degager des prejugés du peuple et ou chacun regardoit son aveuglément comme une maladie qui luy etoit chere et dont il etoit dangereux de guerir

[f. 1v] Dans un tems si critique pour les scavants on n’etoit point impunement plus eclairé que les autres, si quelqu’un entreprenoit de sortir de cette sphere etroite qui borne les connoissances du commun , une infinité d’insectes qui s’elevoit aussitot formoit un nuage pour l’obscurcir[.] Ceux memes qui l’estimoient en secret se revoltoient en public et ne pouvoient luy pardonner l’affront qu’il leur fesoit de ne leur pas ressembler .

Il n’apartenoit qu’a vous de faire cesser ce regne ou plutot cette tyrannie de l’ignorance. Vous l’aves fait Mrs, cette terre ou nous habitons n’est plus si aride les lauriers y croissent heureusement on en vient cueillir de toutes parts les scavants de tous les pays vous demandent des couronnes .

Manibus date lilia plenis.

C’est asses pour vous que cette academie vous doive et sa naissance et ses progres, je la regarde moins comme une compagnie qui doit perfectionner les sciences que comme un grand trophée elevé a votre gloire, il me semble que j’entends dire a chacun de vous ces paroles du poëte lirique

Exegi monumentum ære perennius.

Vous aves eté animés a cette grande entreprise par cet illustre protecteur dont le puissant genie veille sur vous. Nous l’avons vu quitter les delices de la cour et faire sentir sa presence jusqu’au fonds de nos provinces C’est ainsi que la fable nous represente ses dieux bienfaisants qui du sejour du ciel descendoient sur la terre pour polir des peuples sauvages et faire fleurir parmi eux les sciences et les arts.

Oseray-je vous dire, Mrs ce que la modestie m’a fait taire jusques icy; quand je vis votre academie naissante s’elever si heureusement je sentis une joye secrette, et soit qu’un instinct flateur semblat me presager ce [f. 2r] qui m’arrive aujourd’huy soit qu’un sentiment d’amour-propre me le fit esperer, je regarday toujours les lettres de votre etablissement comme des titres de ma famille.

Lié avec plusieurs d’entre vous par les charmes de l’amitie j’esperay qu’un jour je pourrois entrer avec eux dans un nouvel engagement et leur etre uni par le commerce des lettres, puisque je l’etois deja par le lien le plus fort qui fut parmi les hommes.

Et si ce que dit un des plus enjoués de nos poetes n’est point un paradoxe qu’il faut avoir du genie pour etre honnête homme ne pouvois-je pas croire que ce coeur qu’ils avoient recu leur seroit un garant de mon esprit.

J’eprouve aujourd’huy Mrs que je ne m’etois point trop flaté et soit que vous m’ayes fait justice soit que j’aye seduit mes juges, je suis egalement content de moy-même, le public va s’aveugler sur votre choix, il ne regardera plus sur ma tete que les mains scavantes qui me couronnent.

MONTESQUIEU ET L’ACADÉMIE

Ressources et documents sur Montesquieu académicien

On peut consulter divers documents sur Montesquieu et l’Académie en suivant les liens ci-dessous :

– Biographie de Montesquieu :

http://dictionnaire-montesquieu.ens-lyon.fr/index.php?id=324

– Discours académiques :

http://dictionnaire-montesquieu.ens-lyon.fr/index.php?id=157

– Sciences / Culture scientifique / Œuvres scientifiques:

http://dictionnaire-montesquieu.ens-lyon.fr/index.php?id=540

– Œuvres diverses:

http://dictionnaire-montesquieu.ens-lyon.fr/index.php?id=151

– Familiers de Montesquieu:

http://dictionnaire-montesquieu.ens-lyon.fr/index.php?id=329

– Venuti, Filippo:

http://dictionnaire-montesquieu.ens-lyon.fr/index.php?id=248

Par ailleurs, il existe également un site italien très complet consacré à Montesquieu et Dintorni :

http://www.montesquieu.it/

Montesquieu et l’académie de Bordeaux (*)

Catherine Volpilhac-Auger, UMR 5037, ENS de Lyon

L’utilité des académies est que par elles le savoir est plus propagé ; celui qui a fait quelque découverte ou trouvé quelque secret est porté à le publier, soit pour le consigner dans les archives, soit pour en recueillir la gloire et même augmenter sa fortune. Auparavant les savants étaient plus secrets.

(Pensées, no 2203)

Une patrie ingrate dit sans cesse aux savants qu’ils sont des citoyens inutiles, et pendant qu’elle jouit de leurs veilles, elle leur demande à quoi ils les ont employées.

(Pensées, no 93)

Parmi les premières œuvres connues de Montesquieu, entre 1716 et 1721, des dissertations académiques ; parmi les dernières qu’il projetait à la veille de sa mort, en 1755, des dissertations académiques. Entre les deux, le projet indéfiniment reporté, malgré tous ses efforts, de les publier et de montrer ainsi l’utilité de l’académie de Bordeaux (1). Et la dernière œuvre qu’il publia de son vivant, en 1754, fut l’opuscule qu’il envoya à l’académie de Nancy, fondée par le roi Stanislas. Pour un auteur célébré depuis plus de deux siècles et demi pour un roman épistolaire, un ouvrage de philosophie politique de la plus haute ambition, et quelques œuvres moins connues comme ce « roman » ou « poème en prose » érotique qu’est Le Temple de Gnide, le fait est surprenant, mais seulement en apparence. Car pour Montesquieu, l’activité académique a constitué une forme particulière de démarche intellectuelle : expérimentale au début de sa carrière, elle lui permet alors de prendre conscience de lui-même ; après la publication du maître-livre qu’est L’Esprit des lois, en 1748, c’est le moyen d’approfondir les matières qui n’ont pu y entrer, et de tirer parti de ce qu’il avait déjà travaillé dans une perspective autre.

