La fortune des irregolari italiens dans l’Europe de la Renaissance : circulation des formes et acclimatations de la figure du polygraphe

Colloque organisé par Anne-Laure Metzger-Rambach et Alice Vintenon
Université Bordeaux Montaigne, 13-14 septembre 2021

La critique a attribué les étiquettes de poligrafi et d’irregolari principalement à trois auteurs italiens, Ortensio Lando, Nicolò Franco et Anton Francesco Doni, tous trois nés autour de 1515. Relativement floue, elle constitue, comme l’affirme Paul F. Grendler dans Critics of the Italian World (1530-1560),  » une désignation générale des auteurs qui ont écrit de la littérature vernaculaire, en lien étroit avec les presses vénitiennes ». A ce titre, elle peut être appliquée à d’autres auteurs que Doni, Franco et Lando, notamment L’Arétin, Lodovico Domenichi, Lodovico Dolce, Francesco Sansovino…

Par ses connotations négatives, l’appellation de poligrafi témoigne de l’embarras de la critique vis-à-vis d’œuvres prolixes et protéiformes, qui manient des registres et des formes littéraires très divers. De fait, les poligrafi ignorent généralement les grands genres (à l’exception peut-être de Franco, auteur d’une épopée) pour en imaginer de nouveaux ou créer des objets textuels hybrides, qui empruntent à plusieurs formes et traditions littéraires. Ce goût de l’expérimentation formelle leur vaut aussi l’étiquette d’irregolari, et justifie des rapprochements avec la catégorie esthétique de maniérisme.

Mais l’étiquette de poligrafi reflète aussi une certaine condescendance vis-à-vis du contenu philosophique et moral d’une œuvre que les auteurs-mêmes ont tendance à présenter comme un bavardage superficiel. Pourtant, l’autodérision des poligrafi (qui s’apparente souvent à une stratégie d’autopromotion paradoxale) ne suffit pas à gommer la virulence satirique et, dans certains cas, la profondeur d’une œuvre dont les audaces politiques, philosophiques et religieuses ont souvent été soulignées, notamment dans le cas de Lando, chrétien hétérodoxe, fortement marqué par Érasme, et peut-être tenté par la Réforme.

Ce colloque entend interroger l’appellation de poligrafi, tout en mettant en lumière l’originalité esthétique et le rayonnement européen d’œuvres très régulièrement rééditées à la Renaissance, voire encore lues au début du XVIIe siècle. Le premier axe portera sur les formes littéraires imaginées par les poligrafi italiens ; le second, sur la réception de leur œuvre en France.

Pré-programme

13 septembre 2021 Maison de la recherche, salle des thèses

14h : accueil des participants

14h 15 : mot de bienvenue de Violaine GIACOMOTTO-CHARRA (UBM), directrice du Centre Montaigne et coordinatrice du programme « HumanA ».

14h 30 : Anne-Laure METZGER-RAMBACH et Alice VINTENON (UBM) : introduction au colloque

Conférence inaugurale | présidence : Violaine GIACOMOTTO-CHARRA

15h 15 : Jean BALSAMO (Université de Reims) : L’auteur et l’homme de lettres (ou le polygraphe). Quelques remarques à propos du modèle des irregolari et sa réception en France.

SESSION 1 | Les formes littéraires pratiquées par les irregolari

1.A – Paradoxe, declamatio, écriture sério-comique (présidence : Nicolas Correard)
16h 15 Simonetta ADORNI BRACCESI : Corneille Agrippa, une source de l’Orazione [in lode] dell’Ignoranza de Giulio Landi (1551).
16h 45 Maria Cristina FIGORILLI (Università della Calabria) : Serio e faceto nelle novelle di Ortensio Lando. [en distanciel]

14 septembre 2021 Maison de la recherche, salle Montaigne

1.B – Innovations, hybridations, réinventions des formes (présidence : Cristina Panzera)

9h 30 Conférence de Carlo GIROTTO (Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3) : Formes, genres, hybridations chez Anton Francesco Doni
SESSION 2 | Circulation européenne des écrits des irregolari : éditions, traductions et récritures (présidence : Alice Vintenon)

10h 15 Nicolas CORREARD (Université de Nantes) : Fortunes de l’animal irrégulier

Pause café

11h 15 Paul-Victor DESARBRES (Université Paris Sorbonne) : Des irregolari en français ? Autour des traductions de Pierre de Larivey

11h 45 Hugh ROBERTS (Université d’Exeter), et Annette TOMARKEN (Université de Kent à Canterbury) : Les poligrafi sur la scène française: Cesare Rao et Bruscambille [en distanciel]

SESSION 3 | Acclimatations françaises du modèle du polygraphe (présidence : Anne-Laure Metzger-Rambach)

14h 30 Cristina PANZERA (UBM) : Du Tronchet et Ortensio Lando.
15h 15 Maria Elena SEVERINI (docteure de l’Istituto di Studi Umanistici de Florence) : Loys Le Roy et Francesco Sansovino: deux polygraphes vis-à-vis.

Illustration : Bellini et Le Titien, Festino degli Dei (crédit web gallery of art, tableau conservé à la National Gallery of Art de Washington)