Journée « Autour de Montaigne. La figure du sage ignorant » 
Journée organisée par J.F Dupeyron et F. Lins,
avec le concours de V. Giacomotto-Charra

Laboratoire SPH, Université de Bordeaux (bat. B2), 28.03.2019

Dans l’ « Apologie de Raymond Sebond », Montaigne s’insurge de manière détaillée et assez explicite contre toute forme de dogmatisme : « La peste de l’homme, dit-il, c’est l’opinion de savoir » (II, 12). Ce refus des certitudes acquises a pour corollaire la mise en œuvre d’un type de savoir, ou plutôt, de savoir-vivre fortement lié au concept d’ignorance. En nous présentant plusieurs figures emblématiques de l’ignorance tout au long des Essais, Montaigne souligne à maintes reprises l’admiration qu’il porte à des personnages tels que Socrate, les humbles paysans de son temps et les Indiens d’Amérique. Le plus souvent perçu comme un des hommes les plus lettrés de son siècle, il semble à première vue paradoxal que Montaigne valorise la sagesse de personnes habituellement taxées d’ignorance, c’est-à-dire les « honnêtes gens », dits “simples et grossiers” et assurément, étrangers au cercle restreint des « fines gens », humanistes érudits et membres notoires de l’élite intellectuelle de son temps. L’affirmation des figures paradoxales du »sage-ignorant » peut en ce sens soulever de nombreuses questions.

   Doté d’une des bibliothèques les plus fournies de son siècle, Montaigne serait-il, en effet, foncièrement anti-intellectuel? Ou bien, sa préférence affichée pour les « sage-ignorants » traduirait-elle une simple nostalgie d’une forme de naturalisme hellénistique? Quels rapports l’auteur des Essais établit-il entre savoir et ignorer? Confère-t-il un statut épistémologique à l’ignorance? Dans quelle mesure peut-on parler de ce que l’on méconnaît, doit-on discourir à propos de ce que l’on ignore? Une parole philosophique qui assume son ignorance gagnerait-elle, selon Montaigne, en véridicité? S’agit-il avant tout d’être ignorant, ou de se reconnaître comme tel? Montaigne distingue-t-il l’ignorance de la bêtise? La « simplicité » des paysans et le « naturalisme » des Indiens d’Amérique, tels que Montaigne les décrit, équivaudraient-ils à l’ « inscience » socratique et à la « docte ignorance » cuséenne? En quelle mesure le « savoir-ignorant » que Montaigne semble appeler de ses voeux serait-il utile ou salutaire? Quels effets, en somme, pourrait avoir l’assomption de l’ignorance sur l’interlocuteur ou le lecteur?

Avec les interventions de :

• Sylvia Giocanti (Université Toulouse Jean Jaurès – PLH) : « Le sage sur le mol oreiller de l’ignorance »

• Fabien Lins (Universidade de Campinas – São Paulo – SPH) : « Simplicité et docte ignorance chez Montaigne »

• Stéphanie Péraud-Puigségur (Université de Bordeaux – Sophiapol, U. de Nanterre) : « Un sage ignorant qui ‘desenseigne la sottise’ : à l’école paradoxale des Essais de Michel de Montaigne »

• Alice Vintenon (Université Bordeaux Montaigne, TELEM – Centre Montaigne) : « Montaigne et la tradition des paradoxes contre les lettres ».