L’expérience académique

L’académie de Bordeaux n’est pas la plus prestigieuse à laquelle il ait appartenu : il entre à l’Académie française au début de 1728. Le seul fait que quelques semaines après y avoir été reçu, il parte pour un voyage qui dure trois ans, montre qu’il n’en faisait pas sa principale ambition(2) – même si quelques années plus tard, il devait participer régulièrement à ses réunions. C’est à l’académie des sciences, belles-lettres et arts de Bordeaux qu’il aura consacré le plus de temps, dès son élection le 3 avril 1716, quatre ans après la fondation de celle-ci(3), qui apparaît comme particulièrement représentative, et peut-être même pionnière, du mouvement académique dans son ensemble(4). On le trouve assidu à ces assemblées où, deux mois après son installation, il donne une Dissertation sur la politique des Romains dans la religion(5) qui semble avoir fort occupé les académiciens bordelais, puisqu’elle est lue le 18 juin, mais que l’examen en est remis à une date ultérieure ; présentées de nouveau le 2 juillet, ces quelque quinze pages sont lues de nouveau le 23 juillet, date à laquelle « on en fit l’examen », pour y revenir finalement lors de la « conférence publique » du 26 août 1716. Montesquieu apparaît donc d’emblée comme un des auteurs les plus dignes d’attention de l’assemblée, ce que confirme sa désignation pour rédiger un mémoire adressé au maréchal de Berwick, gouverneur de Guyenne, afin que celui-ci reçoive l’académie(6). Si objections il y eut contre cette dissertation qui montre la religion soumise à la politique ou aux ambitions individuelles, elles n’eurent pour effet que de renforcer l’intérêt. Le nouvel académicien inaugure ainsi une période qui le verra souvent présider les séances, en tant que directeur (il le sera en 1718, 1726, 1735, 1748), et donner à ce titre les « résomptions(7) » (résumés), ou prononcer les discours dans les occasions les plus solennelles : l’assemblée eut tôt fait de reconnaître l’envergure du jeune magistrat qu’elle s’était agrégé(8)

Montesquieu donne d’autres preuves de son attachement à l’institution académique, en fondant dès le mois de septembre de la même année 1716 un prix d’anatomie, d’une valeur de trois cents livres sous forme d’une médaille, qui devait être décerné le 25 août suivant – jour solennel s’il en fut, puisqu’il s’agit de la Saint-Louis. Le premier concours eut-il véritablement lieu ? Le 25 août 1717, Montesquieu présente sa propre Dissertation sur la différence des génies qu’il devait abandonner ensuite pour en intégrer certains passages à l’Essai sur les causes qui peuvent affecter les esprits et les caractères ; les passages qui subsistent(9) montrent qu’y est traitée la question de l’influence du climat ou du sol sur les corps et les esprits, qui reviendra notamment au livre XIV de L’Esprit des lois. S’il y est question d’anatomie, ce n’en est pas le principal centre d’intérêt. L’année suivante ne voit pas les efforts de Montesquieu couronnés de succès : « l’usage des glandes rénales », sujet du concours proposé en 1717, ne suscite aucune dissertation digne du prix, et c’est finalement Montesquieu qui doit lire sa propre présentation du sujet le 25 août 1718. C’est en 1719 qu’il transforme le prix d’anatomie en prix de « physique(10) » – mais peine perdue : si le concours de l’académie, remis chaque année le 1er mai, voit affluer les dissertations de qualité(11), le « prix Montesquieu », en 1720, « sur les causes de la transparence des corps », ne suscite pas la moindre réponse – c’est donc lui encore qui doit présenter quelques hypothèses sur le sujet(12).

Il lui arrivera plusieurs fois, les années suivantes, de ne pas être à Bordeaux pour la Saint-Louis : ses tentatives pour relancer les recherches et les expériences dans la province de Guyenne semblent avoir ainsi tourné court(13), sans pour autant décourager son assiduité aux séances et sa constance à fournir des mémoires quand on lui en demandait(14). Pendant dix ans, de 1716 à 1726, il participe activement aux travaux de l’Académie – jusqu’à ce qu’abandonnant sa charge de président à mortier au parlement de Bordeaux, puis partant pour trois ans en voyage à travers l’Europe, il se tourne vers d’autres occupations. Il n’en présentera pas moins à ses confrères en 1731 et 1732 (il séjourne en Bordelais de 1731 à 1733), le résultat de ses observations dans les mines du Harz, dans des Mémoires sur les mines(15), ainsi que des Observations sur les habitants de Rome qui témoignent de l’expérience des voyages.

Des contre-modèles ?

Mais dès 1718 il avait conçu l’idée d’une autre forme d’activité intellectuelle collective : un Projet d’une histoire de la Terre ancienne et moderne, paru dans le Mercure de France du 1er janvier 1719, appelait « les savants » à signaler tous les « changements […] tant généraux que particuliers », naturels ou dus à l’homme, « qui ont donné une nouvelle face à la Terre » : progrès de la terre et de la mer, formation et disparition des îles, des rivières, des montagnes, etc., ainsi que des canaux ou des mines, apparition des « déserts formés par les pestes, les guerres et les autres fléaux », « avec des remarques critiques sur ceux qui se trouveront faux ou suspects(16) ». Montesquieu cherche ainsi à établir (à ses propres frais…) un réseau de correspondants dignes de foi, pour lancer une enquête aux dimensions du monde connu : en ce sens, ce projet d’ambition encyclopédique, dans le temps comme dans l’espace, peut paraître opposé au fonctionnement de l’académie, éminemment local et fondé sur le contact personnel, mais conforme à son esprit – la mise en commun des ressources individuelles ; mais à cette date, pouvait-il aller contre l’Académie? Il s’agit plutôt d’offrir, dans le cadre académique, une nouvelle ambition(17)

