Cycle de journées d’étude
« La vie intellectuelle à Bordeaux à l’époque de Montaigne » 

La formation au Collège de Guyenne, la culture des juristes et des médecins, les réseaux lettrés à l’époque de Montaigne
31 mars – 1er avril 2022

Journées organisées par Evelien Chayes (IRHT), Violaine Giacomotto-Charra (UBM) et Xavier Prévost (IRM-UB / IUF), dans le cadre du projet HumanA
Avec le soutien de la Région Nouvelle Aquitaine, de l’Université Bordeaux Montaigne, de l’Université de Bordeaux, de l’Institut de Recherche et d’Histoire des Textes – CNRS, de l’Institut Universitaire de France, de la Société des Bibliophiles de Guyenne et de la Cour d’appel de Bordeaux.

Salon d’honneur de la Cour d’Appel de Bordeaux, le nombre de places est limité.
Sur inscription – gratuite- auprès de violaine.giacomotto@u-bordeaux-montaigne.fr

Jeudi 31 mars, 9h30-12h. Présidence : Xavier Prévost (IRM, UB, IUF)

– Accueil et introduction

– Denis Bjaï (Univ. d’Orléans) : « Entre Gimone et Garonne, les réseaux aquitano-gascons de Guillaume du Bartas »
Malgré les lacunes biographiques qui affectent notre connaissance de la vie de Du Bartas, il est sans doute possible, grâce aux dédicaces, aux pièces d’escorte semées dans ses œuvres, aux correspondances et documents conservés, de reconstituer en partie le réseau des relations que le poète a pu nouer successivement : dans son Fezensaguet natal, pendant ses études au collège de Guyenne (?) et à l’école de droit de Toulouse, enfin à la cour de Navarre. Des relations plus occitano-gasconnes que proprement aquitano-gasconnes ?

– Stéphan Geonget (CESR, Univ. de Tours) : « Jean d’Arrérac, juriste lettré, lecteur de Montaigne ? »
Jean d’Arrérac ne fait pas partie des juristes les plus reconnus du XVIe siècle ni ne figure parmi les plus travaillés aujourd’hui. Ce magistrat bordelais de la fin de la Renaissance est pourtant un auteur emblématique des préoccupations de ce petit monde des robins lettrés et des enjeux qui le travaillent. Juriste lettré qu’on peut situer dans la grande tradition des philologues et des « antiquaires », homme prompt à chanter les louanges de sa ville Bordeaux, Jean d’Arrérac se singularise et développe une pensée originale dans plusieurs traités, pensée et écriture que l’on sent parfois influencées par celles d’un autre grand magistrat bordelais, Montaigne.


Après-midi 14h-18h. Présidence : Géraldine Cazals (IRM, UB)

– Marie Bénédicte Le Hir (CESR et UBM) : « Les débuts du collège de Guyenne, réplique des collèges humanistes parisiens »
Après avoir été principal du collège de Lisieux à Paris, Jean de Tartas fonde en 1533 le collège de Guyenne à Bordeaux. Si, comme l’a bien montré Ernest Gaullieur qui en a retracé toute la chronique, cette expérience se solde au bout d’un an sur un cuisant échec pour le Gascon, il n’en demeure pas moins que c’est à J. de Tartas que l’on doit d’avoir jeté les fondements et établi la ligne directrice de ce qui deviendra l’un des plus importants collèges humanistes du XVIe siècle, sinon le « meilleur de France » selon Montaigne. Le but poursuivi par Jean de Tartas au moment de la création du collège est en effet de faire de celui-ci « un colliege en la forme de celuy de Lisieux ». Jean de Tartas était en effet le renommé et prestigieux principal de ce collège parisien depuis 1525 et, tout au long de son principalat, son objectif premier avait été de faire de Lisieux une fidèle imitation du collège trilingue de Louvain, imitation réussie qui lui avait valu les plus grands éloges de la part de ses contemporains. Dès lors, afin de saisir toute la modernité intellectuelle qui accompagne la création du collège de Guyenne, il convient de nous intéresser de plus près à son fondateur et ainsi de mesurer l’importance déterminante des modèles de Lisieux et de Louvain à l’arrière-plan de son projet. Nous nous intéresserons également au réseau intellectuel que forme la première équipe de régents choisis par Tartas, parmi lesquels on compte Jean Visagier, Charles de Sainte-Marthe, Jean Binet, Robert Breton… Ces « Apollons de collège », formés à Lisieux ou à Sainte-Barbe, autre collège de la capitale, ont également suivi les premiers cours du Collège royal fondé en 1530. Pétris de l’enseignement humaniste de pointe, ils constituent ainsi le ferment dont dépend toute la réussite du nouveau collège.

– Hannelore Pierre (UBM) : Élie Vinet, « enseignant-chercheur » ?
Élie Vinet, Principal du Collège de Guyenne de 1556 à sa mort en 1587, a commenté et écrit de nombreux ouvrages. À partir de ces écrits et de leurs préfaces, nous proposerons un aperçu de la méthode de travail de Vinet, de ses outils et de ses relations savantes ainsi que des interactions et des apports mutuels entre ses pratiques pédagogiques et ses travaux de recherche de type philologique et archéologique.

