Vie du livre, bibliothèques et collections en Aquitaine à l’époque de Montaigne
Les journées ont dû être annulées en raison de la pandémie. Une partie des communications sera publiée dans le numéro 2021 de la Revue française d’histoire du livre.
Cycle organisé par Evelien Chayes, Violaine Giacomotto-Charra et Xavier Prévost, dans le cadre du projet HumanA, avec le soutien de la Région Nouvelle Aquitaine, de la Bibliothèque Mériadeck, de l’Institut de Recherche et d’Histoire des Textes (IRHT), de la Librairie Mollat et de la Société des Bibliophiles de Guyenne.
Mercredi 1er avril
13h30. Introduction (V. Giacomotto-Charra, Centre Montaigne, UBM)
13h45. Jean Balsamo (Université de Reims) : conférence inaugurale du Cycle sur « La vie intellectuelle en Aquitaine à l’époque de Montaigne » : « Les joyeux devis des Muses, les gaillards assauts du mascaret sur les rivières bordelaises ». Quelques remarques sur l’histoire intellectuelle de Bordeaux au XVIe siècle.
14h45. Evelien Chayes (Radboud University, Nimègue – IRHT – Centre Montaigne) : « Les libraires de Montaigne. Offre et demande du livre à Bordeaux au XVIe siècle ».
Une étude d’une trentaine d’inventaires notariés de la fin du XVIe et du début du XVIIe siècle, cette présentation analysera le contenu des boutiques de libraires bordelais à côté du contenu des bibliothèques privées bordelaises. Quels livres aurait pu se procurer un lettré bordelais en ville et quelles auraient dû être ses sollicitations auprès de libraires en dehors de la région ? Ces interrogations nous aideront à avoir une idée plus claire du type d’offre et de demande de textes d’une part et, d’autre part, de la culture de lecture, voire d’une partie importante de la vie intellectuelle bordelaise de l’époque.
16h15. Jérémy Chaponneau (Bibliothèque nationale de France) : « Aspects de l’offre culturelle à Bordeaux au début du XVIIe siècle : la boutique de Simon et Jacques Millanges en 1624″.
Découvert dans les années 1970, l’inventaire après décès de Jacques Millanges est une source de premier plan pour l’histoire culturelle bordelaise au début du XVIIe siècle. Cet inventaire décrit le fonds de la librairie Simon et Jacques Millanges et dresse la liste de leurs débiteurs et créditeurs en 1624. Il documente d’abord l’activité typographique des imprimeurs bordelais et leur insertion dans des réseaux d’échanges commerciaux à l’échelle du royaume : c’est en ce sens que Louis Desgraves puis Paul Roudié l’ont étudié. Mais cet inventaire renseigne aussi sur une activité à nos yeux plus modeste : la vente au détail dans la boutique de la rue Saint-James d’imprimés en provenance de l’Europe entière. La description d’un fonds de livres où 90% des éditions ne sont pas bordelaises, les indications concernant la présentation matérielle de ces livres et les références à la clientèle locale permettent d’approcher à la fois ce que l’élite sociale veut lire à Bordeaux au début du XVIIe siècle et ce qu’elle peut effectivement y lire. L’ensemble invite à mettre en lumière, à l’échelle locale, le rôle primordial du vendeur de livres, du boutiquier, dans la respiration intellectuelle de la ville et dans la définition d’une offre culturelle relativement plus vivante et moderne que la description traditionnelle des réalités provinciales ne pourrait le laisser penser.
17h. Alicia Montoya (Radboud University, Nimègue) : « Livres et auteurs d’Aquitaine dans les bibliothèques privées en Europe (1665 – 1830) ».
Dans cette communication, nous nous pencherons sur les livres et auteurs d’Aquitaine que nous avons recensés dans 300 catalogues de bibliothèque privées de taille moyenne qui ont été vendues aux enchères en France, Provinces-Unies et Royaume Uni entre 1665 et 1830. La base de données numérique MEDIATE (Measuring Enlightenment: Disseminating Ideas, Authors, and Texts in Europe), actuellement en cours de construction, nous permet en effet non seulement d’identifier les titres individuels qui se trouvent dans ces collections, mais aussi de comprendre comment ces livres se sont inscrits dans un système littéraire et dans une culture du livre plus vaste en Europe au cours du long XVIIIe siècle.
Jeudi 2 avril – Auditorium de la Bibliothèque Mériadeck
9h. Matthieu Gerbault (Responsable du service Patrimoine et Conservation, Bibliothèque Municipale de Bordeaux) : L’Exemplaire de Bordeaux, son histoire et sa restauration.
9h15. Coralie Barbe (Restauratrice du Patrimoine, Atelier Coralie Barbe) : « Étude matérielle et restauration de l’exemplaire de Bordeaux ».
9h45. Ilaria Pastrolin (École nationales des chartes): « En transparence : une étude matérielle du papier et des filigranes de l’Exemplaire de Bordeaux ».
S’il est vrai que le terrain le plus fertile pour développer des études matérielles sur le papier est constitué par les documents d’archives, rien n’empêche que le même protocole d’analyse soit appliqué aux documents littéraires. Pour ces derniers, il s’agit à la fois d’élargir le champ de recherche à des pistes nouvelles et d’avoir un point de vue complet sur le document/texte, qui passe par la prise en compte du support et la collaboration avec les spécialistes du secteur. L’analyse du papier et des filigranes peut paraître peu intéressante, car elle ne fournit pas de réponses ni amène à de découvertes éclatantes rapidement ; toutefois, si leur apport semble minimal, le papier et les filigranes ont une importance non négligeable en tant qu’évidence bibliographique, surtout quand les données matérielles sont interprétées à l’aide des historiens du livre et de la littérature. Alors, il est clair que l’alliance entre ces derniers et les filigranologues devient non seulement possible mais souhaitable. Dans la même logique, l’expertise matérielle de l’EB n’est pas proposée comme une voix oraculaire résolutrice mais comme un élément de départ et d’enrichissement.
10h50. Marie-Élisabeth Boutroue (CSER) et Alain Legros (CESR) : « Faire parler les encres de Montaigne »
L’analyse des encres, couramment menée pour l’authentification des documents, notamment dans un contexte judiciaire, intéresse aussi les études historiques et littéraires dans la mesure où elle permet de préciser des questions de génétique textuelle ou d’apporter des réponses à des problèmes historiques très variés touchant l’économie du marché du livre ou les pratiques culturelles liées à la production de documents écrits. Dans le cadre du programme ANR CodikHum, l’analyse des encres est menée sur des documents très variés à des fins de normalisation des protocoles d’analyse. Seront exposés les premiers résultats d’une étude des encres de la partie manuscrite de l’Exemplaire de Bordeaux (mains de Montaigne et de Marie de Gournay), menée conjointement par Patricia Roger et Olivier Pédeflous (IRAMAT d’Orléans) pour la spectrographie et par Alain Legros (CESR de Tours) pour la distinction des mains (globalement validée par l’analyse des encres) et l’essai de chronologie relative (premier jalon d’une enquête en cours sur les différentes « sessions » ou « campagnes » d’annotation de Montaigne sur EB).
11h40. Matthieu Gerbault : « Le Fonds Millanges, livre en main » : présentation de quelques ouvrages choisis du Fonds Millanges et de l’exemplaire de Bordeaux restauré.