Ce beau programme eut-il des suites ? Il en subsiste en tout cas des notes préparatoires parmi les manuscrits de La Brède, intitulées « Changements arrivés sur la surface de la terre ou de la mer depuis l’autre siècle »(18), qui énumèrent des changements attestés par les historiens anciens(19) avant de passer à des phénomènes plus récents, qui vont jusqu’à 1711, la fin du manuscrit portant mention autographe d’un titre, « De monumento diluviano nuper in agro Bononiensi detecto Dissertatio a Josepho Monti Bonon. 1719(20) ». Projet abandonné mais dont l’œuvre entière de Montesquieu porte trace, puisque dans les cahiers de corrections de L’Esprit des lois, postérieurs à 1748(21), et dans les corrections de l’édition posthume de 1757-1758, on le voit encore se préoccuper des Tartares détournant les fleuves Jaxarte et Oxus qui, selon les géographes anciens, se jetaient dans la mer Caspienne, et tenter de reconstituer les « grands changements » qui ont affecté cette partie du monde.

Ce même projet pouvait aussi prendre la forme d’une dissertation soumise au public académique, comme en témoigne la série des lettres 112 à 122(22) des Lettres persanes, sur la « dépopulation » ; l’on a souvent remarqué que la forme épistolaire ne cherche guère alors à dissimuler l’aspect démonstratif et systématique de la dissertation, sinon pour renforcer l’aspect angoissant de la question (peut-on lutter contre l’affaiblissement général qui menace l’espèce humaine, et la désertification, ou « dépopulation » du monde ?). En 1721, Usbek a déjà toute l’expérience historique et géographique que Montesquieu voulait acquérir grâce à cette enquête – ou plutôt, les accents inquiets d’Usbek sont un appel à la réflexion que l’académicien engage de son côté, sur le mode « encyclopédique », à travers le prospectus du Mercure de France, bientôt relayé par le Journal des savants. Quand il écrit les Lettres persanes, vers 1720, Montesquieu est alors au faîte de son activité académique.

L’Académie, nouvelle

Ce modèle collectif n’a-t-il pas cependant quelque chose à voir avec l’ancienne « république des lettres » ? Celle-ci n’est pas absente de l’esprit de Montesquieu, en cette période de ses premières expériences intellectuelles : dans les Lettres persanes, on trouve deux personnages de « savants » dont l’image est quelque peu développée(23). Le premier, hautement ridicule, se vante d’être « presque toujours enfermé dans un cabinet » ; de fait, ses manies d’antiquaire (au sens ancien du terme) dépourvu du moindre bon sens révèlent un être borné, coupé du monde, privé de l’esprit critique que pourrait lui conférer l’habitude du débat académique. Le second, que Montesquieu avait exclu de la première édition mais qui a finalement subsisté, est plus intéressant, car il appartient à la catégorie des véritables savants, dont la condition est « dure ». Certes, celui que présente la lettre 145, consacrée aux véritables « hommes d’esprit », généralement incompris ou méprisés par la société, a aussi ses côtés dérisoirement héroïques : contraint par une sorte de libido sciendi fanatique à surmonter sa pauvreté, il préfère avoir les mains gelées pour ne pas nuire à ses expériences. Mais il explicite ainsi sa démarche :

Je me communique fort peu, et de tous les gens que je vois, je n’en connais aucun. Mais il y a un homme à Stockholm, un autre à Leipsick, un autre à Londres, que je n’ai jamais vus, et que je ne verrai sans doute jamais, avec lesquels j’entretiens une correspondance si exacte, que je ne laisse pas passer un courrier sans leur écrire.

Certes, on a affaire à une figure hautement estimable, celle d’un homme peut-être privé de la compagnie intellectuelle qui lui permettrait de développer ses qualités et d’approfondir ses recherches, et capable en tout cas d’entretenir des relations avec des savants européens, comme ont pu le faire en leur temps Érasme, Vossius, Huet ou Leibniz, sous le signe du cosmopolitisme qui, au XVIIIe siècle, devient un maître mot ; mais cet enfermement en lui-même, cette relation exclusive avec des personnalités éloignées, peut aussi apparaître comme un moyen de tourner le dos aux communautés (et aux élites) locales. Est-ce « se communiquer » qu’écrire à des savants dispersés de par l’Europe et surtout enfermés en leur cabinet de travail ? « Autrefois les savants étaient plus secrets », est-il dit dans le passage des Pensées cité ici en épigraphe : ils avaient tout à gagner à rendre publiques leurs découvertes.

Ce qui en revanche apparaît clairement, c’est la supériorité de ce martyr de la science – qui se pique d’astronomie et d’histoire naturelle, usant du microscope et du scalpel – sur le riche et crédule érudit, « curieux amateur de la vénérable antiquité » et de « précieuses raretés », de la lettre 142, qui semble cumuler toutes les tares et tous les ridicules, tout en se défendant d’être « un membre inutile de la république des lettres ». S’il est une académie conforme aux vœux de Montesquieu, c’est plus celle des sciences que celle des inscriptions, malgré tout l’intérêt qu’il portera, à travers ses amis Venuti ou Guasco, académiciens associés, aux antiquités bordelaises ou aquitaines. En tout état de cause, la forme même de l’académie, avec ses débats, ses travaux, et malgré ses faiblesses et ses difficultés(24), semble correspondre à l’idéal intellectuel de Montesquieu.