– Sabine Rommevaux-Tani (CNRS, SPHere) : L’œuvre mathématique d’Élie Vinet.
Élie Vinet publie entre 1543 et 1575 plusieurs ouvrages de mathématiques, en latin et en français. Ce sont pour certains des traductions d’ouvrages anciens : il fait paraître ainsi en 1543 l’Arithmetica, la Musica et la Geometrica de Michael Psellos, accompagnées de la Sphère de Proclus, constituant un recueil des disciplines du quadrivium en latin ; il publie aussi une traduction française de la Sphère de Proclus, en 1544. On lui doit par ailleurs une édition, en latin, de la Sphère de Sacrobosco, accompagnée des commentaires de Pedro Nuñez en 1552. En français, il publie, en 1564, une géométrie pratique, l’Arpenterie, et un traité sur les cadrans solaires ; on lui doit aussi un traité d’arithmétique, la Logistica en 1573. Tous ces traités, plusieurs fois réédités, mériteraient une étude approfondie qui n’a pas été réalisée jusqu’à présent. Nous tenterons d’en dire quelques mots. Mais ce sont surtout ses commentaires aux définitions des livres V et VI des Éléments d’Euclide, parus en 1575, qui seront au cœur de notre exposé. Ces commentaires ont été suscités par la lecture qu’a faite Élie Vinet du pamphlet de Pedro Nuñez, De erratis Orontii Finæei (1546), dans lequel Nuñez reproche notamment à Oronce Finé de ne pas avoir compris la théorie de proportions présentée par Euclide au livre V des Éléments.

– Dominique Brancher (Université de Bâle) : « Les ‘erreurs populaires’ en contexte bordelais » (visio depuis les EU)
Pour examiner les enjeux complexes, à la fois éditoriaux, éthiques, socio-politiques et épistémologiques, d’une « culture de la faillibilité » qui se développe dans le champ médical au 16e siècle, on se penchera sur un conflit étroitement lié au contexte bordelais, celui qui met aux prises les médecins Joubert et Reulin, et implique Montaigne, dénonçant la « vaste mer des erreurs medicinales ». En 1578, le médecin montpelliérain Laurent Joubert choisit l’éditeur Millanges à Bordeaux pour publier ses Erreurs populaires, qui entendent dénoncer l’ « hétérodoxie populaire ». Or ce faisant il agit lui-même en dissident, livrant en français des secrets médicaux moralement périlleux, d’où la cinglante réplique de Dominique Reulin, médecin calviniste installé à Bordeaux après avoir exercé à Paris dans ses Contredicts aux erreurs populaires (1580, chez Loïs Rabier, éditeur protestant), qui dénonce une hétérodoxie cette fois savante. De son côté, Montaigne récupère cette notion inédite d’erreur populaire dans une réflexion inquiète sur la propagation de l’opinion commune en pleine guerre de religion, tout en se plaisant à confondre charlatans et médecins doctes en dénonçant les erreurs en matière de santé. Entre la fin des années 1570 et les années 1580, Bordeaux se présente donc comme le lieu de production et de transfert éditorial de la notion d’« erreur populaire » définie puis remaniée et configurée au sein d’un triangle relationnel (Montaigne, Reulin, Joubert). C’est au croisement de ces trois perspectives antagonistes que s’inscrira ma réflexion.


Vendredi matin : 9h30-12h30. Présidence Violaine Giacomotto-Charra (Centre Montaigne, UBM)

– Marie Luce Demonet (CESR, Univ. de Tours) : « Lectures de Montaigne au Collège de Guyenne »
L’idée est de croiser les inventaires et les livres réels qui restent des bibliothèques de Marc Antoine de Muret et d’Èlie Vinet, et d’exploiter en même temps le programme et le catalogue du Collège de Guyenne. Peut-on émettre des hypothèses sur ce que les élèves du Collège pouvaient lire, officiellement ou non?

– Mathieu Ferrand (Université Grenoble Alpes) : « « Burdegalenses uisamus ! » Le Collège de Guyenne et le théâtre comique au XVI
e siècle »
Nous souhaitons, dans le cadre de cette communication, poser la question des rapports que noue le collège avec le théâtre, dès les premières années de son existence, grâce à l’étude de deux textes méconnus. Nous nous intéresserons, dans un premier temps, à une farce parisienne de 1533 qui évoque, avec humour, la fondation du collège de Guyenne et l’œuvre de Jean Tartas ; puis nous examinerons un « colloque » de Robert Breton (1536) qui illustre la manière dont, très tôt, le théâtre comique s’est inscrit dans la vie même de l’établissement.


– Charles Mazouer (UBM) : « Des tragédies pour le Collège de Guyenne ».

Cette communication examinera les tragédies de Buchanan et de Muret représentées alors dans la perspective de leur portée pour la formation des élèves.