Ainsi on le voit faire valoir en 1741 auprès du président Barbot que l’Académie a des devoirs, et d’abord auprès du public ; des expériences de physique, grâce aux acquisitions coûteuses mais utiles de machines, permettraient de diffuser les connaissances et de former les esprits, dans une Guyenne qu’il juge quelque peu déshéritée à cet égard : « Je suis donc fortement d’avis que vous ouvriez boutique de machines le plus tôt qu’il sera possible(25) ». Rarement aura été exprimée aussi vivement l’idée qu’une académie a non seulement une utilité, mais une fonction sociale.

L’écriture académique… et la publication

La période de préparation de L’Esprit des lois, les innombrables sollicitations qui en suivent la publication, et de manière générale, ses longs séjours à Paris, éloignent Montesquieu de l’académie de Bordeaux ; certes il est toujours chargé des affaires de la compagnie dans la capitale(26), et comme on vient de le voir il se préoccupe de son avenir et de son statut, mais il n’en suit guère les séances. Pourtant le travail académique est toujours au cœur de ses préoccupations : c’est ce qui est apparu récemment dans des manuscrits de Montesquieu, dont certains étaient inédits. D’abord grâce à une feuille volante retrouvée par Gilles Banderier à la bibliothèque de Bâle(27), où Montesquieu affirme sa volonté, le « 8 avril 1750 », de tirer de son ancienne dissertation, Sur la différence des génies(28), « quelques morceaux de physique pour [s]on recueil de dissertations de l’académie de Bordeaux ». Mais aussi grâce à l’ensemble du dossier 2506 des manuscrits de La Brède(29), dont plusieurs dossiers, selon un récapitulatif qui date de 1818, avaient été regroupés dans un carton distinct : « Matériaux de dissertation qui n’ont pu entrer dans L’Esprit des lois ». À l’origine celui-ci comptait vingt cahiers, dont six subsistent aujourd’hui, portant explicitement en plusieurs endroits la mention : « bon pour des dissertations(30) ». C’est la forme même de l’exposé académique qui semble alors attirer Montesquieu, peut-être pour le soumettre à la critique de la communauté (on y reviendra), mais aussi en raison de l’extrême spécialisation que permet une telle publication, où peuvent être juxtaposées des recherches à la fois approfondies et diverses, voire sans rapport entre elles(31). Les manuscrits conservés sont tous des chapitres tirés de L’Esprit des lois, et ne portent guère la marque d’un quelconque approfondissement(32) ou d’un début de réécriture – Montesquieu a sans doute été interrompu dans ce travail par la mort. On remarquera néanmoins qu’à la date du 25 août 1754 (une nouvelle fois la Saint-Louis…), Montesquieu fait lecture à l’académie de Bordeaux de trois chapitres de L’Esprit des lois(33). S’agit-il de l’édition parue en 1748, éventuellement assortie de corrections ? C’est peu probable, surtout pour une occasion solennelle(34). Ce sont sans aucun doute des chapitres entièrement nouveaux, comme ceux qui apparaîtront aux livres XXI ou XXX dans l’édition posthume de 1757-1758, ou plus vraisemblablement des chapitres destinés à devenir autonomes sous forme de dissertations.

Montesquieu semble poursuivre ainsi un projet qui lui était cher mais qui n’avait pu voir le jour vers 1727 : la publication de mémoires de l’Académie. L’idée, d’après lui(35), en serait venue au nouveau protecteur de l’Académie, le comte de Morville, et il y applaudit vivement, avançant l’idée de soumettre les contributions à un « comité de lecture » parisien, et suggérant que quelques académiciens se dévouent au travail de préparation du volume, pour lequel il se propose lui-même. Peine perdue alors, tout comme en 1736, quand le choix d’un nouveau protecteur, le cardinal de Polignac, offre l’occasion de nouvelles initiatives, comme il l’écrit aux frères Sarrau :

Si vous voulez charger monsieur Melon, monsieur de Mairan et moi de travailler à un volume de notre academie sous les yeux de Son Éminence, nous nous en chargerons, et j’y ferai travailler mon fils(36) avec nous si cela nous peut soulager. Pour cela il faudra faire transcrire tout ce que vous avez de bon ou de mauvais et nous l’envoyer ; quand il n’y aurait pas assez de matière, nous mettrons toujours en œuvre ce qu’il y en a ; nous commencerons et comme dit le proverbe italien que Paul III avait toujours à la bouche, cosa fatta capo ha [ce qui est fait est fait] ; que si vous pouvez faire mieux chez vous, faites, et nous en serons plus contents ; mais il faudrait bien faire voir au public et encore plus au duc de La Force que nous sommes un corps existant(37). Mr le président Barbot a fait copier une infinité de nos dissertations, il pourrait supléer à ce qui manque à vos archives(38)

Il en sera de même en 1737, sans plus de succès…(39). L’Académie n’avance pas d’un pas, laissant Montesquieu devant la nécessité de publier lui-même ses mémoires, ce qu’il ne devait jamais faire, contrairement à son ami Guasco, lassé de l’incurie du secrétaire perpétuel, le président Barbot ; mais Guasco avait de plus fortes raisons de souhaiter une publication, car c’était un de ses principaux titres de gloire pour cet érudit(40). Aussi en 1754, quelques semaines avant sa mort, Montesquieu félicite-t-il Solignac, secrétaire perpétuel de l’académie de Nancy, qui n’a mis que trois ans à publier un premier volume de mémoires :

J’ai été ravi d’apprendre que le premier volume des Mémoires de l’académie de Nancy allait paraître et encore de ce que c’est vous, Monsieur, qui êtes notre Fontenelle. Nous avons éprouvé à l’académie de Bordeaux que nous ne manquons point de mémoires, mais que nous avons toujours manqué d’un homme qui eût en même temps le talent et la volonté de les rédiger (41).

Voilà des applaudissements qui devaient claquer sur quelques joues bordelaises… d’autant qu’une autre académie plus récente, voisine et peut-être concurrente, celle de La Rochelle, se distingue très vite par ses publications. Montesquieu pouvait-il mieux prouver son attachement à l’académie de Bordeaux qu’en montrant ainsi combien il tenait à voir publiés les travaux qu’elle avait suscités et qu’il lui avait donnés ?

Un tel mouvement d’humeur ne peut en effet faire oublier tout ce que Montesquieu doit intellectuellement à l’académie de Bordeaux(42). Quand il y entra en 1716, celle-ci ne comptait guère qu’une vingtaine de membres, dont plusieurs associés qui ne pouvaient participer aux séances. Quand il meurt en février 1755, si son activité reste peu visible sur les rayons des bibliothèque, elle n’en a pas moins, grâce à l’institution du concours et aux relations du plus illustre de ses membres, élargi à l’Europe son réseau d’associés. L’histoire de Montesquieu et celle de l’académie sont donc indissociables.

(*) Cet article reprend plusieurs pages de celui que j’ai publié dans le cadre des manifestations célébrant l’anniversaire de la fondation de l’académie Stanislas (« De Bordeaux à Nancy : Montesquieu et le mouvement académique », Stanislas et son Académie (250e anniversaire), actes du colloque de Nancy, septembre 2001, éd. Jean-Claude Bonnefont, Nancy, Presses universitaires de Nancy, 2003, p. 205-214) ; il a été revu, corrigé, développé, actualisé, et j’en ai retranché la partie « nancéienne ».

(1) Sur cette publication, qui ne vit le jour qu’en 1796 avec l’édition Plassan, voir C. Volpilhac-Auger, Un auteur en quête d’éditeurs ? Histoire éditoriale de l’œuvre de Montesquieu (1748-1964), chap. viii. Le prochain tome des Œuvres complètes Correspondance (1731-1746) (t. XIX, ENS Éditions et Classiques Garnier, Lyon et Paris, à paraître en 2012) permet d’apprécier l’intérêt que Montesquieu montre pour cet aspect de l’activité académique.

(2) En fait cette élection lui ouvrait des portes, et il est fort probable qu’il fait ainsi un choix de carrière : renonçant en 1726 au parlement de Bordeaux pour être élu à Paris (il fallait y résider à l’Académie française), puis quittant la France muni de ce viatique pour enrichir son expérience des cours et se tourner vers la diplomatie, comme il y aspirait alors.

(3) L’étude fondamentale sur la question est évidemment celle de Pierre Barrière, L’Académie de Bordeaux, Bordeaux et Paris, 1951, notamment p. 51-64, mais dont on peut discuter les interprétations, d’autant qu’elle est fondée sur une information parfois défaillante ; je me suis aussi appuyée sur Robert Shackleton, Montesquieu. Une biographie critique, trad. fr. de Jean Loiseau, Grenoble, PUG, 1977 (1re éd., en anglais, Oxford, 1961), et Louis Desgraves, Chronologie critique de la vie et des œuvres de Montesquieu, Paris, Honoré Champion, 1998 (cité ci-après : Desgraves) ; c’est cet ouvrage qui, jusqu’aux relevés de Julien Cussaguet, donnait le plus d’informations sur l’activité académique de Montesquieu, à partir des documents suivants : bibliothèque municipale de Bordeaux, ms. 828, I à CVI ; ms. 1696, I à XXXVI, ; ms. 1699, I à V.

(4) Voir Daniel Roche, Le Siècle des Lumières en province. Académies et académiciens provinciaux, 1680-1789, 2 t., Paris, Éditions de l’EHESS, 1978 et 1989.

(5) Œuvres et écrits divers I (1700-1728), p. 75-101, sous la direction de Pierre Rétat, tome VIII des Œuvres complètes de Montesquieu, Oxford, Voltaire Foundation, 2003 (ci-après : OC, t. VIII).

(6) Desgraves, p. 49 (mais sans référence à des sources primaires).

(7) Le mot ne figure pas dans les différentes éditions du Dictionnaire de l’Académie (1694, 1718, 1762, etc.) ; il paraît pourtant d’usage courant.

(8) Il est vrai qu’il était d’usage de choisir comme directeur un académicien fraîchement élu : son fils, Jean-Baptiste de Secondat, élu en 1734, est directeur pour 1736 ; Baritault, conseiller au parlement, élu en 1731, est directeur pour 1732.

(9) Voir Catherine Volpilhac-Auger, « La dissertation Sur la différence des génies : essai de reconstitution », Revue Montesquieu 4 (2000), p. 226-237 : accessible en ligne (pdf) http://montesquieu.ens-lyon.fr/spip.php?article326

(10) La notion couvrant un champ particulièrement vaste, comme l’illustrent ses propres recherches exposées à l’académie en 1720 et 1721, fondées sur des expériences sur les oies et les canards (Essai d’observations sur l’histoire naturelle) : aussi bien l’histoire naturelle que la physiologie.

(11) Le sujet proposé en 1721 pour l’année suivante était particulièrement d’actualité, puisqu’il s’agissait des causes de la propagation de la peste, qui sévissait depuis le début de l’été à Marseille.

(12) OC, t. VIII, p. 235-240.

(13) Il est vrai que l’époque ne se prête guère aux spéculations intellectuelles : l’année 1719-1720, année cruciale dans l’effondrement du Système de Law, fut, selon Montesquieu lui-même, une « année critique » pour l’académie, qui « a vu l’absence presque universelle de ses membres, et ses assemblées plus nombreuses dans la capitale du royaume que dans le lieu de sa résidence. » (Discours sur la cause de la pesanteur des corps, OC, t. VIII, p. 230).

(14) Il est cependant exclu qu’il ait composé en 1726 une dissertation sur la cause et les effets du tonnerre (Montesquieu, Œuvres complètes, André Masson dir., Paris, Nagel, t. III, p. 7, repris par Desgraves, p. 146, sans référence à une source primaire) : c’était le sujet mis au concours par l’Académie, et il était interdit aux académiciens de concourir (article 20 des statuts) ; le prix ayant été attribué au père Lozeran du Fesch, il eut tout au plus à en composer la résomption, puisqu’il était directeur cette année-là. Il ne saurait non plus avoir composé en 1739 de dissertation sur les sujets suivants : « Si l’air que nous respirons passe dans le sang » et « Froideur et chaleur des eaux minérales (L. Desgraves, Montesquieu, Paris, Mazarine, 1986, p. 263), puisqu’il s’agissait là encore des concours. N’étant pas directeur cette année-là (il séjourne d’ailleurs à Paris de mars 1739 à février 1740), il n’a même pas eu à écrire de résomption à ce sujet.

(15) OC, t. X, 2012.

(16) OC, t. VIII, p. 175-184.

(17) Je remercie François Cadilhon (université de Bordeaux 3) d’avoir attiré mon attention sur ce point.

(18) Bordeaux, bibliothèque municipale, ms. 2530/1. J’ai publié ces notes dans « Les deux infinis. Montesquieu historien des catastrophes ? », L’Invention de la catastrophe au XVIIIe siècle : du châtiment divin au désastre naturel, A.-M. Mercier-Faivre et Chantal Thomas dir., Genève, Droz, 2008, p. 119-130. Elles seront plus savamment éditées par Lorenzo Bianchi au tome XVII des Œuvres complètes de Montesquieu, dirigé par Rolando Minuti (2013).

(19) « Avant que de parler du siècle précédent ou de celui-ci, nous suivrons les changements dont Pline et quelques autres font mention. » (2530/1, f° 1.)

(20) L’ouvrage du Bolognais Giuseppe Monti (« Un reste du Déluge trouvé récemment dans la campagne de Bologne ») a bien été publié en 1719 (apud Rossi : BNF, S 5611 et S 6811).

(21)« > Voir Montesquieu, De l’esprit des loix (manuscrits), Catherine Volpilhac-Auger éd., Œuvres complètes, t. III-IV, 2008 (ms. 2506/4, conservé à la bibliothèque municipale de Bordeaux).

(22) Selon la numérotation des éditions parues à partir de 1758 ; ce sont les lettres 108 à 117 dans les éditions antérieures, et notamment dans l’édition originale (1721), qui constitue le texte de base de l’édition des Œuvres complètes (t. I, 2004) ; on trouvera la concordance entre les deux éditions à l’adresse suivante : http://montesquieu.ens-lyon.fr/spip.php?article150.

(23) Lettres 142 (136 en 1721) et 145 (absente dans la première édition de 1721, 59 dans la seconde) ; dans la lettre 144, ajoutée dans l’édition posthume (1758), il ne s’agit que d’esquisses, destinées à montrer une certaine forme de raisonnement.

(24) Telles qu’elles transparaissent par exemple dans la correspondance de Montesquieu au cours des 1730-1745 (voir le tome XIX des Œuvres complètes, 2012) : les rivalités internes n’ont pas manqué.

(25) Lettre du 20 décembre 1741.

(26) Mission confirmée par exemple le 17 août 1749 (Desgraves, p. 362 : ms 1699/II, p. 174-175).

(27) Publiée dans la Revue Montesquieu 4 (2000), p. 223-225 : http://montesquieu.ens-lyon.fr/spip.php?article326

(28) Voir ci-dessus, note 9.

(29) Voir C. Volpilhac-Auger, L’Atelier de Montesquieu. Manuscrits inédits de La Brède, Naples, Liguori, 2001.

(30) Ils portent sur les colonies (2506/6), la législation (2506/7), les « destructions » (2506/8), ensemble qui pourrait constituer un développement des lettres consacrées à la dépopulation (Lettres persanes, 112-122), le droit romain et français (2506/12), les jugements et crimes (2506/11), l’abbé Dubos (2506/13). L’ordre observé ici est celui du classement en 1818. Tous ces dossiers sont reproduits dans L’Atelier de Montesquieu ; ils ont été répartis dans les Œuvres complètes en fonction de leur date et de leur sujet, entre les tomes 3-4 (rejets de L’Esprit des lois), 7 (autour de la querelle de L’Esprit des lois), et 5-6 (L’Esprit des lois, à paraître).

(31) Voir la différence qu’opère l’Encyclopédie (t. IV, 1754, p. 1048) : « Ouvrage sur quelque point particulier d’une science ou d’un art. La dissertation est ordinairement moins longue que le traité. D’ailleurs le traité renferme toutes les questions générales et particulières de son objet ; au lieu que la dissertation n’en comprend que quelques questions générales ou particulières. Ainsi un traité d’arithmétique est composé de tout ce qui appartient à l’arithmétique : une dissertation sur l’arithmétique, n’envisage l’art de compter que sous quelques-unes de ses faces générales ou particulières. Si l’on compose sur une matière autant de dissertations qu’il y a de différents points de vues principaux sous lesquels l’esprit peut la considérer, si chacune de ces dissertations est d’une étendue proportionnée à son objet particulier, et si elles sont toutes enchaînées par quelque ordre méthodique, on aura un traité complet de cette matière. » J’ai développé ailleurs l’idée que la dissertation serait l’équivalent de l’actuel « article », devenu si nécessaire aux carrières universitaires (« L’Esprit des lois : et après ?… » », colloque de Bordeaux, décembre 2001, Montesquieu, œuvre ouverte (Montesquieu après 1748), dir. C. Larrère, Cahiers Montesquieu, n° 9 (2005), p. 217-228).

(32) Néanmoins ils contiennent des fiches de travail, et en particulier des passages recopiés dans ses recueils d’extraits.

(33) Desgraves, p. 444 : ms. 1699/I, p. 158.

(34) D’autant que Montesquieu avait offert à l’académie un des rares exemplaires de la première édition ayant circulé en France (Genève, Barrillot, [1748]) ; il est toujours conservé à la bibliothèque de Bordeaux, qui a hérité de celle de l’académie (J911 Rés.).

(35) Lettre de fin mai-début juin 1727 à Sarrau de Boynet, Correspondance I (1720-1728), OC, t. XVIII, Oxford, Voltaire Foundation, 1998, n° 268, p. 310-311 : il s’agissait de dédier un volume au roi ou au cardinal de Fleury, son principal ministre, pour asseoir la réputation de l’académie et justifier ses demandes.

(36) Jean-Baptiste de Secondat, directeur de l’académie de Bordeaux en 1736.

(37) Le nouveau duc de La Force (Armand Nompar de Caumont), succédant à son frère Henri-Jacques-Nompar de Caumont (mort le 20 juillet 1726), premier protecteur de l’académie de Bordeaux, dont il devait rembourser les énormes dettes, avait contesté les dispositions financières prises par celui-ci en faveur de l’académie : voir la lettre du 20 mars 1727 où Montesquieu envisage une action très ferme pour « mettre à la raison ledit duc », et demande à être mandaté par l’académie pour « poursuivre l’affaire ». Sur ses démarches en faveur d’une publication, voir OC, t. XIX, 2012.

(38) Lettres aux frères Sarrau, 7 mai 1736. Sarrau de Boynet était secrétaire de l’académie pour les sciences et les lettres. Dans les Lettres familières, c’est Barbot que Guasco désignera comme seul responsable de la situation (30 octobre 1750, note b : voir ci-après).

(39) au roi ou à son principal ministre, Fleury, pour asseoir la réputation de l’académie et justifier ses demandes.

(40) Voir la lettre de Montesquieu du 30 octobre 1750. Ce n’est pas un hasard si les Lettres familières écrites par le président de Montesquieu à plusieurs amis d’Italie publiées en 1767 contiennent des récriminations si vives à cet égard : les deux principaux « fournisseurs » de dénoncer le paresseux (ou incapable ?) Barbot ; les lettres de Montesquieu, soigneusement choisies, étaient assorties de commentaires venimeux de l’éditeur, Guasco (voir Un auteur en quête d’éditeurs, cité ci-dessus note 1, p. 186-187).

(41) Lettre du 17 décembre 1754, à propos de la publication de Lysimaque (voir OC, t. IX, 2006, p. 411-422). Montesquieu félicite Solignac d’autant plus chaleureusement qu’il s’était fâché qu’une copie fautive circulât dans Paris : elle avait été prise sur le manuscrit envoyé au secrétaire de l’académie de Nancy ; Montesquieu avait fini par donner l’opuscule au Mercure de France, qui le publie fin décembre 1754.

(42) Voir la rubrique donnant la liste de ses mémoires et résomptions.

Montesquieu et l’académie de Bordeaux dans le recueil manuscrit des Pensées
(Bordeaux, Ms 1866, 3 volumes)

L’utilité des academies est que par elles le scavoir est plus propagé [;] celui qui a fait quelque decouverte ou trouvé quelque secret est porte a le publier soit pour le consigner dans les archives, soit pour en receuillir la gloire et meme augmenter sa fortune auparavant les scavans estoint plus secrets (no 2203 ; vers 1750 ; de la main de Montesquieu)

M

C’etoit pour mon ecrit sur la consideration(1)

Il y a environ 25 ans que je donnay ces reflexions a l’academie de Bordeaux feu madame la marquise de Lambert dont les grandes et rares quallitez ne sortiront jamais de ma memoire fit l’honneur a cet ouvrage de s’en occuper elle y mit un nouvel ordre, et par les nouveaux tours qu’elle donna aux pensées et aux expressions, elle eleva mon esprit jusqu’au sien. La copie de made de Lambert s’etant trouvée apres sa mort dans ses papiers les libraires qui n’etoient point instruits l’ont inserée dans ses ouvrages, et je suis bien aise qu’ils l’aient fait, afin que si le hazard fait passer l’un et l’autre de ces ecrits à la posterité, ils soient le monument |eternel| d’une amitié qui me touche bien plus que ne fairoit la gloire. (no 1655 ; vers 1748-1750 ; de la main du secrétaire Damours)

M

Choses faites |Ceci a este fait| pour l’academie de Bordeaux

L’histoire du ciel interesse tout l’univers.

Elle est composée par les astronomes de tous les siecles. Chacun y consigne ce qu’il a vû ou ce qu’il a calculé, et il y a des nations qui n’ont d’autre[s] interests communs que les observations astronomiques.

Ces observations nous font voir un merveilleux simple, au lieu de ce faux merveilleux que l’on imagine toujous dans ce qui est grand. Elles nous ont donné des points sûrs pour fixer les époques de la relligion ; car l’histoire des hommes, pour devenir invariable, a besoin d’etre fixée par les évenements qui arrivent dans le ciel.

C’est par là que l’on a fait évanouir tous ces siecles fabuleux, qui faisoient regarder par les incredules, les patriarches comme des hommes nouveaux, et qui établissoient une difference entre l’antiquité de la relligion et l’antiquité du monde. Par là, l’astronomie est devenüe une science sacrée, et l’on apele profanes les sciences utiles au genre humain, lorsqu’elles ne touchent pas le premier, le plus grand et le plus fort de ses interets. (no 2009 ; vers 1750-1751 ; seule la première ligne est de la main de Montesquieu ; la suite est du secrétaire « Q »)

M

Materiaux de dissertations pour l’academie de Bordeaux qui ne sont point dignes de paroitre

J’avois fait une dissertation à l’academie de Bordeaux sur les dieux animaux ; elle ne valloit rien. Voici ce que j’en ai tiré.

Varron grand theologien admettoit trois sortes de divinités ; les dieux celestes, les dieux hommes et les dieux animaux

Labeon, souvent cité par Macrobe, (il ne parloit gueres que des dieux penates et des dieux hommes) avoit fait plusieurs livres sur les dieux animaux. Son systême etoit qu’il y avoit de certains sacrifices, par le moyen des quels les ames humaines etoient changées en dieux apellés animaux, parce qu’ils avoient été tels, voyez Lilius Giraldus p. 85 :

Duris samien Tzetses et Pausanias fletrissent la reputation la mieux établie qui soit dans l’antiquité (c’est Penelope) Mercure qui entra dans son palais sous la figure d’un bouc la rendit mere de Pan.

Il établit son empire dans les forets, ses sujets furent des bergers, qui se regardant eux mêmes comme les seuls hommes et leurs cabanes comme les seules villes du monde, le regarderent aussi comme le dieu de toute la nature.

Cette opinion choque beaucoup la chronologie ; ainsi n’ôtons point aux femmes un model qui leur fait honneur, les grands exemples doivent étre respectés. La naissance de Pan n’apartient point aux tems historiques et les dieux étoient tous faits du tems du siege de Troye.

Dans ma dissertation, je disois que toutes ces troupes de satires, que les premiers hommes prirent pour des dieux, et que les historiens prirent ensuitte pour des peuples, n’etoient que le singe-chevre, et je citois Nicephore livre 9e. Hist. eclesiast. et Philostorge liv. 3. qui nous aprennent qu’il y a plusieurs especes de singes dans l’Affrique et l’Arabie qui ont raport avec plusieurs animaux. Le singe-lion le singe-ours le singe-chevre ægopileus,

Le culte de Pan diminua a mesure que les hommes se degouterent de la vie champetre. Il tomba avec ses adorateurs. Les Arcadiens confondoient Jupiter avec Pan. Pausanias dit que Licaon consacra les lupercales à Jupiter ; donc Jupiter et Pan étoient la même chose chez eux.

Pan, selon Ovide, baisa si brutalement Diane que de là vinrent les taches que l’on aperçoit dans la lune. Les docteurs mahometans disent que l’ange Gabriel volant prés de la lune, la froissa si rudement d’une de ses aîles qu’il lui fit ces marques noires que nous y voions

Les docteurs indiens qui poussent des cris horribles, lorsque la lune s’éclipse, afin d’epouvanter le dragon qui va la devorer s’imaginent sans doute que ces taches sont des coups de griffes de cet animal.

Evander porta en Italie le culte de Pan. Il étoit un berger, car il étoit arcadien. Les mythologistes composent tous comme deux sectes ; les uns plus attachés à la lettre distinguent toutes les divinités et les multiplient, les autres plus subtils les raprochent tous, et les simplifient ; ainsi quoique Faunus eut regné dans le Latium, que son pere y eut regné, que son ayeul Saturne eut transmis l’empire à ses descendants, une certaine conformité avec Pan, lui a fait perdre sa patrie, son royaume et il s’est trouvé aneanti dans les idées de gens qui ont voulu faire flechir l’histoire pour faire honneur à la fable : ainsi quoique dans la suitte on leur ait décerné les mêmes fêtes, je croi que l’un étoit d’Arcadie et l’autre un prince ausonien. Plutarque dit qu’Antoine se fit tirer dans un chariot tout nud par quarante dames aussi toutes nües. Ces infames ceremonies ne furent abolies qu’en 496 : sous Theodoric en Italie, par le pape Gelase, même avec assez de peine selon Onufre et Baronius.

Je commencois ainsi ma dissertation comme il ne faut tromper personne, je suis obligé d’avertir qu’il n’y a peut être pas un mot de verité dans tout ce que je vais dire.

Il y a un vuide dans les premiers tems, que tout le monde est convenu de remplir. Esiode, Homere Virgile, Ovide auteurs les moins graves qu’il y ait sont dans leur territoire aussi ecoutés que les autres ecrivains.

Les dieux penates ainsi apellés quand ils étoient de bons genies, et lemures quand ils étoient de mauvais genies. Peut-être que le livre qu’Aristote avoit écrit, au raport de Servius, sur les dieux animaux, contenoit un systême semblable à celui de Labeon.

On croioit que ces dieux animaux avoient une grande connoissance de l’avenir et cela joint avec la puissance de nuire, faisoit toute leur divinité ; car d’ailleurs on les croioit pas immortels ; ils étoient sujets à la mort comme les hommes, ils avoient des ages ils veillissoient. Les satires dans leur vieillesse étoient apelés silenes, c’est Pausanias qui nous l’apprend.

Il n’y a point d’animal qui soit plus susceptible de varietés que le singe, et enim propter salacitatem omnia cujusvis speciei animalia appetunt.

Par un de ces points d’honneur fort en usage chez les dieux il y eut une dispute entre Apollon et Pan sur le savoir faire en musique Midas fut choisi pour arbitre entre l’inventeur de la flute et l’inventeur de la lire. (no 2245 ; vers 1750-1751 ; de la main du secrétaire « Q »)

M

(1) De la considération et de la réputation, discours lu à l’académie de Bordeaux le 25 août 1725 ; manuscrit conservé à la bibliothèque de Bordeaux depuis 1957 (Ms 2101). Publié pour la première fois en 1891 (Deux opuscules de Montesquieu, le baron [Charles] de Montesquieu et Raymond Céleste éd., 1891), et récemment par Sheila Mason au tome VIII des Œuvres complètes de Montesquieu (dir. Pierre Rétat, 2003, p. 441-455).